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Manteau virevoltant au vent, l’air ténébreux et mystérieux, il y en a qui savent bien s’évanouir dans la nuit. Bah, vous voulez savoir un truc, les preux ? C’est pas mon cas à moi ! J’suis plutôt du genre à m’écrouler dedans et m’y étaler comme une grosse merdasse. Et l’épopée de cette nuit peut si facilement vous le prouver, les preux pas gueux !

Tout à commencé pour une histoire de demande en mariage. Ouiiii, encore une fois, celle-ci s’est avortée de la plus saugrenue des manières et on s’en cogne. À force de persévérance, tout arrive à pile pour qui sait se faire chier à attendre. Hin, kewa, c’est pas ça le dicton ? Mais on s’en cogne de ça aussi, les preux fougueux ! Dans un royaume aussi paumé qu’Elvendyr, on s’étonne de voir débouler les événements toujours trop rapidement ? Il y un problème qui en enchaîne un autre, une apocalypse résolue et voilà qu’une seconde nous passe le bonjour. À noter qu’à ma dernière catastrophe, j’ai eu un rien de difficulté à saisir le comment du pourquoi et à bien garder le cap. Je l’ai tellement si mal conservé que j’en ai perdu la main. Et c’est au sens propre ! Alors on s’étonne que ce soir je pige que dalle à ce qui se passe ?!

- D’accord. D’accord. Laissez-moi récapituler ce qui se passe ici. Toi t’es là parce que dans la soupe du jour il y a plus grand amour. Toi t’es ici parce que cette saleté de pigeon déplumée a bien livré ton message, mais pas à la bonne adresse. Et toi, mon jeunet, rappelle-moi ce que tu branles ici ?

Le jeunet en question n’est pas si jeune que cela. Disons que c’est sa petite taille qui me pousse à le comparer à un marmot d’à peine âgé de trois burnes et qui n’a toujours pas le nombril sec. Le jeunet en question a une drôle de petite lueur de concupiscence dans le fond des pupilles et foi de boa qu’elle est apparue là dans ses yeux depuis l’instant où il m’a vu !

- Moi j’suis là pour chercher mon orientation. Et j’crois l’avoir trouvé…

Tu parles, Karl ! Il fait toujours bon pour l’âme de servir de boussole à un concombre encore tout mûre et juteux apparut là dans notre petit jardin secret ! De ma main orpheline, je me lustre la barbiche, mirettes reluisantes et globuleuses sautant d’une tronche à une autre. C’est pas la A team, mais je devrais savoir me débrouiller avec et il y a pire comme ribambelle de quidam.

- En dehors de ces raisons, les beaux, vous savez pourquoi vous êtes ici ?

Chant de criquets, croassement de crapaud, boule de foin qui roule et vieux croulant passant par là avec marchette et dos bossu. Dans le genre de silence de mort, on ne peut pas faire mieux, mais je ne m’attendais pas à autre réaction de leur part !

- Vous êtes ici parce que vous n’avez pas mieux à faire et côté planning j’ai tout un éventail de petits plans machiavéliques pour vous divertir et garder occupés. Aujourd’hui, c’est le grand Georgie !

- Jour J, tu veux dire.

- On s’en cogne, madame potage sans amour !

Ensuqué dans le zèle de mes récentes révélations et machinations, pour gagner l’attention des troupes, j’extirpe de ma raie une petite réglette en bois que d’un claquement sonore j’assène sur l’amoncellement de feuilles et portraits épinglés sur le mur. Je me perds moi-même un court instant dans la contemplation, obnubilé par la beauté irradiante de mon cher et doux requin blanc ! Ce qu’il est beau, mon Kiki !

- Je vous présente Kiki. Mon futur mari. Pour que nos destinées soient à jamais entrelacées, j’vais avoir besoin de vous, les mignons !

Le petit groupe me jauge d’un de ces regards anesthésiés qu’exprimeraient sans difficulté un banc de sardines confinées dans une boîte de conserve. Qu’ai-je besoin de faire, les preux, pour gagner leur attention et intérêt, hin ? Je me le demande bien.

- Pour qu’il tombe amoureux de moi, j’ai dans ma caboche un plan infaillible et ingénieux. Et---

Même pas le temps de finir ma phrase, que le bruit strident et tonitruant d’une chasse d’eau qu’on vient de tirer inonde la pièce et couvre tout bruit ambiant. Le temps que je peste une jérémiade dans ma longue barbiche de chèvre, que l’une des portes des toilettes publiques s’ouvrent et une femme au regard ahuri est ce que tous nous captons en premier une fois la silhouette extirpée de son petit cabinet. Baguettes en l’air, nous improvisant une danse de saint-guy digne de ce nom, elle s’exclame :

- MAIS QUI ÊTES VOUS TOUS ?! ET QUE FAITES VOUS DANS MA SALLE DE BAIN ? ET QUE SONT CES AFFICHES ET TORCHONS QUI TAPISSENT MES MURS ?! À L’AIDE ! GARDES, L’ON VEUT ME VOLER ! À L’AIDE !!!!

