Tennessee & Skylar

« If there's one thing Life is good at, it's surprising you. » The Land of Stories ( Beyond the Kingdoms )

Je ne sais pas si vous le savez, mais trouver une main sortie tout droit de la Famille Addams, ça a une sacré tendance à chambouler vos plans ! D'autant plus quand ladite main vous demande de l'aide, qu'elle fait un malaise - car même les mains peuvent s'évanouirent - et que vous vous retrouvez à la shampouiner, la chouchouter, la manucurer et la mettre au repos devant les dessins animés du matin ! Sans oublier de faire en sorte que le chat n'aille pas jouer avec - encore - et lui laisser un pot de crème hydratante à portée... et bien, de main, sans mauvais jeu de mot. Skylar avait fait des recherches sur comment nourrir une main et les sites étaient unanimes : crème hydratante et/ou nourrissante ! Le petit bouclé avait espéré que le pot lui suffirait pour tenir la journée sans lui. Quoi qu'il était même revenu à midi pour vérifier que tout allait bien...
Il était maintenant 22h30 de cette même journée on ne peut plus perturbée, et Skylar était... encore... en retard. Ce qui, à ses yeux, était une catastrophe inter-galactique au sens quasi littéral du terme, puisqu'il était supposé se rendre à l'université pour observer et étudier une constellation.
Et puisque que, pour la deuxième fois de la journée, le jeune homme était dans une incapacité de conduire pour cause de stress et d'incapacité fondamentale à désobéir au Code de la route ( ou à n'importe quelle règle d'ailleurs ), l'élémentaire avait appelé un taxi en urgence. Les probabilités pour qu'il arrive à l'heure étaient minces, voire nulles, mais Skylar voulait y croire. Il avait profité de l'attente pour passer sous une douche bien chaude pour se détendre, et c'est ainsi qu'il se retrouva dehors vingt minutes plus tard, ses bouclettes brunes dégoulinantes d'eau, à espérer un taxi qui ne pointait toujours pas le bout de son nez.
Quand soudain : MIRACLE !!! Une grosse voiture noire aux vitres teintées apparu sur le trottoir d'en face et s'arrêta quelques maisons plus loin. Aucun doute possible : c'était son taxi. Bien trop pressé et paniqué pour s'inquiéter des détails, le petit Micelli fonça droit sur la voiture en entra en trombe sur le siège passager. Les cheveux dégoulinant d'eau sur le cuir.
-Vite vite viiiiiiiiiiiiiiiiite !!!! Je suis en retard, très très en retard, beaucoup trop en retard et ça fait deux fois ( DEUX FOIS !!!! ) sur la même journée, il faut que vous me conduisiez à l'Université de Floride, à Gainesville s'il vous plaît ! Je n'ai jamais été en retard ! Enfin sauf ce matin, mais habituellement, je ne suis jamais en retard. Vous avez déjà été en retard, vous  ? J'aime pas les retards. Ça fait peur les retards ! C'est horrible les retards ! Un retard, c'est malpoli ! Ils vont dire quoi, mes collègues ? ET MON PATRON ???? HOLY CHALUPAS MON PATRON NE VA PAS ÊTRE CONTENT DU TOUT DU TOUTOU ET IL NE ME FERA PLUS JAMAIS CONFIANCE ET ÇA SERA DE MA FAUTE !!! Vous allez m'amener à l'heure, pas vrai ? Vous allez réussir à faire un miracle ? J'ai besoin d'un miracle ! S'il vous plaît s'il vous plaît s'il vous plaît s'il vous plaît s'il vous plaît !!!! Je ne peux pas décevoir mon patron ! C'est lui qui me paye, si j'arrive encore en retard, pour la deuxième fois de la journée en plus, il me payera pour rien et il ne voudra plus me payer et si je me retrouve à la rue, et comment je m'occuperai de Hope ? ET DE BAMBI ??? Vous saviez qu'une main avait besoin de crème hydratante pour se nourrir ? COMMENT JE VAIS NOURRIR MA MAIN ??? ...Pourquoi on avance pas ?
Ploc. Ploc. Ploc.
Si vous voulez mon avis...
Oh et puis non.
Ça sera plus drôle si vous le découvrez par vous même.

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Skylar

Tennessee

J'ai connu des cafards moins opiniâtres que vous ...

- Attendez-moi là. Soyez prêt à redémarrer rapidement.

D'un simple hochement de tête, Tennessee confirma qu'il avait compris. Bien qu'il ne sache pas ce que sa nouvelle patronne trafiquait - et cela ne l'intéressait guère -, il était conscient que la situation pouvait devenir critique et déraper rapidement. Il avait pour ordre de ne pas quitter le véhicule, même en cas d'urgence, et cela allait de paire avec l'interdiction d'écouter la radio ou d'allumer la lumière du plafonnier pour lire un livre en attendant qu'affaires se fassent. Le vampire devait donc jouer avec le silence tout en restant aux aguets. Si au début il trouvait le temps long, l'habitude et la routine avaient eu raison de son impatience. Il se complaisait même dans ces moments de solitude extrême. Il n'y avait pas de sensation plus agréable que celle d'une tranquillité totale. Surtout depuis qu'il travaillait pour Madame Brown. A contrario de son mari, elle parlait peu et son côté taciturne la remerciait de lui éviter des conversations stériles. L'allégeance qu'il portait à cette femme allait bien au delà de celle qu'il avait pour Monsieur, même si cela ne devait pas se dire. 

