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 welcome to the new age. (ONE SHOT)

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Derek Morrow

nothing's gonna change my world
Derek Morrow

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BARGE DEPUIS : 14/01/2019
ROYAUME : Empire State of Mind.



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MessageSujet: welcome to the new age. (ONE SHOT) welcome to the new age. (ONE SHOT) EmptyVen 23 Oct 2020 - 10:40


We'll paint it red to fit right in.
♫♪♫
(C) CSS + Crossover by Disturbed.


Dans la brume d’un passé pas assez lointain.
Afghanistan, Asie du Sud…

Derrières les monts solitaires et austères, tombe doucement ce disque fauve et étincelant qui n’est que prélude à la fraîcheur du soir qui malicieusement descend sur les toiles de notre modeste campement à même que l’humeur de nos âmes. Noire se veut la nuit. D’encre se veut sa marque. D’ombre ainsi tout se drape lorsqu’inévitablement le désert oxydé se replie au règne du crépuscule. Le petit plaisir de retrouver son lit propre et bien fait vaut le soin et le temps que j’y apporte à tous les matins. Avant la discipline militaire, pour le bonheur de ma femme, ce petit rituel d’avoir une literie bien disposée ; cela est viscéral dans mes habitudes de vieux garçon. Assis en tailleur sur mon lit de camp, dos vouté sous le poids de l’harassante journée qui vient de passer, coudes appuyés sur le flanc des genoux, bâton de mort se consumant tout seul entre mes phalanges, ainsi je viens rejoindre mes hommes au balcon des oubliés et laisse le spleen un instant m’envahir. Mes célestes et polaires azurés, coruscantes d’un trouble sans nom et sans merci, allant avec paresse se fixer sur la photo instantanée que je retiens aux bouts de mes doigts fébriles et graciles. Juste une photo polaroid, que mes gars se plaisent à persiffler, pour me charrier et me taquiner.

Ruines et réminiscences d’une belle journée à la plage de RevealDown, alors que le mercure explose le baromètre des vingt-cinq degrés et que l’astre de feu dans la trajectoire des rayons enfiévrés baigne et découpe leurs célestes silhouettes. Hailey, hilare, fière d’être regardée, pas plus haute que trois pommes, pâmée en les bras protecteurs de sa mère qui de tout son amour l’étreint et la mitraille de bisous esquimaux. Nez froissé, sourire de madone aux lippes, sable séché sur la carne caramélisée de ses pommettes empourprées, contrairement à sa fille, Nell n’aime pas se faire prendre en photo. Trop timide. Trop discrète. Trop modeste. Il en a toujours été ainsi. D’aussi loin que je puisse me souvenir. Avec la venue de notre petit trésor au monde, par chance, sa réticence s’est étiolée et parfois je pouvais figer dans le temps des moments comme celui-ci…

Ces petits bonheurs quotidiens que pas assez souvent je polarisais et que désormais privé, j’en apprécie la juste valeur. En l’ironie des choses, ne se veut-elle pas ainsi, la Vie ? Une succession de moments saisies ou ratés… une série d’existences qui s’entrechoquent dans une perte totale de contrôle et que jamais nous ne pouvons maîtriser. Ces moments où le gris ne peut être effacé, ces moments où les yeux doivent apprivoiser cette couleur et où les cœurs doivent battre le rythme de sa rumeur. Juste une photo polaroid, que mes gars se plaisent à persiffler, pour me charrier et me taquiner…

- Vous avez de leurs nouvelles, sergent Morrow ? que timidement se fait entendre une voix.

Extirpé de mes affres, je me secoue, lève doucement les yeux vers la silhouette dégingandée de Cooper qui à catimini se crayonne en l’embrasure de la fermeture à glissière de ma tente laissée ouverte, anticipant ce genre de petites visites.