Et voilà comment, mesdames et messieurs, est-ce que si minablement j’ai trébuché dans la nuit, à l’opposé de m’y évanouir !

Lazarus & Phoebe

« Anything worth doing always starts as a bad idea. » Leigh Bardugo

Lorsque vous découvrez un nouveau monde, que faites-vous ? Vous tentez votre chance ou vous restez sagement chez vous ?
A dire vrai, j'ai toujours méprisé la race humaine pour son besoin de conquête. L'humain a détruit chaque centimètre carré de cette planète, les rarissimes endroits ayant échappé à son emprise finissent par être découverts et révélés au grand jour. Et, incapable de se contenter d'avoir foutu en l'air l'entièreté de sa planète, l'être humain s'est lancé dans la conquête de l'espace. Parce que l'humain a toujours eu cette croyance qu'il valait mille fois mieux que Mère Nature, qu'il était le seul organisme vivant dans la galaxie et que la Terre ne lui suffisait pas.
Alors, est-ce que je vaux mieux en m'introduisant à mon tour dans un monde inconnu, auquel je n'aurais probablement jamais dû avoir accès ? Probablement pas.
Sauf si l'on considère qu'Elvendyr est le monde auquel j'aurais dû appartenir, compte tenu des découvertes d'il y a trois semaines.
Alors me voilà. Paumée, en plein milieu de... de... d'une ville. A dos d'une espèce de cheval ailé à queue de dragon. Oui oui, un cheval dragon ailé, vous avez bien lu. Comment j'en suis arrivée là ? Longue histoire.
Après avoir traversé le portail, j'ai commencé à explorer. On ne peut pas dire que je garde le meilleur des souvenirs de ma première fois à Elvendyr - je me serais tout particulièrement passée de la Ursula de service devant laquelle Salem fait des yeux de cocker. Il n'est très clairement qu'un pantin dont elle manipule les ficelles, ce qui est franchement à vomir. Comme quoi la carrure d'un mec, ça ne fait pas tout, au final celle qui porte les couilles, ça reste la femme -, mais une partie de moi appartient à ce monde. Est-ce que cela fait sens ? Je peux sentir mon pouvoir s'affirmer, comme si ce monde le rendait plus réel. C'est un peu effrayant. Un peu comme lorsque j'ai découvert mes pouvoirs, j'ai du mal à le contrôler. A tel point que le bout de mes doigts est recouvert de givre.
J'avais oublié un petit détail crucial en m'engageant seule dans cette expédition : Google Maps ne fonctionne pas ici. Mon téléphone non plus du reste, ce n'est pas comme si les compagnies de télécom proposaient une option Elvendyr dans leurs forfaits.
J'ai donc commencé par me perdre dans les rues, en déambulant sans trop savoir où aller, quoi voir ou quoi faire. Et encore moins comment revenir sur mes pas. Pour couronner le tout, je ne passais même pas inaperçue. De toute évidence, débardeur jean et baskets ( ma seule bonne initiative de la journée d'ailleurs ) ne sont pas des vêtements un tant soit peu courant par ici. La couleur noire ne semble pas non plus être leur couleur de prédilection. Et bien sûr, petite cerise sur le gâteau : la monnaie n'est pas la même. J'ai fini par prendre sur moi et sur mon égo, et j'ai demandé le chemin vers le portail. On m'a fermé la porte au nez, affirmé ne pas savoir de quoi je parlais, annoncé qu'il était interdit de passer d'un royaume à l'autre, dit que j'étais une comique... rien de bien concluant en somme. Mis à part une folle envie de casser la gueule à quelqu'un, n'importe qui du moment que mes poings puissent servir. Au lieu de ça, j'ai fini par faire les petites rues, les ruelles. Je vais vous dire : on est définitivement pas sur Terre. Vous n'imaginez pas à quel point il est galère de trouver un ange véreux dans ce que j'ai appris être l'Ether Kingdom. Oui, j'ai bien dit un ange. Oui, moi aussi j'ai l'impression d'être sous drogue dure. Je peux accepter que je ne suis pas une super humaine unique dans son genre. J'ai fini par avaler que les loup-garous existent, j'ai même découvert récemment que leurs grands ennemis de toujours, les vampires, existent aussi. Je veux dire... si on fini par accepter l'un, l'autre coule limite de source alors... pourquoi pas. J'ai découvert que des bestioles inter-espèces type thon/félin existaient. Alors pourquoi pas des anges ? J'ai regardé Supernatural, j'ai toujours trouvé Castiel craquant. I can deal with that. Je présume que cela signifie que les démons existent aussi. Et eux, ils m'intéressent beaucoup plus ! Le genre auréole et lumière, c'est pas trop mon truc. Bref... après avoir passé une journée pour le moins éreintante, à pied et sans manger, c'est avec une humeur exécrable que j'ai fini par dégoter un ange pas très angélique qui a accepté de me faire passer la frontière en échange d'un service, qu'il pourrait venir me demander n'importe quand.
