Revealdown, 2005
| Ambiance musicale |
Courtesy call - Thousand Foot Krunch

— La réponse est toujours non, Azaléa.

L'indignation enflait au creux de sa cage thoracique. Depuis des mois, Hardison la préparait au combat. Depuis des mois, il lui enseignait l'art et la manière de traquer, lui révélant les secrets de ce monde. Des mois de préparation et tout ça pour quoi? Afin d'accentuer son mécontentement, l'escorte-girl fit claquer sa langue contre son palais.

— Tu n'es pas encore prête, argumenta t-il avec douceur.

Il espérait calmer la ténébreuse mais au contraire, le volcan en elle ne demandait qu'à éclater. Elle? Pas prête? Son sourcil prit la forme d'un accent circonflexe. Il venait de la vexer mais ça ne changeait à rien à la décision qu'il venait de prendre.

— Très bien, lâcha t-elle en s'emparant du fil et de l'aiguille.

Hardison déglutit. Loin d'être de nature douillette, il réalisait néanmoins qu'énerver la femme censée le recoudre n'était pas une bonne idée. Surtout qu'Azaléa ne s’embarrassait jamais de remord inutile.

Elle contourna la chaise où Hardison était installé et examina une dernière fois sa plaie ouverte sur le dos. Du bout des doigts, elle triturait la blessure, de quoi arracher quelques grognements à l'homme dans sa cuisine. Pas prête, qu'elle se répétait intérieurement. N'importe quoi.

— De toute façon, je m'en fiche, un client doit venir ce soir.

Un mensonge qu'elle énonça avec flegme alors qu'elle enfonçait l'aiguille dans la chair. Au fil des mois, c'était devenu une habitude. L'homme blessé trouvait refuge dans le giron de la catin pour être soigné et accessoirement nourri. Qu'il le veuille ou non, elle comptait bien traquer ce vampire dont il lui avait parlé. Elle... pas prête. Un élan de dédain accueillait ses paroles qu'elle se remémorait.

* * *

La douleur irradiait son crâne. Un étau serrait son cerveau avec acharnement, l'empêchant ainsi de réfléchir. Ses souvenirs s'embrouillaient. Incapable de bouger dans un premier temps, elle tenta d'ouvrir les yeux mais ses paupières pesaient une tonne. Du plomb en guise de cils. Azaléa essayait de se souvenir mais plus elle fouinait dans les méandres de son esprit et plus la douleur se ravivait alors elle abandonna.

L'humidité des lieux et le froid environnant lui arrachaient une multitudes de frémissements. Ses dents claquaient. Si elle ne voulait pas mourir congelée au milieu de nul part, elle avait tout intérêt à se bouger. Elle compta mentalement jusqu'à trois et usant de toute sa volonté, elle ouvrit les yeux. L'obscurité totale. Un noir si opaque qu'il devenait possible de le toucher. N'importe qui, ou plutôt, n'importe quoi pouvait se cacher dans les ténèbres. Malgré elle, Azaléa sentait son palpitant s'emballer. La peur s'installait. Une montée d'adrénaline qui décuplait sa capacité à réagir et à réfléchir.

La jeune femme se redressa et s'autorisa quelques secondes pour sonder le lieu à l'aide ses autres sens. Une odeur de pierre et de terre nimbées d'humidité. Le bruit d'un écoulement. Ce froid, cette moiteur constante... Une grotte. Elle se trouvait dans une grotte. Okay. D'une certaine manière, ce nouvel élément la rassurait. Elle n'était pas nul part, elle était quelque part. Par réflexe, elle glissa une main à l'arrière de son pantalon et fut surprise d'y trouver son téléphone qui logeait tranquillement dans sa poche. Bizarre mais tant mieux. La personne l'ayant mise ici l'avait dépouillé de ses armes mais pas de son cellulaire.

Elle tenta d'appeler Hardison, en vain. Aucun réseau. Elle ne se laissa pas démonter et utilisa la fonction lampe de poche pour se guider jusqu'à la sortie. A mesure qu'elle marchait, elle songeait à son ami chasseur. Dans le fond ce n'était pas plus mal qu'elle n'ai pu le joindre. Si elle parvenait à se débrouiller toute seule, il ne sera plus en mesure de lui asséner un "t'es pas prête".

— Te voilà enfin, tonna une voix lorsqu'elle s'extirpa enfin des entrailles de la terre. J'ai cru que tu ne sortirai jamais de là.

Un rire sadique ponctua ces paroles et Azaléa leva les yeux au ciel, peu désireuse de montrer le moindre signe de faiblesse. Ses souvenirs revenaient petit à petit. L'homme en face d'elle n'était ni plus ni moins que le vampire qu'elle avait pris en chasse, malgré les recommandations d'Hardison. Non content de l'avoir assommé, il l'avait balancé au milieu de nul part. Et tout ça pour quoi?

— Et maintenant, c'est quoi la suite du programme?

