Pourquoi moi, la Vie ? Quelle heure est-il ? Ai-je assez de clopes ? Devrais-je appeler mon frère jumeau, pour lui dire que je ne rentre pas travailler ce soir ? Est-ce qu’il y a assez de bières dans le frigo ? Est-ce que mon dealer acceptera de me faire un prix d’ami ? Est-ce que le clodo du coin se cache toujours dans la benne à ordure ? Est-ce que Trump gagnera les élections de cette année ? Est-ce que la saison 2 d’Umbrella Academy est enfin sortie ? D’existentielles à futiles, les grandes questions se posent et bousculent entre les cloisons osseuses de mon crâne. Criblant la matière grise de songes et réponses aussi aliénantes les unes que les autres. J’ai l’intuition châtrée. La jugeote abîmée. Le bon sens alambiqué. La conscience instinctive. L’ignorance insolente. La contrariété hurlante. Bref. Dans ma tête, c’est le bordel !
Meurtri au plus profond de l’être, des replis et fibres visqueux de l’âme ne s’exalte désormais que le simulacre opalescent d’un Homme que je reconnais à peine. Sur le seuil des lippes crispées ne suintent dorénavant qu’un arrière-goût de fiel. Cette sorte de sève écœurante, qui fermante et s’alimente depuis un myocarde veiné et brodé en les rameaux givrés d’une répulsion irisée. Déconnecté du moindre soupçon de chaleur et dont la froideur du sempiternel hiver ne cesse de mordre à belles dents. Vieille souche pourrissante sur des landes opalines et nacrée, que le tronc malade et noueux a depuis longtemps cessé de vouloir pousser vers le berceau céleste, mais que les racines gangrenées se désespèrent de s’ancrer en les entrailles rougeoyantes de la terre. Cette immersion complète et totale vers le sous-sol de la dépression aura pour dessein de mieux m’enfoncer dans les affres d’un dégoût ébroué au souffle des quatre vents. Sorte de zéphyr d’outre-tombe qui souffle et essouffle ces réminiscences de malheur. Prisonnier au cœur du robuste fourreau, tremblant dans la grise écorce qui me couvre, j’ai la grisaille des morts et les ramures dénudées par la brise des rêves stérilisés. Vieille souche oubliée dans le vallon point tranquille et qui sert désormais de couche aux pensées parasitaires. Ces petites créatures rampantes, palpitantes, qui fourmillent sous la carne et grignotent l’encéphale sous l’essaim du cuir chevelu.
Tu l’as compris, ma chouette, j’suis vraiment pas d’humeur et de bon cœur. Et je rêve où ce distributeur automatique à la con a bouffé mon 20$ ?! Non seulement cleptomane, le distributeur, mais aussi vraiment radin ; parce qu’il ne m’a toujours pas donné cette satanée bouteille d’eau ! Hâve d’une patience aussi rarissime qu’émoussée, mon index réitère la manœuvre sur les boutons de contrôle et j’attends, fataliste. Au cœur du massif sarcophage métallique, un râle mécanique gronde et crache son agonie alors qu’un charabia électronique pousse la chansonnette en le silence dissident de la salle d’attente. Incrédule, halluciné, chevrotant, je me recule d’un pas… puis d’un autre et reluque la machine. Une lueur de défit, crépitant et dansant dans l’acier de mes pupilles.
- Tu te fous de ma gueule !? Une seconde plus tôt, tu distribuais une canette de coca à ce petit potelé obèse et roux de surcroit ! Et c’est pour ma pomme que tu décides de clamser ?! C’est quoi cette merde ?! - Mon fils n’est pas roux ! Seulement cuivré ! que s’insurge apparemment la propriétaire de ce rescapé de la fauche couche.
