Elle s’expire de mes poumons, mon gosier asséché est un véritable encensoir, par veloutes de fumées grisâtres, la brume de nicotine flirte sur la barrière de mes lippes, telle une moire sépulcrale, pour finalement se perdre vers les méandres bleutés de la voûte céleste. Adossé contre la brique de ce haut mur qui m’accule dans le maze des canyons urbains, mes céruléennes voient et observent défiler la ribambelle anonyme de ces silhouettes éphémères qui circulent par grandes houles autour de moi et me contournent tel le flux continu d’une eurythmique rivière. Le carrousel sirupeux et vespéral de visages étrangers qui tourbillonnent autour de moi pour laisser circuler dans l’atmosphère étanche de cette ville, l’hymne d’une société fanfaronnade qui s’évertue à une valse de Strauss ou encore une marche de Sousa. Qu’importe la romance ? Toujours j’entends son péan tragique et étrange. Ma dernière confrontation avec mon ex femme, m’a si bien ramené sur la conscience ces rancœurs maladives qui ne font qu’aimanter sur ma dégaine de charognard ces œillades apeurées qui présentement m’écrasent de toute leur apesanteur. Mon orgueil, elle a finie par se disloquer sous les sabots de leur lourd attelage, chargé de mépris et de craintes à mon égard alors que je me doute que mes derniers coups d’éclat et tout récent séjour dans les geôles du poste de police ont attisés les commérages du lentilleux voisinage.
Flâner à l’entrée des urgences, à fumer comme une cheminée dans les figures des petits souffreteux de maux quelconques qui sont là pour s’aérer les poumons, certes, c’est comme mettre un pansement sur une fracture ouverte, mais c’est la seule anesthésie locale que je peux légalement trouver ici pour m’aider à patienter et apaiser mes nerfs tendus comme la corde d’un string en-dessous de mes carnes livides. Un regard distrait sur l’heure affiché à l’écran de mon mobile et je réalise que je suis en retard. Fuck ! Bordel, mais tu fous quoi, Nell ?! Me dis pas que tu fais des heures supp’ ce soir ? J’ai vraiment pas envie de croiser sa gueule au coude d’un couloir et de débouler dans le cabinet de ma psy avec la tête de si complètement enfoncée dans le cul qu’Elle pourrait finir par croire que je prends cette dégaine comme ombrelle. Mais errer ici, l’air un peu stalker avec le suaire de mon hoodie de juché sur mon crâne, à pomper une cigarette après l’autre, c’est louche. Moi-même, je me croiserais ici-bas, et j’aurais envie d’alerter les agents de sécurité par crainte que ce malade mental soit là pour kidnapper mon enfant.
Un dernier coup d’œil sur l’aire de stationnement, la bagnole de mon ex femme est toujours immuablement là. Vaincu avec un grand K, j’écrase mon mégot de cigarette trépassée du feu de tantôt contre le mur et enfin mon armature humaine de gros panda sauvage disparait derrière les portes coulissantes.
• • •
Des chambres capitonnées, une aile de couloir à l’ambiance aussi sinistre que défraichie, madame Ford, fidèle pensionnaire, surtout fidèle à elle-même, calfeutrée à la salle commune, comme toujours, elle me salue de son gargantuesque cri de veuve éplorée alors que sans trop m’annoncer je viens m’échouer sur le comptoir d’accueil… derrière lequel une espèce d’hipster emo à la tronche moucheté de piercings reluque de son regard de poisson mort la reliure d’un magazine déchu depuis l’ère où il était une fois un afro américain qui siégeait à la Maison Blanche…
- Ouais ? Quel sujet ? J’peux t’aider ? Que parvient à formuler l’infirmière, entre quelques poisseuses mastications de bubble gum, non sans même relever les yeux sur ma trogne.
- J’ai un rendez-vous… avec la docteure Davies ?!
- Ouais. J’sais. T’es en retard, Morrow. Est pas là tout de suite. J’sais pas où elle est. Mais elle devrait revenir bientôt. Pause café. Sans doute. C’pas malin, faire attendre une créature aussi mystique que la doc Davies, tu penses pas ?!
Et là elle ose enfin une œillade sur moi, une lueur étrange valsant dans l’onyx de ses pupilles endormies alors que moi je ravale de travers ma salive.