Deux heures venaient de s'écouler, d'après sa montre. Tout se passait bien pour le moment. Ses yeux firent une énième fois le tour du quartier qui semblait endormi. Pas un bruit. Pas une âme. Malgré ses sens sur-développés et en alertes, l'Immortel commençait à décrocher de la réalité. Ses pensées vinrent obstruer son esprit, rongeant petit à petit sa concentration. Après tout, il pouvait bien s'offrir le luxe de se perdre dans ses songes, tant qu'il reste réactif au moindre problème ! Les bras croisés sur son torse, il ferma ses paupières pour confortablement s'installer dans son palais mental ...

Enfin, c'est ce qu'il pensait faire avant que tu ne débarques comme une furie dans la voiture, déblatérant moult paroles incohérentes à un rythme édifiant pouvant allègrement avoir sa place dans le livre des records. Cette apparition inopinée de ta part a fait bondir Tennessee hors de ses pensées et sous la surprise, ses doigts empoignent le manche de l'arme cachée sous le frein à main, à l'abris de ton regard. Non, ce n'est pas une arme à feu. Trop bruyante, trop sale et surtout trop lente. Rien ne vaut une longue lame au fil aussi tranchant que le regard qu'il te porte actuellement. Mais tu ne t'en aperçois même pas car tu es trop occupé à t'agiter dans tous les sens pour une histoire de retard. Si le vampire a bien compris puisque, honnêtement, il ne t'a pas écouté.

Tu as de la chance, humain, que celui en face de toi n'agit jamais avec impulsivité. Un peu plus et tu finissais avec la gorge tranchée d'une oreille à l'autre. Tennessee remarque que tu n'es qu'un badaud, un type pas dangereux. Il relâche la pression, délaisse son poignard affûté et se contente de te fixer, hagard, comme si tu venais d'une autre planète.

- ... Vous allez m'amener à l'heure, pas vrai ? Vous allez réussir à faire un miracle ? J'ai besoin d'un miracle ! S'il vous plaît s'il vous plaît s'il vous plaît s'il vous plaît s'il vous plaît !!!! Je ne peux pas décevoir mon patron ...

Ton discours le laisse sans voix. Il se demande même si tu ne viens pas de t'échapper d'un asile. Celle-ci, on ne lui avait jamais faite ! Pourtant, après dix années de bons et loyaux services, il en avait vu des vertes et des pas mûres. Mais des comme toi, jamais.

- Sortez de cette voiture.

Tu ne sembles pas l'entendre, ou pire, l'écouter. Tu continues de parler, encore et encore, sans même prendre le temps de respirer. Es-tu vraiment humain, tout compte fait ? Tu commences sérieusement à l'agacer, mais dans un souci de professionnalisme, il ne t'assomme pas. Bien que ce n'est pas l'envie qui lui manque. Ce que tu ne sais pas, petit, c'est que grâce à son ouïe de toute beauté ... Il entend le ploc ploc des gouttes d'eau tombant de tes cheveux et s'écrasant sur le cuir du siège fraîchement nettoyé. Tu joues avec le feu, gamin...

- ... Vous saviez qu'une main avait besoin de crème hydratante pour se nourrir ? COMMENT JE VAIS NOURRIR MA MAIN ??? ...Pourquoi on avance pas ?

Il attend, plus ou moins patiemment, que tu cesses ta bouillie verbale. Madame Brown peut revenir d'une minute à l'autre et il n'est pas certain qu'elle soit aussi conciliante que lui. Quoique ... Si tu tâches le cuir, il est fort probable que tu ne ressortes pas vivant de l'habitacle restreint dans lequel tu t'es fourré. Un soupir lui échappe et lentement, il réitère son ordre. Le ton qu'il emploi est ferme, décortiquant chaque mot pour bien se faire comprendre :

- Sortez. De. Ce. Véhicule. Immédiatement !


       