Rescapé de la fausse couche qui me reluque d’un œil bien étrange. Voire fort étrange même. Chafouin. Sournois. Victorieux. Mesquin. Il se réjouit de mon malheur, ma parole ! Un gamin se fout de ma gueule ! Médusé, je le pointe du doigt et grommelle à la mère :
- Vraiment ?! C’est la remarque sur les cheveux qui vous insulte ? Le fait qu’il soit à deux gorgées à peine de souffrir d'embonpoint, vous vous en tamponné le cul parterre ? - J’aime pas du tout l’énergie que tu dégages, mon gars ! T’as une sorte de crasse qui plane dans ton âme. C’est vraiment moche à voir. Tu devrais essayer le yoga. Ça apaise. Le yoga. C’est fun. Le Yoga.
Que s’encastre dans le tas cet espèce de surfer au minois roussi de coups de soleil et à la verve aussi captivante qu’un navet desséché. Les mirettes jouant la navette entre les deux caricatures, je soupire, ravale le chapelet de juron qui veut me sortir de la gueule et m’en retourne à mon petit duel avec ce satané distributeur automatique. Mes paluches de panda agrippant les flancs de la machine, pour comme un vulgaire prunier commencer à la secouer dans tous les sens praticables. Un tintamarre assourdissant explose dans la folle sérénité des lieux et je m’insurge :
Bang ! Bang ! Bang ! - Saloperie ! Rends-moi au moins mon argent ! Bang ! Boom ! Ka-Boom ! - Mon fils a une âme ! Il n’est pas roux ! Vous entendez !? Vous m’écoutez !? Boom ! Bang ! Pow ! - Ouais. Mec. Le yoga. C’est propice à la détente. Tu dois essayer. C’est cool et très relax.
C’est grotesque ! Moi qui rage contre la machine, la mère qui dénie son rouquin et ce surfer sibyllin qui pour être franc je me demande vraiment ce qu’il fiche ici. Il a l’air saint d’esprit. Un peu hippie, mais saint d’esprit.
- Le yoga. Nu. Sur la place. En compagnie de mocassin et de l’illustre Dalaï-Lama…
Ah ! Okay. Oublie ce que je viens de dire à son sujet, ma chouette ! Et au cœur de ce charivari impossible, c’est le moment propice que choisit Boris, l’agent de sécurité, pour se pointer la fraise et nous dévisager d’un air aussi catastrophique que confus. Pourquoi il nous braque sa flash-light dessus ? La salle d’attente est baignée d’une lumière aussi artificielle que criarde !
- Pour l’amour du Ciel ! Mais que ce passe-t-il ici ? C’est quoi tout ce bruit ? C’est l’aile psychiatrique ! Pas la petite école ! Gertrude, libérez immédiatement ce pauvre gamin ! Ce n’est pas le vôtre et sa mère le cherche partout ! Quant à vous, Matt, j’ignore comment est-ce que vous vous êtes échappé, mais on--- DEREK !? t’es encore ici, toi ? Oooohhh ! Non ! Neni ! Tu sors d’ici. Tu restes pas. J’suis persuadé que tu es à l’origine de ce chaos ! Et veux-tu bien lâcher cette pauvre machine !
Oui, ma chouette. Ce sketch fait très one floor over the cuckoo's nest. J’ai à peine le temps de le constater, que deux gorilles se flanquent à mes côtés et presque gentiment m’invitent à emboîter le pas vers la sortie. Fucking hell ! Dans mon dos, un bruit mécanique résonne et m’interpelle. Le distributeur automatique ! La machine fonctionne !
- Attendez. Mon argent ! Ma bouteille d’eau ! Nooonn ! Att— - Rien à foutre. Et grouilles-toi un peu ! On n’a pas que ça à faire ! que brame Laurel. - Oh, bonjour, miss Jones ! que se réjouit Hardy, tout sourire, alors qu’on contourne la nouvelle arrivante.
Escorté par les deux agents, désespéré, j’acclame :
- Mais le rouquin chafouin va me piquer mon fric !