Bien sûr qu’elle n’est pas sur l’étage, ma psy. Il y a ce petit je-ne-sais-quoi de dissident, de pas comme avant, lorsqu’enfin Elle est là et glisse sur les moires reluisantes de notre monde comme le fait un cygne sur le lac…
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Aileen Davies
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Sujet: Re: oh oh, here she comes. (AILEEN) Dim 7 Juin 2020 - 10:33
OH OH, HERE SHE COMES Derek Morrow ✤ Aileen Davies
❝ I'm the poison in your bones... ❞
Les palabres ronronnent au loin. Brouhaha intempestif, que l'ouïe ne perçoit qu'à moitié. L'esprit divague çà-et-là, déjà transi d'une attente lancinante. L'esquisse d'un rictus s'étiole sur les lippes sanguines. Sûr que la totalité du pantin s'alanguit des minutes, mollassonnes, qui traînent des savates sur le cadran de l'existence. Alors la caboche s'agite, fébrile, mais donnant l'illusion d'être soucieuse des inepties qui lui sont rapportées. Une œillade, une de plus, et Aileen sent l'oppression du temps lui broyer les viscères. De toute sa semaine, elle n'avait espéré que cet instant, éveillant un sentiment pernicieux entre ses lombes. Comment appréhender cette nécessité cuisante ? Elle l'ignore. Cependant, elle ne peut nier l'attraction néfaste qui brûle sous la couenne. Et si elle s'évertue à boire les bavardages persistants de ses autres patients, son carafon, lui, s'émerveille de mille-et-une rencontres, bercées par les fragrances d'un seul et même individu. « Poursuivez », qu'elle se hasarde néanmoins, sans grande conviction. Enjoué, le gaillard s'entête alors à conter ses maux. Point de pudeur. Point d'incertitude. Il dégueule ses rêveries défaillantes comme le ferait un boulimique après s'être goinfré. Aileen réprime quelques simagrées peu professionnelles, tandis que ses obsessions font échos à celles qu'elle s'acharne à claquemurer sous une attitude austère et froide. Mais il faut être un peu fou pour soulager les plus incohérents, n'est-ce pas ? Sans doute. Elle lève menotte en guise d'interruption. L'heure est passée. Cela fera tant. Merci. A la semaine prochaine. Un souffle lui prend le gosier. L'épiderme frissonne d'une émotion répugnante. Aileen papillonne des cils, là, plantée au milieu de l'office. Le silence l'étouffe un moment. Puis elle s'arrache à sa léthargie.
Isolée malgré la cohue de blouses blanches, Aileen n'adresse pas même l'ombre d'un sourire. Si elle n'est pas très appréciée au sein de ses confrères, elle ne fait pas véritablement d'effort pour se fondre dans la masse. Depuis toujours, elle contemple le myriapode continuer sa ronde sans ne jamais y prendre part. Pourtant, une caresse s'en vient effleurer sa nuque tout juste dévoilée par un chignon tiré à quatre épingles. Dwayne. Point d'amour entre eux. Simplement cette fougue lubrique qu'ils se plaisent à s'inspirer. Un rapide coup d’œil à sa montre-bracelet l'informe que son prochain rendez-vous n'est pas tout de suite. Alors, et sans plus de cérémonie, Aileen s'échappe de la salle commune, sachant pertinemment que l'homme ne pourra rester loin d'elle plus longtemps. A l'abri des mirettes inquisitrices, les deux compères s'essoufflent dès lors l'un contre l'autre, rapidement, sans une once de tendresse. Une fois de plus, Aileen se surprend à envisager une silhouette différente, là, dans la moiteur de ses cuisses. Le plaisir lui ravage alors les sens. L'obscurité la dérobe. Elle succombe.
D'une main leste, Aileen défroisse ses effets. Pas un seul regard de plus. Elle s'échappe d'une brise hâtive, le pas ferme et le menton fier. Le café est froid entre ses doigts lorsqu'elle rejoint finalement le prochain sur l'interminable liste: Derek Morrow. Sûr qu'elle ne relève pas la présence de la malheureuse secrétaire. Toute son âme s'empresse d'envelopper le gaillard qui, l'attend sûrement depuis quelques minutes.
« - Derek, qu'elle articule sans douceur, veuillez excuser mon retard.
D'un simple geste, Aileen l'incite à regagner leur unique point de rendez-vous. Là, elle s'empare silencieusement de son carnet, puis s'installe face à lui. Le calme persiste encore malgré l'imperturbable tic-tac de l'horloge. Si ses traits sont hermétiques, le moindre sillon sur son jupon suggère quelques inconvenances récentes. D'ailleurs, elle ne s'en cache pas. Le simple fait qu'il puisse le deviner exalte ses souffles.
- Bien. Comment allez-vous depuis la semaine dernière, Derek ? »
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Derek Morrow
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Sujet: Re: oh oh, here she comes. (AILEEN) Jeu 20 Aoû 2020 - 12:07
L’air se charge en électricité et tout à coup nous semble bien plus obscur que d’ordinaire. Sa valse de panthère noire est sitôt remarquée alors que la silhouette mutine embrase les yeux. Même les prunelles anesthésiées de la secrétaire ne savent résister à l’apparition divine qui je le sens s’extirpe des profondeurs abyssales de ce monde vaurien qui bien bas se dresse derrière moi alors que de concert avec les incalculables mirettes pâmés je me retourne pour venir saluer l’objet de tout cette mielleuse fascination. Mes azurs cherchent inévitablement encrage à ses moires, mais je n’y recueille que les spleens et tourmentes d’un ciel orageux alors qu’au second regard je comprends que le miroir de son âme reflète une ivresse insondée, mais pas pour le moins dissimulée. Hum. Serait-ce que ma toubib préférée vient tout juste de se laisser bercer par les humeurs folâtres et batifoles d’une chevauchée libertine ?! Un petit coup d’œil sur les replis de la robe, les ondoiements ébouriffés de la sombre chevelure et une attention plutôt précaire sur la carne encore ruisselante et frémissante des soupirs lascifs que seul élisent les sabbats des amours chimères et ce tout vient accuser mon impression. Ma toubib préférée c’est bel et bien adonnée à une petite séance de tango horizontale avec Diable sait quel… diablotin. La vache ! Et moi qui croyais que ce genre d’épopées n’existaient seulement que dans Grey's Anatomy !? Calzona 4 da win, bitches !