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Peut-être que la voiture avait un problème ? Panne d'essence ? Moteur noyé ? En surchauffe ? Freins qui ne fonctionnent plus ? Bobine d'allumage défectueuse ? Skylar passa mentalement en revue toutes les raisons possibles pour lesquelles la voiture stagnait toujours. En aucun cas il n'aurait pensé que le problème venait du conducteur. Après tout, il venait de lui expliquer à quel point il était important qu'il rejoigne l'université au plus vite ! A la vitesse de l'éclair même ! Le petit bouclé avait besoin d'un Barry Allen et ce gentil conducteur de taxi était ce qui s'en rapprochait le plus !!!
-Sortez. De. Ce. Véhicule. Immédiatement !
Son moral venait littéralement de lui tomber dans les chaussettes. Il pouvait le chatouiller du bout de ses orteils, son moral était bien là, en train de se faire piétiner et écrabouiller. Ayé, ils ne pouvaient plus démarrer. C'était bien sa veine ! Il regarda le grand ténébreux avec des yeux plein de panique.
-La voiture est en panne, c'est ça ? ELLE VA EXPLOSER ????
Après tout, c'était la la seule explication possible à la requête du chauffeur. Pour quelle autre raison lui aurait-il demandé de sortir, sinon ? La tête remplie de tout ce qu'il savait sur les voitures ( vous seriez surpris de ce que l'on peut apprendre en lisant le manuel d'instruction de sa voiture et en faisant une petite névrose sur le sujet de la mécanique ! ), le petit brun alla d'abord vérifier le plus important : qu'il n'y ait pas une bombe en dessous de la voiture ! Il se retrouva donc en position très inconfortable entre les roues de la berline pour vérifier que rien n'avait été accroché en dessous.
Un peu sale et ressemblant légèrement à un scientifique fou avec ses cheveux allant dans tous les sens, le petit brun vint taper frénétiquement au carreau côté conducteur.
-Bonne nouvelle ! Il n'y a pas de bombe sous le châssis ! Vous êtes sûr que la voiture va exploser ? C'est peut-être un encrassement du moteur !!! Il faudrait ouvrir le capot ! Vous pouvez ouvrir le capot s'il vous plaît ?
Puis, certain que le chauffeur ferait ce qu'il lui demandait, le petit bouclé alla papillonner à l'avant de la voiture. Là où, pour être totalement honnête et connaissant un minimum le personnage se trouvant derrière le volant, il mettait sa vie en jeu... Il n'aurait pas été si surprenant de voir ledit conducteur démarrer et écraser ce qu'il devait probablement considérer comme étant, littéralement, un moucheron sur le pare-brise de son existence...
Sautillant à moitié devant le capot, l'astrophysicien continua son discours.
-Parfois, il y a des molécules de carburants qui ne se brûlent pas bien et qui vont se coller sur les soupapes ! Ou les têtes de piston. Ou les injecteurs ! Du coup, le moteur n'est plus étanche ! Il y a de la fumée noire qui sort du capot quand vous démarrez ? D'ailleurs, il faut que vous ouvriez le capot !!! Ou alors c'est la batterie ! Ça arrive parfois que la batterie se décharge. Attendez, j'ai des câbles de démarrage dans ma voiture !!
Avoir une voiture et appeler un taxi... c'est un comble, non ? Aucun doute que le chauffeur se poserait des questions quant au bon fonctionnement du cerveau de son client. M'enfin, il ne devrait pas se plaindre, non, tant qu'il payait ?
Une minute plus tard, Skylar revint se planter devant la voiture, les câbles à la main.
-Il suffit de relier nos voitures et le tour est joué !
Mais pourquoi il n'avait toujours pas ouvert le capot ??!

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Skylar

Tennessee

J'ai connu des cafards moins opiniâtres que vous ...

- La voiture est en panne, c'est ça ? ELLE VA EXPLOSER ????

Que voulez-vous que Tennessee réponde à ça ? T'ignorer, voilà ce que le vampire prévoit de faire. Il n'a pas le temps de s'occuper de toi et de ton blabla sans queue ni tête. Son pouce et son index viennent pincer l'arête de son nez, geste témoignant de son agacement croissant. Rester calme et te confiner ici pour éviter d'attirer l'attention, seule solution pour garder un semblant de discrétion. Une idée lui effleure l'esprit, celle d'activer la ... CLAC ...  fermeture automatique des portes. Trop tard. T'es déjà sorti. Un vent de panique s'installe chez l'Immortel qui te cherches désespéramment du regard. Il t'entend trifouiller autour et sous la voiture mais son attention s'éloigne un instant de toi pour se poser sur la bâtisse où se trouve sa patronne. Il voit des ombres s'agiter à travers l'une des fenêtres ... Il ne manquait plus que ça. Le bruit sourd de tes mains sales sur la vitre teintée le ramène à son autre problème : Toi.

- Bonne nouvelle ! Il n'y a pas de bombe sous le châssis ! Vous êtes sûr que la voiture va exploser ? C'est peut-être un encrassement du moteur !!! Il faudrait ouvrir le capot ! Vous pouvez ouvrir le capot s'il vous plaît ?

Que Dieu soit loué ! Il n'y a pas d'explosifs sous la voiture ! Nous voilà sauvés. Il lève les yeux au ciel, dépité par cette situation qui échappe à son contrôle. S'il ouvre le capot, se sera purement et simplement pour t'y coincer la tête dedans avant de le refermer violemment sur cette dernière. Une nuque brisée pour une tranquillité retrouvée ... Cela vaut le coup (notez là, le subtile jeu de mot avec "coup" et "cou") ! Sauf qu'il y a un minuscule riquiqui microscopique détail de rien du tout qui l'empêche de se débarrasser de ta personne de cette manière : Son interdiction de sortir du véhicule. Cela peut paraître bête mais un ordre reste un ordre et s'il n'est pas prêt à repartir à la seconde où Madame Brown pose son séant sur le siège -maintenant humide - côté passager, il risque gros.

Il prie cependant pour qu'elle revienne maintenant. Te rouler dessus ne sera qu'un dommage collatéral pour eux puis plus qu'une vague anecdote sordide à raconter au détour d'un verre avec un ami. Si seulement cela pouvait arriver ... car te voir sautiller devant lui l'exaspère. Comment te faire partir sans alerter tout le quartier ? Déjà que ta voix doit faire écho dans la rue sombre et vide ... Il ne peut rajouter plus de capharnaüm.  