Imperméables à ma détresse, Laurel et Hardy me flanquent à la porte. Journée de merde !
nothing's gonna change my world
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Sujet: Re: all this bad blood here. (DEMETER) Mar 17 Nov 2020 - 5:26
Déméter détestait ce sol au revêtement cireux qui étouffait le bruit de ses talons et dans lequel elle faisait de petit trou. Elle ne pouvait pas avoir ce plaisir de faire entendre son entrée, de sentir la crainte et le respect des employés. L’odeur aseptisée du lieu lui donne envie de vomir, bien loin de celle rassurante de la bibliothèque ou de son bureau. Elle aimerait tellement être dans son bureau à cette heure-ci, mais pas aujourd’hui malheureusement, alors elle avait laissé à contre cœur son chauffeur la conduire jusqu’à l’hôpital. Julia voulait être sûre que sa fille ne manquerait pas sa séance et il est vrai qu’elle l’aurait probablement fait si elle aurait du conduire sa propre voiture ; inventant une sombre histoire de rendez-vous d’affaire urgente. Inutile pour elle d’espérait corrompre George, il était là depuis son enfance et était d’une fidélité effrayante envers ses parents. Si seulement elle avait eu cette fidélité-là pour elle.
Elle n’avait pas envie d’entrée immédiatement. Elle s’offrit le luxe d’attendre dehors, loin de cette salle d’attente inconfortable ou les sièges en plastiques grinçaient au moindre mouvement. Ne fumant pas, elle se contenta d’un café à la machine, qu’elle regretta aussitôt. Toujours aussi insipide que ce lieu. Il n’y avait définitivement rien de bon : la découverte de son allergie, la mort d’Hestia, son suivi psychologique et maintenant ce café qu’il n’a que de nom. Un doigt sur la tempe, Déméter se disait de tenir bon, juste 10 minutes, ne pas s’engouffrer dans le premier taxi pour le siège sociale, faire son heure de consultation et elle serait tranquille pour les 4 prochaines semaines. Feindre que tout va bien, ne pas parler de ses doutes sur son père, cette histoire de mariage est ok, même si 3 des 5 prétendants sont d’horribles ignares. L’intellect exagérait probablement les faits : elle avait voulut les trouvé ignare, cependant elle n’y pouvait rien, se marier à quelqu’un qui n’aime pas l’opéra et qui en dehors des chiffres n’est pas capable de tenir une conversation intéressante, très peu pour elle.
Elle fut brusquement ramené à la réalité par un véritable vacarme. Cela provenait de l’intérieur, au bout du couloir. Voilà une animation amusante qui l’aiderait probablement à patienter. La faiblesse humaine, qu’est-ce qu’elle pouvait être pathétique et amusante à la fois. De ce qu’elle entendait, rien n’avait de sens, une véritable foire au clown. Tout d’un coup le ton baissa, il n’y avait plus qu’une voix, vociférant, qu’elle reconnu quand elle vit les deux gorilles de l’hôpital traîner un homme. Elle ne se souvenait pas de son nom, mais ils se croisaient souvent ces derniers fois dans la salle d’attente. Il n’avait pas l’air d’avoir un mauvais fond, juste une mauvaise histoire. À le regarder, elle se dit que cela aurait très bien pu être elle si elle n’avait pas eu sa vigilance constante.
Lorsqu’ils arrivèrent à sa hauteur, l’un des deux vigiles la salua. Elle eu envie de lui envoyer une remarque bien cinglante, mais elle n’en fit rien, se contentant d’un sourire polis en lui retournant la politesse.
- Bonjour à vous, je vois que la journée est agitée. Laissez-moi vous aider.
Elle tendit la main à l’homme, l’invitant par se geste à se saluer et à la suivre à l’extérieur. Elle avait sa porte de sortie.
- Je suis navrée de ce qu’il vous est arrivé monsieur. C’est effectivement un scandale, je veillerais à ce que l’hôpital vous rembourse. En attendant laissez-moi vous inviter à prendre un café pour atténuer cette injustice.
Sans plus attendre elle fit volte face et reprit la direction de l’extérieur avant de s’arrêter pour s’adresser à la secrétaire d’accueil.
- Bonjour, excusez-moi, je suis Madame Jones. J’avais rendez-vous dans 10 minutes avec le Dr Davis, mais il y a une urgence. Je ne vais pas pouvoir assister à notre entretien. Vous pouvez voir avec ma secrétaire pour reprogrammé la séance, je vous remercie.