- Oh, docteure Davies… n’ayez crainte. Je vous sex—cuse, dis-je, sourire chafouin venant creuser de fines stries à la commissure de mes lippes alors que doucement je me glisse en le sillage de ses nobles manières en lequel vient se fracasser l’hostilité des soirs d’hiver et crépuscules diurnes nacralisés d'un professionnalisme clair et comme qui dirait découpé au couteau. Ma petite blague salace n’est pas appropriée et je ferme ma grande gueule.
La porte du cabinet se referme paresseusement derrière-nous, m’offrant par ailleurs l’occasion d’oublier le petit échange à sens unique que j’ai partagé avec la secrétaire alors que nous nous pelotonnons confortablement dans la peau de nos personnages bien distincts. Elle, la vicieuse psychologue. Moi, le dingo débrayé. Avec la prestance de ces reines d’autrefois, la céleste Black Widow ondoie sur la soie de cette toile qu’elle sait tisser d’un art à la fois sagace et pernicieux. Minable petite proie, je me pâme en ses filets et croule à l’approche de ses ombres sibyllines. Ses prunelles mordorées qui plongent dans mes saphirs frissonnants alors qu’elle s’installe derrière son air de labeurs, armée du mémoire de mes mœurs et auréolée par le diadème de sa clairvoyance. Démiurge qui debout se tient au cœur du palais délabré qu’est mon esprit, enfonçant les portes de ma conscience, pour à chaque fois venir visiter les châteaux croulants de mes songes et éclairer les ombres qui doucement errent. Elle ausculte ma stupidité, comme une mère guète la connerie de son marmot. Elle sait mettre le doigt là où ça fait mal et où la plaie demeure toujours purulente. Veuve noire qui sait attirer à elle la plus ingénie des victimes.
Sa question si simple m’assomme tel un coup de massue tout droit dirigé sur mes burnes, transis sur le seuil de la porte, mains dans les poches de mon sombre blouson, j’oscille entre les ténèbres et lumières de son impérial atmosphère, mes azurs se baladant à ça et là sur les murs, observant la mosaïque de ses diplômes qui tels les méandres d’un chant prophétique ne me prévoit une belle heure à se scruter les bobos du cœur et petits grains dans la cervelle. À moins que…
- Ça va. Ça va. Et si on parlait de vous, plutôt, docteure Davies ? Que j’amorce, sans préambule, sans pudeur, la moue gredine et voltigeant jusqu’à son bureau pour venir doucement y laisser choir sur son coin mon précieux et ferme séant.
Petons ballants dans le vide, le revers de ma dextre glisse un instant sur l’acajou lustré du meuble, pour venir chercher et s’emparer du café froid qui non loin trône là devant l’anglaise. Curieux, j’approche le gobelet à mes lippes, avale une amère rasade et hausse le sourcil, l’air très embêté.
- Du café ? Mince ! Ne me dites pas que le thé de 17 heures, c’n’est qu’un mythe ?! J’vous en prie, dites moi que vous suivez au moins le feed de la Famille Royale !? Respect à Lady Di et j’suis le seul à penser que les oreilles de Charles sont ma foi beaucoup trop grosses sur une si petite tête ?
Vive la Reine, right ?! Très intrigué, très accaparant, sur le ton de la confidence, je m’incline vers la succube, pour doucement lui murmurer à l’oreille :
- Celui à qui vous devez ce petit froissement de tissu, il a un nom ?
Minable petite proie, je me pâme en ses filets et croule à l’approche de ses ombres sibyllines…
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Aileen Davies
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Sujet: Re: oh oh, here she comes. (AILEEN) Lun 7 Sep 2020 - 18:34
OH OH, HERE SHE COMES Derek Morrow ✤ Aileen Davies
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Odieuse poupée, bercée de ses quelques apparats méphitiques. Dieu, qu'elle envoûterait jusqu'à l'âme la plus pieuse ! Et là, à travers des ténèbres qui lui ressemblent, l'Auréolée étend finalement un joug qu'elle-même n'assimile pas. Pourtant elle en joue, malgré la candeur tapageuse qui farde l'obscurité d'un faciès aux pourtours immaculés. Cependant, le froid s'impatiente sous la couenne. Il gangrène l'ultime susurre, celui qui hoquette de simagrées impétueuses. C'est l'ennui et ses soupires omnipotents. Parce que l'existence n'a point d’effroi dans le fond. Elle se contente de ponctuer le ramdam lancinant de l’Horloge céleste. Peut-être pour cela qu’elle se plaît à épousseter les méninges sinueuses de quelques badauds. Il est tellement plus confortable d’appréhender les névroses d’autrui ! Ainsi le temps s’écoule sans entrave ni soubresaut. Sûr qu’elle s’alanguie des petites bêtes qui grignotent l’encéphale, qui ruminent dans l’oubli. Parfois, c’est l’avidité qu’elle cherche à travers elles. Alors les doigts s’enfoncent par-delà la chair, gratte la boîte crânienne. Attiser la fougue entre les tempes est un passe-temps délicieux dont elle ne se lasse jamais. C’est l’ineffable faim, celle qui dévore les sens de bas en haut. Et l’impudence. L’impatience de déceler à travers l’Autre un semblant d’errance.