- Parfois, il y a des molécules de carburants qui ne se brûlent pas bien et qui vont se coller sur les soupapes ! Ou les têtes de piston. Ou les injecteurs ! Du coup, le moteur n'est plus étanche ! Il y a de la fumée noire qui sort du capot quand vous démarrez ? D'ailleurs, il faut que vous ouvriez le capot !!! Ou alors c'est la batterie ! Ça arrive parfois que la batterie se décharge. Attendez, j'ai des câbles de démarrage dans ma voiture !! Il suffit de relier nos voitures et le tour est joué !

Encore une fois, il ne t'a pas écouté. Tu n'es plus dans sa ligne de mire. Ses yeux sont braqués sur l'endroit où se trouve Raven. Si tu n'avais pas fait tout ce cirque, il aurait pu vraiment savoir si c'était un coup de feu qu'il a entendu ou juste le fruit de son imagination. Ta pollution sonore vous met tous les deux en danger. Si seulement t'en avais un minimum conscience ...

Il se concentre sur ses sens, et uniquement sur eux, oubliant l'hurluberlu que tu es le temps de confirmer ses doutes. Et le bruit caractéristique d'une balle quittant son canon vient valider son hypothèse : C'est la merde à l'intérieur. Sa langue claque violemment sur son palais. Par ta faute, il va devoir désobéir aux ordres. Ta présence représente un obstacle. Ce n'est pas un cas d'urgence là, mais de survie absolue.

Il sort de la voiture, t'attrapant par le col comme le ferait une mère avec son chaton. L'affection et la délicatesse en moins, of course. Sa main libre s'écrase sur ta bouche afin qu'elle reste close pendant l'opération "Sauver la mission même si c'est très mal parti". Vous voilà maintenant tous les deux collés contre la portière côté conducteur de la berline, accroupis pour ne pas vous faire repérer. Ils savent que Madame a un chauffeur mais s'ils voient une deuxième personne, cela peut provoquer un sacré bordel. Plus que ça ne l'est déjà apparemment. 

- Je ne sais pas qui vous êtes et à vrai dire, je m'en fiche pas mal. Cependant, si vous voulez rester en vie, vous allez devoir la boucler et vous tenir à carreaux ! Grimpez.

Il ouvre la porte arrière et te pousse sans vergogne à l'intérieur, refermant derrière toi sans te laisser le temps de faire demi-tour. Tennessee reprend quant à lui sa place initiale, mettant cette fois-ci en place l'ingénieuse option appelée : la sécurité enfant. Plus de fuite, plus de problème. Il s'occupera de ton cas plus tard.

- Une femme va arriver. Ne lui adressez pas la parole. Ne la regardez pas. Faites le mort même, cela arrangera mes affaires ! Compris ?

Il te fixe à travers le rétro-viseur intérieur. Ton visage et tes mains sales l’écœurent et dans un élan de bonté extrême, il te tend - ou plutôt te lance - un paquet de lingette pour bébé. Ne riez pas, c'est bien pratique lors d'un repas salissant ... Puis ça sent bon la camomille. Bref, oubliez ce passage et recentrons-nous sur le sujet principal !

- Essuyez-vous et ne jetez pas les lingettes par terre, gardez vos déchets dans vos poches !

Il y a du monde à l'extérieur. Heureusement qu'il ne t'a pas laissé rentrer chez toi car tu n'aurais pas eu le temps d'atteindre la maison de ton voisin avant de te faire descendre. Par Madame Brown d'ailleurs qui s'approchait de la voiture, glock  à la main. Il démarre et allume les phares au moment même où la portière claque. Timing parfait ! Ses iris croisent les tiens, toujours via le miroir rectangulaire ... Enfin presque parfait.
       