Déméter n’était pas dupe, si elle voulait être tranquille, il faudrait qu’elle montre patte blanche à sa mère et quoi de mieux qu’un nouveau rendez-vous. Une fois sa conversation à sens unique finit, elle retrouva sa porte de sortie du jour et lui offrit son sourire le plus chaleureux. Qu’elle hypocrite faisait-elle, mais elle n’en avait absolument pas honte.
- Déméter Jones. Je crois que nous nous sommes croisés quelques fois sans avoir l’occasion de se présenter.
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Derek Morrow
MESSAGES : 4058 BARGE DEPUIS : 14/01/2019 ROYAUME : Empire State of Mind.
Sujet: Re: all this bad blood here. (DEMETER) Mer 18 Nov 2020 - 8:34
Apparition inespérée ! Son effet est là. Je me sens comme Aladin qui vient de frotter la lampe magique et qui voit apparaitre sous ses mirettes hallucinées le mystique Génie. Et mon génie version RevealDown nous sort le grand jeu et nous exhibe l’étendu de ses « pouvoirs cosmiques phénoménaux. » À l’image d’un kleenex souillé et bon qu’à foutre à la poubelle, Laurel et Hardy me balancent vers la femme d’affaire. Et comme une jouvencelle secourue et éplorée, ma paluche de panda vient avec douceur saisir la main tendue et c’est quasi en gambadant que je la laisse nous escorter dehors.
Moi ? Émasculé et castré ? À peine, ma chouette. À peine. J’suis pour l’égalité les sexes. J’suis pour le règne et le pouvoir aux femmes. Il est franchement temps qu’elles reprennent le flambeau et lynchent les erreurs commises par l’Homme. Je connais cette dame de notoriété et de vue seulement. Un bonjour par ici, un sourire par là et une affiche publicitaire avec le nom « JONES » de repéré à çà et là au travers du centre-ville. La vie est parfois franchement bien foutue ! Fière instructrice, elle t’apprend à quel moment tu peux l’ouvrir ou fermer ta grande gueule. Comme aujourd’hui alors que le citron se presse et devient de la limonade. La confrérie Jones est le nouveau Starbucks ou McDonald’s du coin. Tout le monde connait. Tout le monde en parle. Tout le monde veut sa carte de fidélité. Soooo. Lorsque la directrice adjointe a la gentillesse de se présenter à toi avec la prestance et le chat-risme d’une Marilyn Monroe des temps modernes, goulument on ravale toute once de virilité bafouée et bien bas on incline l’échine. Et la mienne elle s’incline si bas, que je pourrais lui servir de carpette contre laquelle joyeusement elle pourrait s’essuyer les talons prada-machin dessus ! Pas du genre impressionnable, ou lèche cul, simplement méthodique, opportuniste et le tout auréolé d’un go with the flow tout à fait propice.
Anyway. C’est pas comme si elle m’avait donné l’occasion de décliner ou de me stupéfier de quoique ce soit. Dans ce « laissez-moi vous inviter à prendre un café pour atténuer cette injustice. » Clairement, en sous-titre fluorescent, ça veut dire : « t’as vraiment la gueule du divorcé meurtri, outre cette partie d’Assassin's Creed et un bol de céréales, t’as absolument rien d’autre qui t’attend à la maison alors laisses moi redorer ton planning de mon illustre personne ! » Elle ne propose pas, elle exige. Elle ne demande pas, elle ordonne. Et surtout, cette latente intolérance au « NON » et tout refus de ma part pourrait risquer de lui donner de l’urticaire. Sans parler de cette approche thérapeutique hyper empathique et centrée sur la personne et qui vaguement me rappelle ce dialogue chelou que j’ai eu une fois avec ce vendeur d’assurances.