Sans doute pour cela que le talon trépigne sur le carrelage, glas lointain d’une funeste promesse. S’immerger entre ses eaux est une drogue pernicieuse dans laquelle elle aime se noyer. Point de résistance, malgré les grands airs de madone. C’est l’abandon totale. La chute vertigineuse dans les tréfonds de ses abysses sirupeux. Mais la proie n’est pas docile. Et Derek s’échappe une fois de plus aux murmures de la Chimère.
Imperturbable, Aileen accompagne son circuit d’un œil critique. Ce petit manège est une tradition. Il tourne comme le ferait un fauve en cage, et elle, elle s’efforce de lui arracher le moindre sursaut d’émoi. Parfois, un songe l’enivre l’espace d’une seconde où elle se voit à travers lui, dans chacun de ses souffles. Alors la chaleur s’en vient lui lécher les cuisses. Puis l’ivresse s’empresse de l’ébranler, faisant vrombir une Bête famélique, à l’appétence dévastatrice. Fort heureusement, cela ne s’étend qu’une fraction de seconde.
Et cette fois encore, Aileen se perd dans quelques rêveries incongrues. Les doigts froissent nonchalamment le jupon, griffonnent la peau sensible. Sûr qu’il parle bien trop. Sûr qu’il ne parle pas assez. La caboche s’agite pour chasser les effusions despotiques. Il lui faut quelques minutes supplémentaires pour s’arracher à cette cohue délirante. Alors elle tourne mirettes vers lui, esquisse l’ombre d’un rictus qui s’évanouie aussi sec.
« - Nous nous égarons, Derek, qu’elle assène d’un souffle profondément las.
Près de son oreille, les susurres psalmodient inconvenance et décadence. Le temps d'un frémissement éhonté qu'elle ne parvient même pas à refréner. L'encre se propage tel le goudron dans l'océan au cœur de ses prunelles béantes. Alors elle se vêt d'une pudeur factice. Pourtant, c'est Malice qui piaffe d'insouciance juvénile sous le marbre.
- Aucun détail ne vous échappe.
Les cils s'ébattent; biche à l’œillade langoureuse. Il y a quelque chose de palpable, là, dans cette proximité détonante. Aileen inspire profondément l'air qui les entoure, se gorge de cette électricité grisante.
- Mais cela n'a aucune importance. Il n'en a aucune.
La main drapée d'un voile noir s'élève pour effleurer l'arrête d'une mâchoire, mais retombe sur le champ.
- Pensez-vous que souligner le moindre détail autour de vous, vous aide-t-il à garder contrôle sur vos émotions ?
La jouvencelle se retire aussi rapidement qu'elle s'en est venue, se travestissant de nouveau derrière une droiture impeccable.
- Ou bien ma vie sexuelle vous semble si intéressante que cela ? »
Dernière édition par Aileen Davies le Mer 16 Sep 2020 - 10:59, édité 1 fois
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Sujet: Re: oh oh, here she comes. (AILEEN) Ven 11 Sep 2020 - 20:14
N’entendez-vous pas, Docteure Davies, cette nuit obscure qui jamais bien loin marche et tel un linceul erre à la suite de nos pas ? Ne sentez-vous pas, Docteure Davies, cette lugubre et obscure atmosphère, qui descend et tombe en les cages de nos poitrines ? Ces tambours de guerre qui remontent de nos mortels éthers et laissent suinter sur nos carnes frémissantes les profondes ténèbres qui nous habitent. Cette valse auguste que nous menons, parmi tous ces badauds bienheureux et insouciants. Ces silhouettes frêles et anonymes qui s’animent et nous enveniment. Vous et moi, Docteure Davies, perdus dans ce torrent disharmonique et dont le tragique péan de Lucifer nous accable d’heure en heure et jour après jour… nous pourchassera jusqu’au caveau rubigineux des flammes de l’Enfer alors que sonnent les tambours de cette même horrible guerre contre le monde. Extirpé en lambeau de ce combat vain et inutile, avec le sceau du condamné à jamais gravé sur les chairs de mon front appesanti de langueur et de turpitude. Cette balafre. Cette marque. Cette gravure, cette fêlure, par delà le diadème de votre clairvoyance, je le vois et je le sens, Docteure Davies. Moires qui se reconnaissent, lorsque plongent dans l’abysse de votre âme, mes célestes azurées. Alors dites-moi, Docteure Davies, où vient bien se coucher la nuit obscure qui jamais bien loin ne marche à la suite de vos pas ?
