Tennessee & Phoebe

« Le mal élabore toujours une douleur encore plus forte à travers le besoin incessant qu'ont les hommes à se venger à hauteur de leur haine. » Ralph Steadman

Un peu plus tôt dans la journée...

Saviez-vous qu'il était possible de se droguer avec des graines de pavot ? En théorie, se sera plutôt avec du pavot à opium ( Papaver somniferum album ), qui est notamment utilisé pour la production de morphine à l'échelle pharmaceutique. Mais qui se cultive également pour la production d'opium. Le pavot œillette ( Papaver somniferum nigrum ), que l'on trouve dans toutes les herboriteries/magasins bio, que l'on trouve aussi sur les pains aux graines de pavot, est plus inoffensif. Aucune plante n'est bonne en surdose, ainsi le nigrum aura des propriétés somnifères à utiliser avec justesse et modération. Je ne suis pas suffisamment calée en graine de pavot, je ne saurais donc vous dire s'il est réellement possible de shooter avec l’œillette, ni même de vous dire ce qu'il adviendrait d'une surdose. Je peux cependant vous dire que des petits branleurs moins informés que moi ( à moins qu'ils ne l'aient en fait été plus... allez savoir ) se sont dit qu'il serait une bonne idée de voler plusieurs sachets de graines de pavot pour le trafic de drogue.
Si, si.
Ce n'est pas une blague.
Le truc vous voyez, c'est qu'en plus des caméras de sécurités, j'ai aussi un radar à emmerdes.
Celui qui a dit que l'union faisait la force est un imbécile. Cinq mecs, une fille, et devinez quoi ? Ils ne risquent pas de revenir de sitôt dans les parages. Je pense sincèrement que c'est le coup de ciseaux dans les burnes de l'un d'eux qui a achevé de les convaincre. Dommage pour les ciseaux, ils étaient encore profondément enfoncés quand ils sont parti...