Elle est douée. Elle a du chien. Elle a du caractère. Très, trèèèèsss veni vidi vici, comme fille. Ça me plaît. J’aime bien. Voilà le songe qui me traverse l’esprit, lorsqu’elle me tourne le dos et tire sa révérence vers l’Accueil. Durant cette poignée de secondes, la soundtrack de ma vie s’arrête indubitablement sur le refrain d’Angel Of The Morning de Juice Newton. Car, oui, ma chouette, c’est le genre de rencontre qui vaut son pesant :
♫ Just call me angel of the morning, (angel) Just touch my cheek before you leave me, baby Just call me angel of the morning, (angel) Then slowly turn away from me ♫
- Je sais qui vous êtes. Et disons que les couloirs aseptisés et blafards d’un hôpital, ça manque le petit cachet qu’ont habituellement les rayons des fruits et légumes des supermarchés ; pour engager la discussion.
Et c’est à se demander pourquoi, hin, ma chouette ? Affable, aimable, l’ombre d’une moue mesquine planant sur la lisière de mes lippes, j’affirme en toute transparence :
- Derek Morrow. Enchanté. L’occasion saisie m’étonne un peu. Je vous l’avoue. Vous désirez que je cancel mon abonnement chez le compétiteur et que je m’ouvre un compte chez-vous ?
Une aucune arrogance. Aucun jugement. C’est simplement légitime. Un constat. Et je le formule comme si je parlais de la pluie et de beau temps. Au fond, je m’en fous de ses intentions réelles. L’entretien autour d’un café peut être drôle et surprenant. Et franchement on ne crache pas sur les « pouvoirs cosmiques phénoménaux » d’un puissant génie version RevealDown !
- Là-bas. Au coin de la rue. Il y a le Café Monique. Vous connaissez ?
Je parle de l’endroit, pas de cette mystérieuse Monique. Of course. D’un pas latéral, d’un geste de main, sans trop de cérémonie, je nous invite à emboîter le pas vers cette direction :
- C’est une place sympathique et ils offrent de bonnes choses. Et merci. D'être intervenue. Tout à l'heure...
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Sujet: Re: all this bad blood here. (DEMETER) Dim 22 Nov 2020 - 11:12
Elle pensait écourter ce café avec une excuse dont elle avait le secret, mais l’homme avait de la répartie sans être agressif pour autant, elle aimait bien. Elle avait presque envie de se prendre au jeu de lui faire signer un contrat dans son entreprise, mais elle ne le ferait pas : elle n’en avait pas envie. Forcer les gens et ils deviennent inutile ; faites les venir d’eux-même et ils seront les plus fidèles. Alors elle ne perdait rien à prendre tranquillement un café, elle n’était pas attendu au bureau avant 1h minimum de toute façon.
-Enchanté Derek. Enfin si ça ne vous dérange pas que nous utilisions nos prénoms ?
Ce n’était pas une tactique de vente, juste une impulsion, une envie d’être un peu moins formel et guindé. Après tout ils n’allaient pas faire affaire et ils sortaient tous les deux de l’hôpital, un lieu dont ils semblaient partagés un amour plutôt contestable.
-Si vous avez besoin d’un compte chez nous, je me ferais un plaisir de vous aider dans les démarches, mais si ce n’est pas le cas, restez donc chez la concurrence. Vous viendrez quand vous aurez envie de voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Avait-elle répondu avec un petit sourire en coin, malicieux et taquin.
Cet homme qui devait n’être qu’une porte de sortie était en train de devenir son caché bonne humeur. Elle ne s’en rendait pas compte, mais ce simple échange avait légèrement déridé sa posture, la rendant plus accessible. Naturellement elle suivit la direction que Derek pointait pour le café tout en écoutant sa recommandation du lieu.
- Je ne connais pas spécialement les cafés par ici, je ne m’attarde pas vraiment dans le coin... Je vais vous faire confiance, vous avez probablement bon goût.
La flatterie encore et toujours. Les réflexes avaient la vie dure, rien ne l’obligeait à se montrer si aimable, seul cet automatisme de juger l’utilité des autres et de garder une relation positive avant de prendre une décision.
- Pour l’intervention c’est tout naturel. J’admets qu’il y avait du profit ; vous venez de m’éviter une pénible consultation. Et surtout merci à vous d’avoir saisit la perche que je vous ai tendu, je me serais retrouvée bien idiote sinon.