Nous nous égarons. Oui. Nous nous égarons. Cette voix qui résonne à mes tempes, ce souffle froid qui doucement m’effleure l’oreille, ça me dérange et étrangement me captive. Du coin de l’œil je l’observe, ma toubib, essaie de voir et de comprendre les forges qui présentement façonnent les expressions de fer et d’acier de son séraphique faciès. Les prunelles caféinées plongées au cœur des narquoises qui l’observent, ce blanc des yeux qui bien rapidement étouffe mes humeurs et laisse naître les ornements palabrés du rubis rougeoyant de ses envies. La panthère noire qui mangea tout rond le fauve trop apprivoisé et captif. Le déluge infini du château de nos vices et tares qui langoureusement rongent le creux des reins et où il ne reste que brasier de ruines. Cette chaleur incendiaire et irradiante qui rafle tout sur son preste passage, gonfle les poumons de son souffle de dragon, embrase les veines et enflamme les infâmes. Cataclysme valsant sous la prouesse de cette dextre gantée qui s’élève vers la glaise de mon visage, effleure du revers de ses doigts mes carnes frissonnantes, malgré l’évanescence et l’évanouissement de cette slave perfide et pourtant si courte. Quelque chose de malsain. Quelque chose d’obscène. Quelque chose de divin. Quelque chose qui avec langueur m’enchaîne. Elle éveille et émerveille des fielleuses tourmentes, ma toubib. Et aucun détail ne nous n’échappe. Elle le sait. Je le sais. Fugitifs d’un monde qui nous ennuies et échappe totalement. Noble gardienne de mes pensées et folies. Et moi servile encensoir de ses brumes et écumes. Cendres et flammes. Sur ces terres que nous avons que trop de fois foulés, nous ne sommes que cendres et flammes. Rien ne nous échappe. Mais ce monde nous échappe totalement.
- Et Il est au courant de son insignifiance ?
L’ânerie cède le règne à la palpable et réelle intrigue. Les folâtres quittent, pour laisser passer le mystère et le mythe qui soudainement me tiraillent. Je veux savoir. Je veux la comprendre. Qui se tient devant moi ? Sur quel genre d’autel des supplicier, dois-je ainsi livrer mon cœur en croix ? Derrière le Beau, se cache le Laid. Visiteuse et passagère en mes ombres, jamais elle ne sommeille et guette telle une sentinelle mes plus ignobles éclats. Il n’est pas de beauté, mais seulement nos laideurs qui au travers des lucarnes moirées se reconnaissent et s’épousent. Quelque chose de lascif. Quelque chose d’alangui. Je ne contrôle rien. Absolument rien.
- Peut-être. Disons qu’avec cette saloperie de PTSD, vient la malédiction de l'observation et les conclusions infaillibles. Ça aide à éviter le pire, lorsqu’on le craint. Et vous, docteure, votre fardeau de clairvoyance aide-t-il à garder le contrôle de vos émotions ?
Les jambes qui cessent de balloter dans le vide, l’échine qui lentement s’abaisse vers l’enchanteresse, servile aspic qui ondule au lustre de la charmeuse qui l’envoûte dans une sorte d'hypnose et transe psalmodié dans la décadence harmonique de ses lippes carmines qui lui souffle sa sorcellerie. Paresseusement, je me lève du reposoir de son meuble, divague un instant d’un bout à l’autre de la pièce, pour finalement atterrir sur le seuil de son ombre et laisser planer derrière elle ma voix comme ivre d’un vertige que je ne comprends toujours pas :
- Vos histoires de cul ne m’intéressent guère, mais peut nous préserver de l’ennui. N’êtes-vous pas lasse d’écouter les pleurnicheries et jérémiades des têtes fêlées qui vous rendent visite, docteure Davies ?
La dernière question semble comme venir se prolonger sur la soie de sa nuque, voûtant l’échine pour mieux embrasser et épouser les brumes chimériques qui s’émanent de son être que j’effleure à peine de mes deux dextres curieusement calées sur les appuie-bras de son trône alors que mon visage empourpré vient trouver refuge dans le creux de son épaule.
- L’insignifiant, avant de vous culbuter dans le placard à balais ou la banquette arrière de sa voiture, s’est-il soucié de savoir si vous passiez une bonne journée ou même demandé comment est-ce que vous allez, Aileen ?
N’entendez-vous pas, Docteure Davies, cette nuit obscure qui jamais bien loin marche et tel un linceul erre à la suite de nos pas ?