- Elle a commencé à perdre ses cheveux, que je murmure, mon désarroi m’arrachant du tombeau de la poitrine le moindre souffle ou la moindre cellule de vie. Trop lucide, trop ancré à cette faille grandiloquente qui se creuse en la matrice de ma vie. Cette palpable et sépulcrale machination qui de pénombre et d’effrois vient funèbre s’étaler comme un suaire sur cette prise de conscience qui me claquemure en cette cuisante Réalité. Au torrent du chagrin, de la Peur, de l’amour, je m’abandonne un instant, m’enivrant du souvenir de cette belle journée que nous avons passée à la plage, que je chiffonne au creux de ma dextre frémissante. Ce n’est jamais qu’une photo de polaroid. Moire de flamme et d’argile. Cendres et poussières que désespérément j’étreins, pour que mon chagrin de père reste à jamais éteint :

- Nell m’a expliqué que trois ou deux semaines après le premier traitement de chimiothérapie, la perte de cheveux commence.

- Sergent Morrow---

- Derek. Appelez-moi Derek, soldat Cooper, que je corrige, au travers de mes dents grinçantes, ne pouvant supporter cette figure d’autorité alors que l’impuissance m’empale et me déchire de l’intérieur. Sergent. Quelle étrange étiquette, lorsque l’échine se courbe, que la nuque se ploie et que le corps métallisé flanche sous le poids de la Fatalité. Pourquoi se donner ces grands airs, lorsque le sentiment de faiblesse terrifie et glace un cœur déjà brisé et mutilé ?

- Et elle répond bien au traitement ?
- C’est trop tôt pour que les oncologues osent se prononcer.
- Le Caporal Richardson est au courant ? Pour votre fille.  
- Non.
- Derek, vous---
- Je ne veux pas qu’il le sache, Coop’ ! Il forcera ma libération et c’est un luxe que nous ne pouvons nous offrir. Nous sommes criblés de frais médicaux. L’assurance en couvre une bonne partie, mais reste que nous avons encore besoin d’argent. Nell peut se priver de bosser, mais pas moi !


Alors je suis coincé ici, à l’autre bout du monde, à jouer les héros, alors que la véritable héroïne, de toute cette sale histoire, lutte pour se réveiller à tous les matins avec le sourire aux lippes. Je suis coincé ici, à l’autre bout du monde, à diriger une bataille après l’autre, alors que la véritable battante, elle combat jour après jour la douleur, la peur et l’incertitude. Je suis coincé ici, à l’autre bout du monde, à jouer avec ma mort en sursit alors qu’elle lutte pour sa survie ! Galvanisé par le ridicule assassin de notre situation, je me passe une main tremblante sur le duvet de mon crâne rasé, comme si cela allait balayer quoi que ce soit et apaiser les affres qui dans la tempête se démènent pour faire remonter dans mon œsophage le fiel d’une grisante amertume. Cette peur sourde et froide qui prend aux trippes et perfore jusqu’à l’os ! L’horreur qui s’éveille, tousse et éructe depuis les gouffres les songes funéraires. Quinte impossible qui prend d’assaut l’esprit, l’oppresse et l’étouffe !

- Je ne veux pas qu’elle souffre, Cooper…

Mon bébé. Ma petite fille. Notre Hailey. Je n’arrive plus à respirer dans cet Enfer. Le moindre souffle me brûle les poumons et immole mon plexus scolaire. Il y a des saveurs de calvaires, parfois si amères, qu'on ne peut éprouver ou exprimer. C’est d’une horreur d’absoluité, qu’on ne peut tout simplement pas expirer ou pleurer. Alors ça reste là, inaccessible, lointain, comme coincé en les replis de l’âme qui se fêle alors que la tourmente sur nous déferle. Transi en ce désarroi sans nom, ne pouvant exprimer l'ineffable, je me saisis le crâne à deux mains et laisse le silence doucement bercer mon âme navrée de suppliques horrifiantes.  