Insolente, pleine de défiance, elle occultait la terreur qui lui nouait l'estomac mais son état n'échappait pas au vampire. Il entendait les pulsations de son coeur. Il se délectait de l'odeur qui émanait de son nouveau jouet. Une forte tête. Il allait adorer jouer avec elle.

— Maintenant, tu cours.

L'hésitation la clouait sur place. Si elle obéissait à cet ordre, alors elle devenait effectivement une proie, une victime. Hors de question. En analysant les alentours, elle vit son sac d'armes à quelques mètres du vampire. Azaléa voyait une chance de combattre et de vaincre. Alors un sourire s'esquissa sur le coin de ses lèvres.

— Tu rêves.

L'escorte-girl s'élança, désireuse de s'emparer au plus vite d'une arme mais elle avait sous estimée la rapidité de son ennemi qui la saisit par les épaules pour ensuite la plaquer contre le tronc d'un arbre. L'instant d'après, une horrible douleur s'empara d'elle. Des canines s'enfonçaient dans sa chair, déchirant sa peau.

Elle cria.

Joyeux anniversaire.

C'est ce qu'il faut dire en principe, non ? Ca fait combien d'années à présent ? Tu as arrêté de compter. Tout ce dont tu te souviens, c'est de la date. Et que tu tiens à être présent, chaque année. Tu te fais du mal, Harper. Quand vas-tu enfin accepter qu'il n'y a plus rien à faire, si ce n'est passer à autre chose ? Là est bien le problème : si tu acceptes de le laisser partir, soit tu deviens un monstre, soit tu reviens à la terre. Pour de bons cette fois.

Peut-être serait-ce mieux pour tout le monde, en fait.

Tu t'es garé à quelques kilomètres, pour prendre le temps de marcher jusqu'à la grotte, faire cette procession. Tu n'en attends rien, mais tu en as besoin. Le ciel est dégagé et, vierge de toute pollution lumineuse, tu peux admirer les astres. Tu as toujours trouvé cela magnifique et tes capacités d'immortel auront au moins eu cela d'utile : de pouvoir apprécier la beauté de ce monde comme aucun humain ne saurait le voir. Le chemin est toujours le même et tu le parcours à présent par automatisme ; tu pourrais presque le faire les yeux fermés ! Un moment de parfaite quiétude, dans l'infinité de tes pensées tourmentées.

Jusqu'à ce qu'un cri déchire ce voile, de silence et de paix.

Bien sûr que tu l'as entendu et qu'il ne te faut qu'une fraction de seconde pour trouver la bonne direction. Tu ne réfléchis pas un instant, pour dévier de ton chemin et accélérer le pas. Enfin, dévier ... Tu réalises rapidement que tu te rapproches toujours de la grotte. Quelqu'un aurait-il eu la même idée ? Pas de quoi en faire crier la donzelle du coin ! C'est en réduisant la distance que tu en apprends plus ; peut-être un peu trop.

Ah ? Ah oui, quand même.
Bon ben ... Bonjour chez vous, hein.

Tu comprends pourquoi la demoiselle en a tant hurlé : vu le chaud lapin, même toi tu lui aurais foutu un pain ! Tu te sens très con, un peu voyeur et surtout pas à ta place. Pensant les déranger, tu préfères passer ton chemin mais tu buttes sur un sac. Ton regard se pose sur ce dernier, puis sur le couple, puis sur le contenu du sac et une dernière fois sur le couple. Soit c'est un tas de sex toys de très mauvaise qualité, soit c'est supposé pénétrer d'une toute autre façon !

L'espace d'un instant, tu te demandes si tu ne devrais pas les laisser à leurs jeux. Là n'est pas ta place, surtout en ce jour. Et puis ... Et puis tu penses à feu ton époux et ce qu'il dirait, s'il te voyait en retrait, à ne pas intervenir. Non, il n'aurait certainement pas été pour un plan à trois ! Tu décides finalement de jouer les héros d'opérettes et te saisis d'un pieux. Tu prends le temps de les approcher, faire connaître ta présence par tes pas - au cas où ça les dérangerait vraiment - jusqu'à ce que tu remarques que la demoiselle semble réellement lutter.

Elle n'était pas partante, en fait ?
Ah mais fallait l'dire !

Usant de ta vitesse surhumaine, tu les rejoins en - littéralement - une seconde. Sans préliminaires, tu perces la chair de l'assaillant avec tes crocs ; lui mordant violemment le cou. Il réagit immédiatement mais tu es le plus rapide : à peine l'as-tu bien en bouche que tu te retires, sans relâcher la prise. Sa peau est la première à se déchirer, rapidement suivie par un bon morceau de muscle qui reste entre tes dents ; arraché à son corps. Sans grande cérémonie, tu le craches au sol et demandes ; la gueule souillée et très fier de ta provocation :

"Alors comme ça, t'aimes mordre sans consentement ? Maintenant tu sais c'que ça fait !"

Tu cherches vraiment la merde, Harper.