Parfois l’honnêteté était la meilleure façon de se protéger et de garder cette façade d’amabilité. En agissant ainsi, elle se donnait une apparente faiblesse, ce qui n’était dans les faits pas réellement le cas. Cette information ne lui coûtait rien, alors autant l’utiliser pour faire le juste milieu dans la balance des compliments. Trop nombreux et ils auraient l’effet inverses de leur objectif initial. Tout est une question d’équilibre.
Le café n’était effectivement pas loin ; à, peine quelque minutes de marches et ils purent entrer dans le lieu. Il n’avait rien à voir avec les grandes chaînes, il offrait un cadre plus authentique. Il y planait une bonne odeur de café et pâtisserie sur un fond de musique populaire. Déméter dénotait dans ce décors avec son apparence froide femme d’affaire qu’elle avait hérité de son père, mais ce n’était pas son problème. Elle avait décidé d’offrir un café à Derek, alors elle allait le faire. Peu importe le lieu. De toute façon rien ne pourrait être pire que ce jus de chaussette qu’elle avait eu le droit à l’hôpital.
Déméter se pointa au comptoir, réfléchissant à ce qu’elle allait prendre. Il fallait éviter tout contact avec l’arachide comprise dans les cacahuètes. Un américano lui sembla une valeur sûr, concernant les pâtisseries elle ne savait pas trop. Pendant qu’elle réfléchissait, vérifiant dans son sac qu’elle avait bien son insuline, elle invita Derek à passer sa commande.
- Prenez ce que vous voulez, je vous offre votre commande. C’est le minimum que je puisse faire pour m’excuser de m’être servis de vous.
Une fois que cela fut fait, elle annonça son café et décida de ne pas tenter le diable et de ne rien prendre à manger. Elle précisa néanmoins son allergie à la serveuse afin de s’assurer que celle-ci prenne ses précautions pour ne pas mettre de résidu d’arachide sur son café. Déméter n’avait pas vraiment envie d’utiliser son remède d’urgence ou de finir à l’hôpital qu’elle venait de quitter.
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Derek Morrow
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Sujet: Re: all this bad blood here. (DEMETER) Mer 25 Nov 2020 - 13:46
Il y a des gens avec qui ça clique et d’autres pas. Tu me connais, ma chouette. Le hasard ? J’y crois pas. Ce qui arrive, ça doit arriver et il y a une raison derrière. On la comprend pas tout de suite et avec le temps un germe devient pousse, la pousse devient arbre et l’arbre prend feuille. Et là on voit. Là on comprend ! Elle est comme ça, la Vie. Elle nous enlise sur les chemins de personnes formidables, on partage quelques joutes verbales, la personne se démarque et ladite personne peut finir par avoir un impact décisif dans nos vies. Je l’ai appris à mes dépends et surtout à l’armée. La jeune recrue supposée sans envergure que tous méprisait et que je me contentais que de saluer du chef ? Bah, un beau jour, lors d’une mission suicide, d’un déploiement quelconque ; il m’a sauvé la vie ! Il m’a sauvé la vie. Pourquoi ? Parce que je prenais le temps de le saluer et de le remarquer. Et dans sa vie, je me suis démarqué. C’est tout con. Mais c’est là. Parfois ça clique. Parfois pas. Bénéfique ou toxique, cette rencontre, elle creuse une faille dans notre matrice. Et dans une autre vie, pour d’autres circonstances, sa raison d’être, l’on fini par la comprendre.
Aujourd’hui ? C’est exactement ce qui est en train de se produire. Deux inconnus. Deux étrangers. Deux vagues connaissances en les tourbillons de nos écumes et vies respectives. Elles se saluent et vont prendre un café. L’Azur qui détaille, ausculte, remarque, le changement d’allure et de posture. Elle paraît moins froide, formelle, opérationnelle… plus accessible et confortable. Fallacieuse. Aussi. Une subtile fissure dans le château de verre. Une faille légère dans la matrice. Au cinéma, ils appellent ça la belle rencontre. Une sorte de familiarité, qui répond à la résonnance de mon propre néant. Les lucarnes des âmes qui parviennent peut-être avoir danser les spectres d’une autre vie, plombant les songes de ces chaines d’espoir, de deuil, de rêve et d’effroi qui claquemurent l’Esprit. Car, fous, nous le sommes tous un peu. Et cette thèse, je ne la soulève pas QUE parce que nous sommes tous les deux visiteurs écorchés vif au sein des autres barjos et entraperçues sur le seuil du même asile. Je le dis de bon cœur. Car un sain ne l’est jamais. Regardes les prêtres, ma chouette !