Tennessee & Skylar

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Le ténébreux chauffeur - qui était encore plus grand que ce que le bouclé avait imaginé -sortit de la voiture. Il n'y avait en soit aucune raison d'avoir peur, des gens sortaient de leur voiture tous les jours et même plusieurs fois par jour ! Pourtant, le petit Micelli se ratatina sur lui-même, comme ayant conscience d'un danger sur le point de se manifester. Sans mot dire, l'homme l'attrapa par le col de sa veste et le souleva avec autant de facilité que s'il n'avait tenu entre ses doigts que le vêtement sans son humain. Avait-il prévu de l'accrocher quelque part ? A un arbre, peut-être ? Skylar avait déjà été suspendu de la sorte à une patère accrochée derrière la porte d'un placard. Les plus longues 72h de sa vie. Il avait noué une belle amitié avec un balai, mais il avait surtout eut une envie de pipi qui avait l'avait froissé à vie avec le seau !
Il n'eut pas le loisir de protester ou de poser la moindre question. Le grand gaillard lui avait collé une paluche contre la bouche, résumant la tentative de Skylar à une espèce de « Bouffoi fe fe fa bahé ? » parfaitement incompréhensible. Le grand ténébreux le força à s'accroupir et, le maintenant fermement contre la portière, il se décida enfin à parler.
-Je ne sais pas qui vous êtes et à vrai dire, je m'en fiche pas mal. Cependant, si vous voulez rester en vie, vous allez devoir la boucler et vous tenir à carreaux ! Grimpez.
-Béféfoufiafez...
Deux secondes plus tard, Skylar était devenu un sac de pomme de terre balancé à la hâte à l'arrière de la voiture. Le petit brun ne comprenait pas. Il avait appelé ce taxi. Il était monté dans la voiture. On lui avait dit d'en descendre ( probablement que la voiture allait exploser ). Et maintenant on lui demandait de remonter dans la voiture ? Aaaahhhhh. Il avait voulu que le petit brun monte à l'arrière... Pourquoi ne le lui avait-il pas simplement dit ?
-Mais je vous l'avais dis que c'était une question de vie !!! asséna Skylar.
N'avait-il donc pas comprit que si son patron arrêtait de le payer, un chat, une main et un humain risqueraient de finir dans la rue ? Et la rue, c'était pas très confortable pour dormir ! Il leur faudrait se trouver une niche à partager, et pour avoir déjà dormit seul dans une niche, le petit brun pouvait attester que la place manquait ! Imaginez donc à trois...
-Une femme va arriver. Ne lui adressez pas la parole. Ne la regardez pas. Faites le mort même, cela arrangera mes affaires ! Compris ?
Skylar prit les consignes très au sérieux. Trop au sérieux même. Ne lui adressez pas la parole. Il ferma sagement la bouche, les lèvres bien serrées ! Ne la regardez pas. Il ferma ses grands yeux de chiot en attente d'un câlin. Faites le mort. Il s'allongea, croisa les bras sur sa poitrine, prit une graaaaaaande inspiration et... cessa de respirer. Il faut dire qu'un mort qui respire n'était pas exactement chose courante !
Il se prit en pleine figure un paquet de lingettes senteur camomille que le grand ténébreux venait de balancer à l'arrière. Dans un spasme de zombie, Skylar sursauta mais ne bougea pas. Il en profita cependant pour prendre un peu de souffle.
-Essuyez-vous et ne jetez pas les lingettes par terre, gardez vos déchets dans vos poches !
Un cadavre, ça s'essuyait ? L'Élémentaire ouvrit un oeil, qu'il referma aussi vite car la portière avant de la voiture claqua, signe que la femme dont le chauffeur avait parlé était arrivée.
C'était sans conteste l'expérience de taxi la plus étrange que Skylar avait vécu. Un taxi prenait rarement plusieurs personnes différentes, si ? Ou alors c'était un Uber. Mais il n'avait pas appelé d'Uber...
Et puis, c'était un jeu étrange ! Pourquoi l'un des passagers ne devait pas respirer ? C'était... suffocant ! Il risquait vraiment de mourir à ce rythme là !
Le petit brun parvint à retenir sa respiration exactement deux minutes et treize secondes. Il n'était pas exactement un professionnel de l'apnée. N'y parvenant plus, légèrement paniqué, il se redressa d'un seul coup et avala de longue goulée d'air. La tête entre le conducteur et la dame qui lui avait piqué sa place à l'avant, l'astrophysicien demanda.
-Je peux respirer maintenant ? J'ai bobo à mes poumons... Il est pas très drôle votre jeu... Hey, mais Gainesville, c'est pas par là... je crois... Vous avez besoin d'un GPS ? J'ai mon téléphone si vous voulez ! Google Maps est notre ami ! Je crois que je vais vraiment être très très en retard... lâcha-t-il d'une voix profondément triste et désespérée, laissa sa tête se poser contre le siège du conducteur. Chauffeur, gentil chauffeur, vous aller m'aider, pas vrai ?
D'un geste mou et dénué d'espoir, il attrapa les lingettes que le grand ténébreux lui avait lancé plus tôt et renifla l'odeur de la camomille pour se réconforter.

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Skylar

Tennessee

J'ai connu des cafards moins opiniâtres que vous ...

Tennessee te fixe toujours à travers le rétro-viseur. Il ne veut pas te lâcher du regard, au cas où tu voudrais faire quelque chose d'idiot. C'est donc avec beaucoup de jugement dans ses yeux qu'il t'observe faire le mort sur la banquette arrière. Il ne peut dire, à l'heure actuelle, si tu te fous de lui ou si tu es simplement limité au niveau neuronal ... Bien qu'il ait sa petite idée sur la question. Disons qu'il pense que tu as un jour pris feu et qu'on t'a éteint à coups de pelle. Cela dit, t'avais l'air foncièrement gentil, et même si le vampire n'est pas l'être le plus doté de compassion, il prend son mal en patience pour l'instant.

La porte claque et les voilà déjà en route. Il te délaisse pour le moment. Son attention revient sur sa patronne qui ne t'a pas encore remarqué. Elle semble en forme, malgré l'odeur de sang qui émane d'elle. Ses mains serrent le volant, dans un geste incontrôlable. Son esprit ne doit pas divaguer maintenant, surtout qu'il s'est nourri la veille ... Tout devrait bien se passer.

- Blessée ?
- Non.