Maintenant

Depuis que j'ai quitté la boutique, je me sens suivie. C'est incroyable comme on ne prend réellement conscience du pouvoir de son inconscient qu'au moment où l'on est en position de danger. Le taux de criminalité à RevealDown ne me semble pas être plus élevé qu'ailleurs, cela dit il arrive parfois que l'on tombe entre les mains de la mauvaise personne au mauvais moment. Ou que l'on tombe sur un hurluberlu que l'on croit être un malade mental et qui s'avère être un loup-garou venu d'une autre dimension. Vous avez encore du mal à avaler la pilule ? Moi aussi.
Un regard en arrière m'a permit de déterminer sept colosses. Des gros bras, qui aiment cogner. Et violer. Et humilier. Une personne normale se serait réfugiée au Devil's, mais depuis le temps, il est avéré que je suis tout sauf normale. Il y a même le département de police pas loin ! Primo, inutile d'attendre quoi que ce soit de leur par ; deuxio, à supposer que vous arriviez jusqu'au poste, dites vous bien que ce n'est que partie remise pour vos assaillants. Au mieux, ils se tirent pour la soirée. Et alors ? Ils reviendront le lendemain.
Ce n'est qu'arrivée à l'orée du parc de McGraham que je fis volte-face. Décidément, ce parc était un aimant à emmerdes, le point de convergence de mes péripéties nocturnes !
-Bon, les gars... qu'on en finisse, okay ? lançais-je d'une voix lasse. C'est quoi le problème ? Vous êtes en manque ? Dezdez, je peux rien pour vous !
-No't pote là, commença Gros Balourd Numéro 1 en soulevant un maigrichon par le col de la chemise, lui tirant un petit cri d'animal effrayé, nous a dit que t'as pas été gentille avec lui et sa bande.
Je m'approchais de mon nouveau fanclub. Oui, je sais, ce n'est pas exactement ce qui s'appelle être prudent. Sincèrement, ça vous choque encore ?!
Oeil au beurre noir, pantalon taille basse qui lui arrive quasiment en dessous du cul, fringué comme s'il sortait d'une poubelle...
-Ahhh, oui. Salut Débile Numéro 3 ! Va falloir qu'on arrête de se croiser comme ça...
Gros Balourd Numéro 1 relâcha Débile Numéro 3 qui s'effondra à moitié par terre dans un nouveau cri pathétique. Ne me dites pas que ce genre de loser a des « amis » « hauts placés »  ? Gros Balourd Numéro 1 s'approcha dangereusement de moi.
-Le soucis, poulette, c'est qu'on s'échange de bons procédés. Si ces tarlouzes ne sont plus fichues de nous fournir, ça fini très mal pour eux... tu piges ?
Lent, presque méthodique, Gros Balourd Numéro 1 glissa un doigt boudiné le long de mon visage.
De MON visage.
-Pis les r'vlà en train de traîner leur pote, un'paire ed'cisailles dans les couilles, et v'là qu'ça accuse la p'tite minette du magasin... Mais t'as pas l'air bien effrayante, pas vrai poulette ?
Durant tout le temps de son petit laïus, sa main était descendue de mon visage à mon cou, en passant sur le contour d'un de mes seins, pour finir à la fin de sa phrase par m'attraper à l'entrejambe, sous les rires narquois de ses potes.
Comment vous dire ?
YOU.
WILL.
BE.
EXTERMINATED.
Un sourire carnassier sur le visage, je m'approchais un peu plus de ma future victime, la regardant droit dans les yeux, avant de lui administrer un foudroyant coup de genou dans les couilles. Ne lui laissant aucun répit, j'attrapais sa tignasse pour venir diriger sa tête vers ce même genou destructeur. CRACK. Profitant de ma position de force, j'enchaînais avec deux doigts dans les yeux avant de lui faire un croche pied et de lui écraser sa petite gueule de macaque par terre.
Désolée pour les macaques.
Pour être bien certaine de l'achever et avant que ses compères ne foncent sur moi, j'agrippais de nouveau sa tignasse et lui cognais deux ou trois fois la tête contre le macadam. Je veux dire... si après ça il n'a pas au minimum une bonne petite commotion cérébrale...
Vous avez déjà remarqué que dans les films, le héros ne se fait attaquer que par un adversaire à la fois ? Dans la réalité, les adversaires n'attendent pas sagement leur tour. L'union fait la force, et six gros bras contre une serial castratrice... disons que dans leur tête, ils ont déjà gagné.
En réalité, et sans mon pouvoir, je ne saurais vous dire si j'aurais réussi à les combattre. J'essaye toujours, autant que possible, de ne pas utiliser mon don tant que je peux m'en sortir sans. Voire, de dépasser les limites. Je veux être capable de combattre six colosses en simultané par la simple force de mon corps. En l'état actuel et sans aucun pouvoir, je sais en tout cas que je n'aurais pas arrêté de me battre tant que j'étais encore capable de me mouvoir. Et c'est ce que je fis, jusqu'à ce que la colère me submerge et que, suite à un cri de rage, des pics de glace géants ne surgissent de toute part autour de moi.
Et croyez moi. Ça défoule.
C'est parfaitement incontrôlé. Mais ça défoule.
L'un d'eux se retrouva avec la jambe empalée, le reste de son corps pendouillant misérablement à environ trois mètres du sol. Toujours remontée à bloc, j'attrapais celui qui sera nommé Gros Balourd Numéro 5 à la gorge, laissant mon pouvoir lui glacer la trachée jusqu'à ce qu'un bloc de glace se forme à l'intérieur. Je pouvais presque voir la glace se former sous sa peau.
-Si jamais. Je revois. L'un de vous. Je vous épluche comme une carotte. Pigé ?

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Phoebe

Tennessee

Il y a, comme qui dirait, un froid entre nous.

Beaucoup diront qu'être immortel, c'est la quintessence même de la vie. Cependant, l'immortalité comporte des désagréments et apporte son lot de désavantages. Par exemple, il faut pour l'éternité éternelle, composer avec son prochain. Non pas que cela soit fastidieux tout le temps. Mais parfois, si. Lorsque la mort nous attend au bout du chemin, notre quota d'idiots rencontrés sur la route n'est pas illimité. Par contre, quand la vieillesse n'a aucun impact sur nous ... Le nombre de troufions croisés devient infini. Et c'est lassant. Usant même.

Tennessee en a fait les frais ce soir, avec cet énergumène dont le nom lui échappe. Lui avait-il dit, d'ailleurs ? Oh non, il n'était pas méchant, ni stupide au point de dire que 1 + 1 = anchois. Il était ... Fatigant. Oui, juste fatigant. Moralement surtout ! Le genre de type qui, s'il se fait enlever, sera relâché dans l'heure sans même à avoir payer une rançon. Seulement pour que ses ravisseurs garde une once de santé mentale. Il ira loin dans la vie, ce gosse. Où, il ne peut pas le dire ... Mais loin, c'est une certitude.