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Sujet: Re: oh oh, here she comes. (AILEEN) Mer 16 Sep 2020 - 17:46
OH OH, HERE SHE COMES Derek Morrow ✤ Aileen Davies
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Au loin, Nyx enlace les rues et les boulevards. C'est l'obscurité qu'elle murmure par delà les persiennes. Alors, calfeutrée sous les paupières closes des bambins endormis, elle s'immisce entre les synapses, psalmodient quelques chimères horrifiques. A jamais. Nausée d'un mal inconnu. Trouble pernicieux. Parasite silencieux. Et Aileen s'en gorge. Avec la nuit, les névroses semblent toujours s'agiter d'une euphorie détonante. Et elle sait, qu'au petit matin, toutes ces âmes éplorées s'empresseront de venir laper un peu de sa vérité. Paraît qu'il faut être soi-même défaillant pour s'épanouir d'une telle profession. Sûr qu'ils n'ont pas conscience du malaise qui l'ébranle chaque fois que l’œil rencontre son propre mirage. Les pilules ne sont désormais plus qu'un pitoyable collier de pâtes qu'elle s'efforce de claquemurée sous de belles attitudes. Mais la psyché n'est pas dupe. Et finalement, elle ne ment à personne. Il n'y a plus que les vestiges d'un dessein avorté bien trop tôt pour contenir l'émulsion par delà les remparts. Sans doute le devine-t-il, lui, golem de ses aspirations les plus sinueuses. Puisqu'il s'insuffle dans les failles de son système, caresse voluptueuse à laquelle elle n'essaye de se défaire. De vieilles obsessions trémulent d'une existence lointaine. Voilà que le soignant s'en devient souffrant. Il y a-t-il seulement un remède pour eux ? Aileen l'ignore. Pourtant, chaque jour un peu plus, elle se fait violence pour ne point s'abandonner davantage. Puis il s'accroche à ses mirettes, se fond en elle. Et c'est délibérément qu'elle s'adonne au néant. Dwayne le lui chante souvent, lorsqu'il se perd en elle. C'est probablement cela qui le grise dans le fond. Cette noirceur. Cet émoi bien rebutant lorsqu'il perçoit enfin l'ignominie. Baiser l'Infante, la Chimère, l'Obscurité dans ce qu'elle a de plus sordide.
Mais n'est-ce donc pas cela qui l'aguiche, elle aussi ? La sensation de le salir jusqu'aux tréfonds de ses entrailles. De n'être finalement qu'un cancer, qu'un virus que l'on ne peut encore terrasser. Un rictus balaye dès lors la mine professionnelle, cédant alors sa place à quelques timides ténèbres. Ses prunelles se hâtent de retrouver les siennes après cela. Sûr qu'elle espère lui dévoiler la gangrène qui sévit sous le sein nourricier. Comme elle souhaiterait se dévêtir, là, écailler jusqu'à l'os la carne. Pourrait-il seulement percevoir le miasme noirâtre qui s'alanguie d'attendre son heure ? D'autres s'y sont risqués. Et certains ne sont plus là pour en témoigner. Machinalement, menotte s'en vient broyer le bijou trônant contre son cœur, désolé du temps qui s'en est allé. Dernier souffle d'une promesse factice. Union céleste. A l'image de la mante, elle s'est repue de son amour, vidant la malheureuse carcasse de toutes ses lueurs. Ce n'est pas elle, la demoiselle en détresse, la jouvencelle à secourir. Non. Elle, c'est la charogne à abattre.
« - Je n'ai pas besoin de lui pour garder le contrôle, qu'elle inspire difficilement, prenant soin d'éluder la première interrogation.
Pourtant quelque chose l'enchaîne à Derek, là, tandis qu'il arpente leur arène de long en large. Tentation déliquescente que de se suspendre à ses heures. Mais elle ne sourcille pas, malgré le grand fauve qui braille turpitude sous le nombril. Et ça ne cesse de gronder ! Brasier titanesque. Folie despotique, qu'elle ne sait comment amadouer. Ô Derek, ne voyez-vous pas l'hérésie qui me guette lorsque vous posez sur moi votre regard méphitique ? Alors sa main esquisse quelques arabesques nébuleuses sur le papier, cherche à donner l'illusion malgré le pourpre qui macule la peau blanche.
- J'imagine qu'il y a quelque chose de réconfortant à écouter les pleurs d'autrui.
C'est la totalité de son être qui se liquéfie lorsqu'il dévore la distance entre eux. Un frémissement lui prend alors l'échine, dévore les dernières particules de lucidité. De part et d'autre d'elle, telle l'esquisse d'une étreinte, Derek la couvre d'un joug péremptoire. La raison s'étiole. Elle se noie.
- Peut-être n'est-ce pas là ce que je souhaite. Peut-être que je me fous, moi aussi, de sa journée, de ses humeurs. Peut-être que je cherche seulement l'euphorie qui vient avec le sexe., qu'elle susurre à son tour.
Et elle s'échappe. S'arrache aux effluves langoureuses de Derek afin de regagner l’extrémité de l'office. Juste pour souffler un peu. Seulement pour se retrouver au mieux. Adossée, les bras croisés sur sa poitrine, Aileen s'autorise quelques secondes de plus, avant de poursuivre, sourcils froncés:
- Que cherchez-vous à travers moi, Derek ? Une échappatoire ? »
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MESSAGES : 4058 BARGE DEPUIS : 14/01/2019 ROYAUME : Empire State of Mind.
Sujet: Re: oh oh, here she comes. (AILEEN) Jeu 17 Sep 2020 - 18:32
Innommable. Vous êtes, docteure Davies, ce que je ne peux appréhender ou voir. En le marasme brûlant de mon esprit, où ne règne que le splendide chaos qui m’a conduit jusqu’à vous, c’est avec surprise et telle une furie que vous vous êtes doucement immiscée en les intersites qui à doubles tours sur vous se sont refermés. Innommable, parce que vous êtes ancrée en mes failles. Innommable, parce que je ne parviendrai jamais à vous décrire. Innommable, parce qu’aucun mot ne peut rendre justice et valeur à ce que vous représentez à mes yeux. Ces rendez-vous, au départ forcés, sont avec le temps devenus ces moments à la fois tragiques et féériques où s’essouffle le monde alentour et où règne l’illusion divine d’être très loin perchés au-dessus de ce monde qui nous diabolise. Ce vertige, docteure Davies, cette sensation de vide ou néant, il n’y a que dans vos abîmes que je le découvre et redécouvre encore. Due à cette noirceur d’encre qui avec délice me noie et cette immaculée splendeur qui du fond de vos pupilles m’appellent. Innommable, parce que je ne peux vous appréhender ou voir ou même vous atteindre. Je vous sens.