C'est déjà une bonne nouvelle. L'Immortel se concentre sur sa conduite, laissant Madame Brown se changer. Le silence règne dans l'habitacle, juste entrecoupé par le bruit d'un sac qui s'ouvre et du froissement des vêtements souillés remplacés par des propres. Cela l'arrange, l'odeur sera moins entêtante pour lui. Il sait exactement où aller, pas besoin d'échanger davantage. Son rôle : Conduire. Sans poser de question. La curiosité n'a pas sa place avec Raven. Un mouvement à l'arrière lui fait réaliser qu'il t'avait complètement oublié. Sa mâchoire se serre quand il voit que tu te redresses.

- Je peux respirer maintenant ? J'ai bobo à mes poumons... Il est pas très drôle votre jeu... Hey, mais Gainesville, c'est pas par là... je crois... Vous avez besoin d'un GPS ? J'ai mon téléphone si vous voulez ! Google Maps est notre ami ! Je crois que je vais vraiment être très très en retard...

D'une main, il rattrape le poignet de celle se trouvant à ses côtés, t'évitant de justesse ce poing impulsif qui allait t'offrir une rhinoplastie instantanée. Elle te regarde avec surprise. Elle le regarde ensuite avec colère. Un soupir quitte les lèvres de Tennessee, les ennuis viennent tout juste de commencer. Great ...

- Chauffeur, gentil chauffeur, vous aller m'aider, pas vrai ?
- Qui est-ce ?!
- Un léger contre-temps ... Je vous ramène puis je m'occupe de lui.

Adieu la prime du mois. Elle marmonne dans sa barbe puis se met à fixer le rétro extérieur. Elle comprend ce qu'il a compris depuis qu'ils sont partis. On les suit mais tant qu'il n'est pas dans une configuration propice à les semer, il doit se contenter de faire comme si de rien était. Ses iris croisent les tiens à nouveau.

- Toutes mes excuses mais vous n'irez pas là où vous pensiez aller. Je vous conseille de prévenir votre supérieur et surtout de vous attacher. Cela risque de secouer dans très peu de temps.

       

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Certaines personnes se conditionnent dans un paraître qui ne leur ressemble pas. Le plus souvent, ce sont les manipulateurs, les malintentionnés qui se font passer pour la douceur et la bonté incarnée. Mais parfois, très rarement, on trouve des personnes aux airs durs et acerbes, qui ne sont pas aussi antipathiques qu'elles aiment à le laisser croire. Je vous parie la révélation de mon identité de Narrateur que le chauffeur, fût-il de taxis ou de caïd de la mafia, appartenait à cette seconde catégorie de personne. Pourquoi ? Simplement parce que, probablement sans même y penser, il venait d'empêcher à Skylar un coup de poing magistral qui l'aurait probablement envoyé dans les vapes pendant approximativement 72 heures. Il allait avoir des problèmes...
Totalement inconscient de ce à quoi il venait d'échapper ( et accessoirement, des problèmes qu'il venait probablement de causer ), le petit brun adressa une nouvelle supplique désespérée au conducteur.
- Qui est-ce ?!
- Un léger contre-temps ... Je vous ramène puis je m'occupe de lui.
L'Italien n'était pas du genre à râler ou à faire des commentaires. D'abord parce qu'il n'avait jamais eus le droit d'exprimer son agacement, ensuite parce qu'il avait peur de se faire frapper et enfin parce qu'il ne voulait pas froisser les gens. Et puis vous savez ce qu'on dit : quand on a rien de gentil à dire, autant fermer sa bouche ! Cependant, il ne comprenait pas ce traitement de faveur envers la cinquantenaire. Il est vrai que nous devons respecter nos aînés. Mais était-ce une raison suffisante pour lui faire quitter sa place, lui demander de faire le mort et considérer cette femme comme prioritaire ? Pourquoi son urgence à lui semblait si peu importante ?
Évidemment, il n'exprima en rien son mécontentement. Après tout, sans doute était-il égoïste. Il ne connaissait rien de cette personne, peut-être avait-elle un soucis plus important que le sien, ou au minimum équivalent. Peut-être devait-elle se rendre à l'hôpital ? Peut-être était-elle en retard elle aussi ? Si ça se trouve, elle avait mal. Après tout, le chauffeur lui avait demandé si elle était blessée lorsqu'elle était entrée dans la voiture ! Peut-être avait-elle une hémorragie interne. Si ça se trouve, elle avait l'appendicite ! Peut-être était-elle enceinte ? Ça s'était déjà vu ! Ou alors, elle était malade. Tout était possible. Oui, sans aucun doute, il avait été égoïste de songer un seul instant avoir un quelconque droit de priorité sur sa compagne de taxi.
-Toutes mes excuses mais vous n'irez pas là où vous pensiez aller. Je vous conseille de prévenir votre supérieur et surtout de vous attacher. Cela risque de secouer dans très peu de temps.
Le bouclé cligna des yeux plusieurs fois de suite. Appeler son patron ? Mais bien sûr, pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt ?! Bien sûr, qu'il aurait pu appeler son patron, son gentil patron, ce même patron qui l'avait embauché et qui lui payait ses factures ( après tout, c'était son argent qu'il donnait à Skylar tous les mois ! ), ce patron adorable et à qui il devait tout, absolument tout !
Sauf que le soucis résidait là. Il lui devait TOUT. C'est pourquoi le petit brun regarda le chauffeur avec toute l'incrédulité d'un « non mais ça va pas ?! » dans le regard.
-Q-que...Que quoi ?! Comment ? Pourquoi ???? Appeler Monsieur Cooper ? Mais... MAIS !!!!!! Mais mais mais !!!! ...Je n'ai pas son numéro personnel. Et puis le standard est difficile à joindre. Et puis même !!!! Vous ne vous rendez pas compte !!! Je lui dois la vie à mon patron ! C'est vraiment une question de vie ! Il m'a fait confiance, il m'a embauché, je suis son plus fidèle employé et je suis en train de l'abandonner lâchement et de le laisser tomber et il ne mérite pas ça vous savez, oh non, pas ça... L'astrophysicien secoua vigoureusement la tête. Vous vous rendez compte que sans lui, je suis incapable de payer ma maison ? Et à manger ? Et à boire ? Vous avez déjà dormi dans une niche ? C'est pas très confortable... et c'est tout serré ! Et tout froid... Et puis, ça fait un peu mal au dos... En plus, il y a des fourmis, et des araignées, et des lézards, et puis en ce moment, il y a le le python de Seba ici en Floride !!!! Il est vilain méchant pas beau tout effrayant ! C'est pas un temps à laisser un toutou dehors ! Ni un minou ! Ni un humain ! ...Ni une main, d'ailleurs !!!! Et ma couverture pilou-pilou ? ...Je l'aime bien moi, ma couverture pilou-pilou... Elle est douce ! Et chaude ! Et duveteuse ! Comme dans un cocon ! Bien que je n'ai jamais dormi dans un vrai cocon... Monsieur Cooper a les pleins pouvoirs sur mon pilou-pilou !!!!