Enfin débarrassé de l'humain pipelette, le vampire tente de retrouver une certaine sérénité dans la quiétude d'un parc vide de toute âme. Il se masse les tempes, geste réflexe pour apaiser ses nerfs malmenés. Assis sur un banc, seul, la tranquillité reprend petit à petit ses droits sur cet être avide de silence. Il fait le point, s'installe dans son palais mental pour y trouver la paix. Voilà qui est mieux ... Bien mieux ...  

Jusqu'à ce que des voix viennent troubler de nouveau Tennessee. Le karma est un beau connard cette nuit ! Son regard las se pose sur un groupe de personne discutant non loin de lui. La composition de cet attroupement le laisse dubitatif mais peu enclin à y prêter attention, ses paupières se ferment dans l'espoir de les oublier. Sauf que ses oreilles, elles, n'ont pas d’œillères à l'instar de ses yeux. La conversation fuse au travers de ses tympans, se répercutant fatalement dans son esprit. Toi aussi, t'as l'air de passer une mauvaise nuit ...

Il ne comprend pas tout ce qu'il se passe. Ce ne sont pas ses affaires après tout. Mais tu sembles en mauvaise posture, pourtant tu gardes la face. Qui es-tu pour ne pas craindre pour ta vie ? Sa langue claque sur son palais. Voilà qu'il se montre curieux à ton égard, il ne manquait plus que ça. D'un œil seulement, il t'observe. Il t'épie. Comment vas-tu t'en sortir, petite humaine ? Ce n'est pas sans une certaine surprise qu'il te voit te battre. Foutrement bien en plus. Intéressant. A présent, que vas-tu faire alors que les molosses ont décidé, d'un commun accord, de t'attaquer en groupe ?

Ton sens de la visée n'est pas ta plus grande qualité, hein ? L'Immortel, les sentinelles grandes ouvertes, essaye avec effroi de calmer sa stupeur. Que tu aies des pouvoirs, ça pas de problème. Mais que ceux-ci l'atteignent alors qu'il ne t'a rien fait ... Là c'est pas cool. Son regard glisse lentement vers ce pic de glace logé dans le bois du banc, sous son bras gauche ... A quelques centimètres de son cœur. La vache ! Un peu plus et tu le tuais, espèce d'inconsciente !  

Malgré le fait qu'il soit HS depuis des années, Tennessee peut ressentir son palpitant tambouriner violemment dans sa poitrine. Vivant, il aurait probablement implosé sous le choc d'une mort presque imminente. Il lâche une expiration venue d'outre-tombe tant il a contenu sa respiration. Pourquoi le monde entier lui en voulait cette nuit ? C'est dingue ça ! Il travaille comme tout le monde, il paye ses impôts comme tout le monde, il boit du sang comme ... Wait a minute ... Ouais non, laissez tomber ce dernier point. Mais quand même ! Il ne mérite pas tant d'acharnement !

Trop c'est trop ! Il arrache le pieu gelé d'une main, le brisant d'une facilité déconcertante. Les crocs sortis, les pupilles rétractées laissant apparaître le doré de ses iris, le vampire en avait ras la casquette (pour rester poli) ! Ses pas le mènent vers toi, déterminé à en découdre. Pas pour te tuer, non, juste pour déverser le trop plein qu'il a accumulé depuis le coucher du soleil. Sa froideur naturelle semble s'émietter sous l'impulsion d'une rage mal contrôlée. Et pourtant, le ton de sa voix reste sobre bien que sèche et venimeuse : 

- Non loin de moi de vouloir vous déranger en pleine festivité, mais vous avez failli me tuer avec vos glaçons, oui même au summum de sa colère Tennessee reste courtois ... Allez savoir comment, Par tous les diables faites un peu attention ! Ce n'est pas possible d'être aussi ...

Une main attrapant sa cheville le coupe dans son monologue défouloir. Quoi, encore ? Ses yeux descendent sur le sol, avisant un gars agonisant et suppliant.

- Aidez-nous ...