Elle se trompe, ma toubib. Elle se dupe, Aileen.
Se noyer et se fondre en l’Autre. Ressentir les plaisirs et sabbats. Il n’y a pas que dans le sexe et sa grisante bassesse que l’on peut la retrouver, l’Euphorie. Devant elle, avec elle, je peux me sentir naître et renaître d’une vie déjà sombrée en l’oubli. Se détacher des corps et ressentir la délicieuse folie qu’est de lentement mourir en se consumant en l’Autre. Il n’est point de collision entre deux corps poisseux qui se culbutent, mais d’ultime carambolage entre les âmes jumelles qui sans voir ce qui se profile, savent deviner l’Avenir qui doucement se dessine et en les ténèbres ériger la plus funèbre des toiles. L’Euphorie, c’est ce qui se produit aujourd’hui. L’Euphorie, est ce challenge silencieux et insidieux qui doucement rampe et ondule sur nos échines. L’Euphorie, est ce que nous ne parvenons à décrire et ce qui pourtant nous semblons connaître par-cœur. Je la jauge, ma toubib. Oh, que si, je la jauge ! Elle me file entre les doigts. Elle rétablie les lois. Mais moi j’abuse des droits. Pourquoi ressentir un tel effroi, Aileen ?
Séraphine impérieuse dont sur moi le moindre soupire expire les murmures insolents et rictus amers. À la déliquescence se baigne l’insondable désir et délire qui comme de l’encre de chine se propage et assombri toute transparence. Dans la nuit se laisser sombrer et à chacun de ses pas y voir flotter le sombre larcin qui la drape. Séraphine impérieuse dont l’angélique visage nous rapproche un peu plus de cet Éden perdu. La fréquenter et la voir à chaque semaine est synonyme pour moi de petite mort quotidienne, comme à tous les soirs vient sombrer en les entrailles malades de la Terre ce médaillon de feu alors que s’élève des mêmes profondeurs le croissant lunaire. Inévitable. Elle cherche et réclame la distance, prolonge le vaste et le ample. Je l’observe s’éloigner, plus loin de moi elle parvient à récupérer contenance et fière allure. Jeu de parjure auquel ni elle ou moi ne s’en extirperons indemne. Elle le sait, ma toubib. Elle sait comment et de mille feu briller à la lucarne de mes yeux. Innommable. Je ne peux l’appréhender ou la voir ou l’atteindre. Je la sens. Et c’est euphorique !
- Écouter les pleurs des autres aides à oublier notre propre chagrin. Il ne faut pas être devin pour le reconnaître. C’est un mécanisme de défense… une forme de protection que moi-même j’applique. Comme aujourd’hui. Comme en ce moment. Et avec vous.
Je me trompe, ma toubib. Je me dupe, Aileen.
Une bonne question est enfin posée et finalement mon front appesanti veut bien s’apposer. Qu’est-ce que je cherche ? Au travers d’elle, qu’est-ce que je cherche ? Obnubilé par les pensées qui s’acculent contre les cloisons osseuses de mon crâne, las d’un poids qui sur mes épaules retombe si lourd, je traîne les pieds vers le fauteuil qui comme le cliché l’exige est si rependu dans les bureaux du psy et m’y laisse lourdement choir. Étendu de tout mon long sur le cuir, sur mon regard morose s’abaissent mes paupières alors que fuse sur le seuil de mes lippes cette vérité :
- La Paix. Je recherche la Paix. Pas ces conneries de Paix avec soi-même ou de ne faire qu’un avec ses émotions ou même la sérénité de l’esprit. Je cherche la Paix.
Une sensation de brulure ou torture explose dans mon plexus solaire. C’est normalement ce qui se produit, lorsqu’on est à vif.
- Et cette fameuse euphorie dont vous me parliez.
Innommable. Vous êtes, docteure Davies, ce que je ne peux appréhender ou voir. Pour vous sentir, je dois braver les potences et dans une vulgaire errance trouver une certaine conscience. Dans cet instant d’indulgence et de prudence, le hurlement de ma folie résonne un écho de décadence et d’indécence. Vous éveillez un attrait sordide et étrange. Une fascination et cruelle ambition qui sur le brasier de mes chairs immole le moindre frémissement et laisse briller la plus langoureuse des diablesses de flamme. Incube, en ces moires de luxure et vrille de jouissance qui s’émane de votre silhouette mirifique, je n’y hume que les écumes du soir et sur les cendres toujours fumantes de mon cœur se délivre le plus aliénant des sentiments.