Sa répartie me fait sourire et parvient même à me dégourdir de mes infatigables torpeurs. Et en l’Azur vitrifié de sournoiserie, traverse un blême éclair qui déchire la brume et m’extirpe la tronche des dunes psychologiques. Un petit quelque chose d’authentique et de vrai, qui doucement s’installe. Des masques qui tombent et des visages qui se révèlent.
- Le libre arbitre. Très astucieux et bien joué. Cette politique de vente, Déméter, gardez la précieusement. Elle vous mènera très loin, dis-je, sincère, répondant par la même occasion à sa première question et laissant savoir que pour le moins du monde cela m’ennui d’utiliser nos prénoms. Avec un peu de chance, on pourra même passer outre les préliminaires et oser un craintif petit tutoiement ?
L’altercation avec Laurel et Hardy ? Bien vite, cela ne devient que flou et vague mirage. Moire de souvenir, alors que bien cloué dans l’instant T, la discussion prend naissance, à mesure que nos pas nous guident et rapprochent du fameux Café Monique. Paluches de panda fourrées en les poches de mon sombre trench’, dégaine nonchalante et le regard rivé droit devant, ébroué par la flatterie j’avoue un :
- RevealDown est en soi un véritable shithole. Mais il y réside tout de même quelques petites perles. Je tâcherai d’être digne de votre confiance et ne pas vous décevoir.
Appelons un chat un chat. Le Café Monique ; c’est bien, comme endroit. Assez bien pour que je le propose et qu’on s’y rende. Elementary, ma chouette. Elementary. Sûr que fade et franchement drabe, que la présence de l’illustre directrice adjointe va détonner comme le nez au milieu de la figure, mais ça reste potable. Les Hipsters du coin ? Pas dans le portrait et tous entassés comme des sardines chez Starbucks. Ce qui est en soi franchement salutaire ! Oui, les Hipsters et moi, c’est pas un bon ménage.
Et de biais je regarde la femme d’affaire, comme subissant l’attraction d’un gouffre qui soudain se comble d’un petit je-ne-sais-quoi, visiblement étonné de sa franchisse. Pénible consultation, uh ?!
- On n’abandonne jamais une consœur sur le champ de bataille. Ce n’est jamais que service rendu pour un autre, dis-je, balayant l’air d’une dextre alors qu’on rafle le seuil du Café.
Gentleman, indeed, je laisse passer devant moi la jeune fille et commence déjà à reluquer les listes de prix et inventaires de boissons offertes. Imperméable aux œillades étonnées qui par deux fois se braque sur l’arrivée surprise de miss Jones, bercé par les effluves et caféines et confiseries, à son affirmation je me rapproche du comptoir et passe ma commande :
- Expresso. Double. S’il vous plaît. Et merci de me l’offrir. Non, je m’adresse à celle qui invite. Pas à vous. Désolé. Ha ! Ha !
Ha…ha… ouais. Et lestement tirer ma révérence pour laisser la brunette passer sa commande et faiblement arquer le sourcil lorsque je l’entends aviser la serveuse qu’elle est allergique aux noix. Bummmeerrrr ! Et sans malice je plaisante un :
- La seule chose qui est désolant, dans tout ça, Déméter ; c’est que jamais dans votre vie vous allez avoir la chance de savourer un toast au beurre de cacahuètes !
Oui, le beurre de peanut, c’est la vie ! Et les sushis. Et la pizza. Et les Toblerone. J’ai la dalle, je crois. Consommations payées et servies, j’embrasse la salle du regard et nous désigne une table et banquette libres, là, tout près de la baie vitrée qui donne une vue sur le pouls agité du centre-ville et les passants qui circulent sur les trottoirs.