L'index et le pouce se joignent autour de l'arête de son nez, à la commissure interne de ses paupières fermées sous l'excès d'un je-n'en-peux-pluisme exacerbé. Ouais, il en est à inventer des mots, pour vous dire à quel point c'est une vraie nuit de merde ! Son pied écrase le poignet de l'avorton sans aucune forme de pitié.

- Ah non ! Ce n'est pas marqué secours sur mon front. J'en ai marre d'aider ! J'en ai ma claque de jouer le rôle de papa poule. Quand on ne sait pas se défendre face à une femme qui pèse vingt kilos toute mouillée et qui atteint le mètre soixante seulement en levant les bras, on se la ferme et on abdique !

       

Tennessee & Phoebe

« Le mal élabore toujours une douleur encore plus forte à travers le besoin incessant qu'ont les hommes à se venger à hauteur de leur haine. » Ralph Steadman

Il y a des soirs comme ça où il vaut mieux renoncer à toute idée de tranquillité. Des soirs où vous ne pourrez pas simplement rentrer chez vous et mater le dernier épisode de Zoey's Extraordinary Playlist le cul bien au fond de votre lit, en vous disant que Lauren Graham a beau être géniale dans le rôle de patronne dans le show, elle restera à jamais Lorelaï Gilmore à vos yeux.
Il y a des soirs où l'Univers tout entier se ligue contre vous.
Je veux dire... je n'ai rien contre le fait de me faire attaquer de temps en temps. D'autant que le plus souvent, c'est moi qui attaque les autres. C'est bien, ça permet de tester les limites ! Mais peut-être serait-il possible, une fois le défi relevé, de me laisser tranquillement retourner chez moi et reprendre mes habitudes de mamie ? Vous savez, rentrer chez soi, se faire livrer japonais, se planter dans son lit avec sa série et sa bouffe jap' adorée et sombrer à 21h30 pour ne pas se réveiller avant 6h du matin ?
Mais non. Ça n'est jamais aussi simple. Ou... très rarement. Pas ce soir en tout cas.
-Non loin de moi de vouloir vous déranger en pleine festivité, mais vous avez failli me tuer avec vos glaçons, râla quelqu'un à côté de moi. Sacré sang froid... la plupart des gens ne réagissaient pas aussi bien. Par tous les diables faites un peu attention ! Ce n'est pas possible d'être aussi ...
-Aidez-nous... agonisa l'un des Gros Bras dont j'avais oublié le numéro.
-Ah non ! Ce n'est pas marqué secours sur mon front. J'en ai marre d'aider ! J'en ai ma claque de jouer le rôle de papa poule. Quand on ne sait pas se défendre face à une femme qui pèse vingt kilos toute mouillée et qui atteint le mètre soixante seulement en levant les bras, on se la ferme et on abdique !
J'avais à peine suivi le déroulement de la conversation. Avez-vous déjà remarqué comment souvent, il vous suffit de voir un visage quelque part pour ensuite croiser la personne à tous les coins de rue ?
En tournant la tête vers le nouveau venu, son visage me frappa : le second homme sur les photos de mon grenier. Celui que j'avais déduis être le frère de Salem, le loup de la dernière fois. Il était le portrait craché d'Elween. Était-il un loup, lui aussi ?J'aurais donné cher pour rapatrier ma grand-mère ici. Voir la tête qu'ils tireraient tous les deux. Exiger des explications.
J'avais deux options : foncer dans le tas, exposer les faits et exiger des réponses... ou tenter une autre approche. La subtilité est rarement mon truc, mais elle semble la seule option valable actuellement.
-D'être aussi quoi ? Idiote ? Incapable ? C'est vous qui avez failli vous faire embrocher, c'était peut-être à vous de faire attention en voyant le danger arriver, vous ne croyez pas ? L'instinct de survie, les réflexes... ça vous dit quelque chose ?
Profitant de l'effet de surprise, je lui assénais un coup au niveau du genou pour le faire tomber, une main sur sa gorge. Accompagnement le mouvement de chute, je me positionnais afin de le clouer au sol, et lui lançait un petit regard satisfait.
-Ne jamais sous-estimer vingt kilos tout mouillé. Vous disiez ?
Bon, je n'allais probablement pas réussir à obtenir des éléments de réponse. Mais au moins, je lui avais fait ravalé sa fierté !

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