Impuissant devant mon accablement, Cooper déglutis de travers, risque quelques pas vers mon niveau et pose un genou parterre. Au creux de sa paume, il happe ma nuque et vient nicher mon front appesanti dans le creux de son épaule. Exprimer l'ineffable ne pouvant en vain calmer mes alarmes, alors il s’emmure lui aussi de silence et met en interruption les sanglots de notre monde en pleine hécatombe.  

En l’ironie des choses, ne se veut-elle pas ainsi, la Vie ? Une succession de moments saisies ou ratés… une série d’existences qui s’entrechoquent dans une perte totale de contrôle et que jamais nous ne pouvons maîtriser.

• • •

- Cooper ! Coop’ !

Ma voix se perd dans l’écho des assauts. Tout proche. Trop proche. La guerre nous encercle de toutes parts, l’environnement sonore se résume qu’à des hennissements interminables, des sanglots étouffés par la main meurtrière et des déflagrations stridentes passibles de faire quadrupler les rythmes cardiaques des cœurs dans la poitrine des hommes. Ode au Chaos que nous avons nous même créé, qui maintenant nous domine de sa salve horrifique et meurtrière. L’atmosphère qui se déchire. Le sol qui tremble. Le goût du sang sur mes lèvres. Le ciel qui ne cesse de s’obscurcir par l’acerbe passage des obus catapultés un peu partout, qui éventrent les dunes de sables et délaissent dans un nuage de poussière et de débris une pluie carmine, grumeleuse d’éclisse de chair et poisseuse d’hémoglobine. Dans ces terres marquées par la guerre, les corps s’étalent et tombent comme des mouches. Du souvenir de ces soldats, il ne reste désormais que des amas de viandes calcinées et décapitées dans une mare de sang granuleuse et opaque. Retombé dans le malström épouvantable, il y a Cooper. La jeune recrue. Le gamin. Le maladroit. Le poltron. Le mouton noir. La brebis égarée au milieu des loups avides de ce monde de chairs ouvertes.  

Une ultime bombe explose et fini d’achever nos facultés auditives. L’onde de choc propagée un peu plus haut sur les dunes venant résonner contre les cloisons osseuses de nos crânes et faisant vibrer les treilles recourbés de nos cages thoraciques. La Fatalité nous balaye de son souffle de dragon et la Mort surgit d’une brutalité terrifiante. On ne peut rien faire. On ne peut plus rien faire. L’Ennemi prend en progression et on se fait canarder comme de minables cibles impuissantes et vulnérables.  Au loin, parmi les sifflements de projectiles, parmi la rumeur étouffée des balles qui perforent les tissus humains, j’entends les voix gutturales et rauques des officiers qui hurlent et appellent leurs sections. Celles qui, comme la mienne, est un renfort vain et transformées en bouillie de sang.  

Le sable se met à pleuvoir, en harmonie parfaite avec les obus qui viennent s’échouer un peu partout dans le sol. Ce n’est plus une offensive, mais un véritable carnage... cette guerre prend une tournure apocalyptique et ce champ de bataille devient un gigantesque cimetière incandescent, là où, secousse après secousse, les cadavres se dispersent partout. De ceux mis ainsi en pièces et qui n’ont pas manqué de sauvé la vie de l'un de nous. Des autres qui se sont simplement fait abattre et cribler de balles, parce qu’ils ont fait l’erreur de foncer tête baissée dans la zone de bombardement. Erreur que Cooper a commise…

- Coop’ ! Bon sang ! Regardes-moi ! je lui hurle dessus, mes mains meurtries allant se mouler en deux poings comprimés sur sa veste kaki que je découvre inondée de sang. Sous mes paumes, je sens sa poitrine se soulever d’un souffle de plus en plus court et absent. Il a les yeux révulsés dans leurs orbites et de sa bouche s’épanche un filet d’hémoglobine de plus en plus important. À cela se fusionnent les gerbes de salives et les restes d’un repas indigent. Il a été touché au ventre et ces vomissements présentent des augures que je ne peux permettre. Pas à lui. Pas comme ça. Pas dans ce calvaire.