- On se trompe, ma toubib. On se dupe, Aileen…
L'Euphorie.
nothing's gonna change my world
Aileen Davies
MESSAGES : 298 BARGE DEPUIS : 26/01/2020 ROYAUME : RevealDown, où bizarreries règnent et gangrènent le souffle.
Sujet: Re: oh oh, here she comes. (AILEEN) Jeu 24 Sep 2020 - 12:40
OH OH, HERE SHE COMES Derek Morrow ✤ Aileen Davies
❝ I'm the poison in your bones... ❞
La Paix. Foutaise que l'on se plaît à servir aux marmots lorsqu'ils peinent à trouver sommeil. Nécessité cuisante qui ne trouve finalement un sens qu'à l'approche du précipice. Délire commun. Chimère plus célèbre encore que la barbe blanche du Père-Noël. Et dans le fond, c'en est pathétique. L'on passe la totalité de l'existence à courir après quelques illusions clandestines, sans savoir qu'il s'agit seulement d'effleurer la mort. Désabusée, la toubib, malgré les diplômes, malgré les prescriptions. Elle s'essouffle, elle aussi, dans cette course perdue d'avance. Si elle semble distribuer solutions et paradis éphémère, Aileen n'offre qu'un Eden artificiel. Tout comme elle. De rictus en simagrées. De courbettes en étreintes futiles. Point de berceau pour taire les plaintes déchirantes. Pour cela qu'elle arbore ce masque glacial, givre éternel qui n'est là que pour farder le manque, l'obsession, la névrose d'embrasser à son tour un Ailleurs, un monde silencieux où la douleur ne serait plus qu'un lointain souvenir. Mais c'est le Diable, l'impitoyable Soi qui guette sans cesse, sous la chair, entre les alvéoles. Sempiternelle gangrène. Parce que la nature humaine réfute, elle-même, cette Paix romanesque. Et plonge l'encéphale dans quelques iniques combats. Quelle ironie, quand on y songe ! Docteur Davies; pourvoyeur de néant, d'une utopie à peine envisageable. Probablement pour cela qu'ils se tournent vers elle, désespérément, animés d'un espoir fou: celui de croire suffisamment longtemps au mensonge pour ne point s'écrouler. N'est-ce pas profiter du malheur d'autrui ? N'est-ce pas se voiler, soi-même, la face ? Sans doute est-il plus confortable d'arborer le costume du marchand de rêves. C'est indéniable. Aileen tuerait pour cela.
« - La Paix n'est qu'une illusion, inventée de toute pièce, pour inciter des hommes comme vous, des femmes comme moi à poursuivre une quête. Vaine. Celle de ce bonheur que l’on expose ci-et-là. Ce baratin bien assaisonné que l’on espère nous faire avaler.
Mais en vain. Aucun dessein n’est assez grand pour ne serait-ce qu’inspirer les effluves salvateurs d’une quelconque béatitude. Et c’est un brin de colère qui l’assaille présentement, tandis qu’elle peine encore à repousser l’attraction sirupeuse qui lui broie les lombes. Peut-être que cette soif d’accalmie se trouve là, dans ces moments, ces courts moments où elle s’immerge au cœur de ses grands yeux sombres. Parce que la terre semble toujours s’immobiliser lorsqu’il pose finalement mirettes sur elle. Alors n’y a-t-il pas de repos personnel, de coma singulier quelques fois ? Aileen inspire bruyamment l’air qui manque à ses poumons, délaisse son point de contrôle pour rejoindre une fois de plus le fruit de tous ses tourments.
- Nous nous fourvoyons, oui.
A grandes enjambées, Panthère louvoie à travers son propre carnage, se calfeutre par-delà la chaleur de ses souffles. La main gantée délaisse son rempart, en oublie jusqu’à son refuge pour en éprouver un sursaut de douceur, une « petite mort », un frémissement céleste.
- Mais l’euphorie n’est bien qu’un leurre, n’est-ce pas ?
Une caresse. Un voile de tendresse. La repousse jure contre sa peau sensible. Et elle sourit, Madone aux ailes déchenillées, elle sourit de cette euphorie délirante à laquelle, elle aussi, elle aime se pendre.
- Vous...
Mais un vent sépulcral balaye ses songes brusquement. Et c’est une pluie de sensations incongrues qui l’ébranlent. Les images s’épousent sous ses paupières closes. Brouhaha intempestif qui lui martèle le crâne. Cela ne dure pourtant qu’une minute tout au plus. Seulement, c’est une douleur assommante qui la ramène à l’instant T. Livide, derrière les larmes, sillons cristallins sous l’astre lunaire, Aileen se voit suspendue à ses larges épaules. Jouvencelle. La réalité s’en vient alors l’ébrouer de quelques bourrasques péremptoires. Et tout ceci ne prend sens qu’une poignée de secondes plus tard. Les billes, noirâtres, s’écarquillent d’incompréhension. Caboche s’agite péniblement.
- Je n’aurais pas dû.
Le froid. Toujours le froid.
Austère. Distante. Malgré la crainte qui danse sur les sourcils froncés. Et l’interrogation, écartelée, aux commissures.
- Je crois que nous en avons terminé pour aujourd’hui.
Elle s'en détourne. Troublée. Peut-être retournée.
La mort serait-elle partout autour d'elle ? Non loin de Lui ?