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Skylar

Tennessee

J'ai connu des cafards moins opiniâtres que vous ...

Dans la vie, nous faisions parfois des choix que l'on regrettait ensuite amèrement. Et Tennessee n'en était pas exempt. Oui, il se mord les doigts de t'avoir fait monter dans cette voiture. Oui, il aurait dû laisser ce poing partir, pour t'assommer et par la même occasion, te réduire au silence le temps du voyage. Le vampire, concrètement, a des problèmes plus urgents à régler que ta petite personne. Il t'écoute d'une oreille distraite, accrochant une phrase sur deux.  

- ... Je n'ai pas son numéro personnel. Et puis le standard est difficile à joindre... C'est vraiment une question de vie !

Il serait d'utilité public de bâillonner ce garçon. Vraiment. L'Immortel pense fugacement à l'hypnose mais entre sa patronne sur le point de te coller une balle entre les deux yeux, ton discours improbable et les enfoirés qui les suivent ... Cela ne lui laisse peu de place à une petite thérapie made in dents longues. Il est de bonne volonté mais il n'a pas six bras non plus.  

- ... Vous vous rendez compte que sans lui, je suis incapable de payer ma maison ? ... Vous avez déjà dormi dans une niche ?

Bientôt, si tu ne te tais pas dans la minute qui suit. Par ta faute, il risque de se faire virer. Par ta faute, il loupe la sortie qui aurait pu leur être salvatrice. Il ferme les yeux un instant. Il commence à bouillonner à l'intérieur et bien qu'il se garde de le montrer, sa patience est mise à rude épreuve. Seuls ses doigts tapotant le volant dans un rythme soutenu laissent entrevoir une nervosité grandissante.

- ...  il y a le le python de Seba ici en Floride !!!! Il est vilain méchant pas beau tout effrayant ! C'est pas un temps à laisser un toutou dehors ! Ni un minou ! Ni un humain ! ...Ni une main, d'ailleurs !!!! Et ma couverture pilou-pilou ? ...Je l'aime bien moi, ma couverture pilou-pilou... Elle est douce ! Et chaude ! Et duveteuse ! Comme dans un cocon ! Bien que je n'ai jamais dormi dans un vrai cocon... Monsieur Cooper a les pleins pouvoirs sur mon pilou-pilou !!!!

C'est un sketch ! Une caméra cachée ! Ce n'est pas possible autrement ! C'est bon, Tennessee a eu sa dose, montrez-vous les cameramans ! Et puis bordel ... C'est quoi un Pilou-pilou ??!! Toi, l'humain à la langue bien pendue, tu le rends fou. Il donne un coup de volant sec, violent, tournant sur une route où il peut accélérer au gré de ses envies. Ce mouvement brusque pourra, peut-être, reconnecter les deux neurones qui semblent se balader librement dans ta cervelle. Pied au plancher, le vampire tente de s'éloigner de leurs poursuivants.

- La prochaine fois que vous jouerez au bon samaritain, Tennessee, je vous renvoie sur le champ ! 
- ...

Il te fixe une énième fois via le miroir du rétro-viseur. Ses iris obscures te scrutent avec férocité. Encore un mot de travers et tu finis le cul sur le bitume, bazardé par la fenêtre à plus de cent kilomètre-heure. Foi d'Immortel à la patience rongée jusqu'à l'os. Faut pas déconner non plus ! Alors qu'il désespère, que son âme déjà noircie s'émiette un peu plus chaque seconde ... Une idée saugrenue lui vient à l'esprit. Advienne que pourra. 

- On va jouer à un jeu, vous et moi.