- Tu ne peux pas le sauver, Derek ! Et si on reste là, dans ce trou, on va finir comme lui !

Je le sais. Mais je m’obstine à rester là dans cette cache salvatrice et improvisée dans l’anfractuosité d’une dune de sable anciennement habitée par une bombe artisanale. L’Enfer se déchaine et englouti le monde de ses flammes flamboyantes et voraces. J’ai appris à m’endurcir, à accepter l’univers dans lequel je suis condamné à avancer, devenant de plus en plus éloigné de ce monde de chairs ouvertes. Dépersonnalisant chaque victime et aspirant une telle distance à la vue du sang. Oubliant l’essentielle, méprisant le vrai pour avoir le faux. Lorsque je vois le sang couler, c’est la vie à son état le plus pur qui se déverse du cadavre, germe de l’âme qui bientôt quitte son enveloppe charnelle… fragment de l’existence que je vois être rompu par la volonté de la haine viscérale. Mes repentirs me rendant si lâche, j’ai appris à louanger l’horreur pour ne pas meurtrir mon âme déjà en pleure.

- Laisses-moi simplement abréger les souffrances de ce pauvre gamin, Harts !

En les confins sépulcraux et délétères de cette infernale spirale, malgré la Faux qui sournoisement laisse réfléchir nos reflets ensanglantés sur sa lame, je prends le temps. Je prends le temps de faire ce qu’il y a à faire. Il en a pour des heures à souffrir le martyre. Si ce n’est pas la Mort qui l’emporte avant, c’est l’Ennemi qui risque de lui mettre la main dessus et pour le faire chanter seront fous et parés à l’écarteler sur les pires atrocités ! Il n’a que dix-neuf ans. Il ne connaît de la vie que l'horreur, la peur, le désespoir et la mort. Jeune. Trop jeune pour ainsi se plier à la volonté de ces Hommes qui se prennent pour Dieu. La barbarie humaine fait de nous des propres à rien. Sans rien dire, sans rien voir, sans rien ressentir, poussés l'un contre l'autre, on se tue sans rien savoir et sans rien connaître de l’Autre. Nous ne croyons plus en rien. Si ce n’est que la Guerre. Des perles cristallines et salines roulent sur mes joues teintées par la couleur d’une brique, se déversent sur la froidure de ce corps qui n’a désormais plus aucun avenir. À la douceur d’un éphémère, ma dextre frémissante vient doucement rejoindre et s’aplatir sur les voies respiratoires.  

Un. Deux. Trois. Chaque seconde qui s’égraine me dégoûte et m’envahi d’une noirceur sans nom. L’hécatombe autour de moi semble même vouloir se fondre dans la pénombre, son incandescence  me léchant ultimement l’échine, pour mieux faire bouillir mes chairs crépitantes. Cheval de guerre qui a perdu son brave écuyer, bête orpheline qui ne sait plus quel fardeau porter sur son dos arrondie par la folle détermination, me voilà qu’à corps perdu je m’élance sur le seuil du Crime. Il y a des saveurs de calvaires, parfois si amères, qu'on ne peut éprouver ou exprimer. C’est d’une horreur d’absoluité, qu’on ne peut tout simplement pas expirer ou pleurer. Alors ça reste là, inaccessible, lointain, comme coincé en les replis de l’âme qui se fêle alors que la tourmente sur nous déferle.

Alors mon âme s’ouvre à la pestilence et déguste l'infâme. Tuer par compassion peut véritablement aliéner toute raison. Ce n’est plus des bombes et obus qui vrillent à mes tempes, mais l’écho funèbre des remords qui de fers et de cymbales jouent la funeste symphonie.

En l’ironie des choses, ne se veut-elle pas ainsi, la Vie ? Une série d’existences qui s’entrechoquent dans une perte totale de contrôle et que jamais nous ne pouvons maîtriser.

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