Il mise sur ton côté enfantin, candide. Jouer à la baby-sitter ne l'enchante guère mais il doit assumer ses actes. Il délaisse son côté démon démoniaque et sans pitié pour lancer sans pression :

- On va jouer au roi du silence. Le premier qui parle, a perdu.

C'est bien la première fois, en quatre-dix ans d'existence, qu'il sort ce genre d’ineptie. D'ailleurs, le rire moqueur vaguement étouffé par sa patronne le fait descendre tout en bas de l'échelle de la bouffonnerie. Que Lucifer lui pardonne d'être aussi pathétique ...
     

Tennessee & Skylar

« If there's one thing Life is good at, it's surprising you. » The Land of Stories ( Beyond the Kingdoms )

Chaque langue contient son lot de subtilité. C'est ce qui a toujours plu le plus à Skylar. Il est probable que le discours parfait soit composé d'un minimum de cinq langues différentes, car chacune recèle une profondeur qui lui est propre. Un engrenage de mots qui, mis bout à bout, semble parfois signifier tellement plus. Aussi lorsque le chauffeur de taxi ( qu'il commençait à soupçonner ne pas être ce qu'il prétendait, compte tenu des propos de la femme assise devant ) le proposa de jouer au roi du silence, il fit sans le savoir un très beau cadeau à notre petit bouclé.
Aussi étonnant que cela puisse vous paraître, l'astrophysicien était capable de se taire plus de cinq minutes. Peut-être, inconsciemment, prenait-il une revanche sur toutes ses années d'enfer où il n'avait pas eu d'autre choix que celui d'être silencieux. Peut-être était-ce simplement ce besoin de poser à voix haute sa pensée en arborescence qui allait même parfois bien trop vite pour lui ; une façon de calmer le flux. Peut-être était-ce un mélange de ces deux réponses.
Le silence s'installa dans l'habitacle, permettant à Skylar d'observer. Il remarqua ainsi que les sièges n'étaient pas dans un cuir habituel ( et se demanda quel animal avait souffert pour sa peau ), découvrit une fonction chauffante pour ces mêmes sièges, et trouva même un bouton supposant faire un massage du dos. Il observa le chauffeur, ses cheveux tirant sur le gris, son début de barbe visiblement piquante qui pointait de son visage, découvrit un grain de beauté derrière son oreille droite, petit point à peine visible si l'on n'y prête aucune attention. Il remarqua les portes documents derrière les sièges avant, qui semblaient ne rien contenir. Il remarqua qu'une légère chaîne pendait autour du coup de la femme à ses côtés, sans qu'il ne puisse voir le pendentif en lui-même. Il regarda également le paysage défiler autour de lui, et remarqua une voiture derrière eux.
« Il y a une voiture qui nous suit depuis dix minutes », signa le petit brun.
La langue des signes était de loin sa langue préférée. Il y avait une connexion entre deux personnes qui signaient qui était inimitable en ce bas monde. Lorsque l'on est entendant, lorsque l'on parle, le monde autour de nous va trop vite, va trop fort, va trop dans tous les sens. Il est vrai qu'il en est de même pour un sourd, qui doit souvent travailler deux fois plus dur pour suivre une conversation avec un entendant. Mais lorsque deux sourds communique entre eux, il ne peut y avoir qu'un véritable focus sur cette conversation, et sur rien d'autre. Comment ne pas perdre le fil, autrement ? Dans la langue des signes, tout est important : les mains, bien évidemment, mais également les expressions du visage. Par ailleurs, il y avait, pour Skylar, une expressivité des signes qui les rendaient presque plus puissant que les mots.
Avez-vous déjà vu un chant-signe ? Il n'est rien de plus poétique, de puis poignant. C'en est presque... hypnotisant. Incroyable de justesse et de beauté. Aux yeux de Skylar, le « monde » des sourds était un univers magnifique. Il aurait aimer avoir des amis sourds avec qui échanger. Mais au moins, il savait signer, et c'était déjà fabuleux.
Quant à ce fameux chauffeur, fût-il de taxi ou d'un caïd de la mafia, il avait offert à l'astrophysicien cette opportunité magnifique de pouvoir enfin s'exprimer avec cette langue, sans que ça ne soit un réflexe ou un acte non réfléchit. Si, si. Il arrive que Skylar signe tout en parlant à voix haute, comme pour appuyer ses propos. C'est un peu comme lorsqu'il se met à parler russe au beau milieu d'une phrase. Ce n'est même pas volontaire.
« Monsieur le chauffeur ? Vous l'avez vu, la voiture ? Vous croyez que c'est normal ? Ohhh c'est une nouvelle méthode pour conduire les gens à bon port, c'est ça ? »
Mais puisque le chauffeur semblait l'ignorer, Skylar lui tapota l'épaule d'un doigt, pour attirer son attention. A nouveau, il signa, certain que l'homme comprendrait.
« Il y a une voiture derrière nous. La même voiture. Est-ce qu'on est suivit ? Pourquoi on serait suivit ? C'est idiot de suivre un taxi... Mais... je crois que vous n'êtes pas un taxi en fait. Vous êtes un taxi ? Pourquoi vous m'avez prit en voiture si vous n'êtes pas un taxi ? Est-ce que vous me kidnappez ? »

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