Le hic ? Il ne m'a ni ramenée au portail, ni carrément ramenée sur Terre, bien qu'il ait parfaitement comprit que je n'étais pas d'ici. Il m'a effectivement fait passer une frontière cependant : l'Obsidian Kingdom. Terre des personnes ayant un don pour tout ce qui touche, de près ou de loin, au feu. Quarante-cinq degré à l'ombre, trente-trois en pleine nuit, tellement sec que je pouvais pratiquement sentir l'air ambiant m'aspirer l'eau de mon corps et de mon pouvoir, un paysage pas franchement agréable ou même accueillant.
Son service, il peut se l'enfoncer dans le cul jusqu'aux omoplates.
Je ne saurais trop vous dire ce qui est arrivé en premier, du sommeil ou du malaise. Tout ce que je sais, c'est que je n'ai jamais bien supporté la chaleur. Vingt-cinq degré est déjà une température trop haute pour moi, à moins d'avoir plus de vent que de chaleur. Les températures du royaume du feu ne s'accordent donc clairement pas avec ma capacité adaptative.
Je me suis réveillée parce que j'étouffais sous les rayons d'un soleil brûlant. Je n'ai pas encore eu l'occasion de me voir dans un miroir, mais je suis prête à parier que j'ai un coup de soleil magistral sur tout le côté gauche de mon visage.
Je me suis traînée tant bien que mal à travers les rues de la ville dans laquelle ce maudit « ange » m'avait lâchée, avec la sensation cuisante ( sans mauvais jeu de mots ) que j'allais crever. J'ai fini par entrer dans un bar appelé le Midnight Sun, où j'ai commandé bouteille d'eau sur bouteille d'eau. Et au cas où vous vous poseriez la question : je suis partie sans payer. Voilà également comment j'ai dérobé ce magnifique cheval dragon, qui avait été attaché à l'extérieur du bar. L'avantage de vivre dans les années 90.
A la fin de ma deuxième journée dans ce monde épouvantable, je n'avais toujours pas mangé ( laissez moi tout de suite casser vos illusions alarmistes, le jeûne est à vrai dire excellent pour le corps humain, bien qu'il ne soit pas supposé se pratiquer n'importe comment. D'ailleurs, la meilleure façon de se remettre d'une maladie ou de détoxifier son organisme est de jeûner ), j'avais écopé de trois coups de soleil supplémentaires et j'étais toujours coincée sur ce territoire infernal. Aucune idée de comment rentrer chez moi. Aucune idée de par où aller. Et en plus, on était dimanche ! C'est toujours des jours de merde, les dimanches.
Est-ce que vous pensez que j'ai pu dormir cette nuit là ( la nuit dernière, en fait ) ? AHAHAHAHAHAHAH.
Non.
Pourquoi ? Oh, bah simplement parce que je suis passée à deux poils de kangourou de me faire bouffer par des vampires, et Eyal avec.
Oui, Eyal. Le cheval. Dragon. Ailé. Suivez un petit peu. Référence : Eyal Lavin, Covert Affairs.
D'ailleurs, ce sont ses ailes qui nous ont sauvé la vie à tous les deux, parce que mes pouvoirs dans l'Obsidian Kingdom s'avèrent être pour le moins... diminués. J'arrive à peine à produire de la glace, la chaleur altérant beaucoup trop mon organisme. Encore plus impossible de maintenir la glace... et bien, glacée, justement.
Nous voici donc, Eyal et moi, en plein milieu d'une nouvelle ville au climat bien plus agréable pour moi, après un bon 14 heures de vol sans pause. Adieu chaleur étouffante, adieu sécheresse infernale, bonjour le vent et l'humidité ! Après avoir rattrapé notre nuit en plein jour tous les deux, nous voilà à déambuler dans les ténèbres sous le regard tantôt médusé tantôt dégoûté des passants, visiblement peu habitué à voir un cheval dragon déambuler par chez eux. Il faut reconnaître que leurs chevaux à eux sont bien différents. Je me demande si Eyal sait cracher des flammes...
-À L’AIDE ! GARDES, L’ON VEUT ME VOLER ! À L’AIDE !!!!
Gardes ? Oysh, ça sent pas bon pour nous ça... si les gardes rappliquent, Eyal et moi on est bon pour être arrêtés. A tous les coups, on sera les premiers sur la liste des suspects : on fait tâche, chacun à notre façon. Sur ces entrefaites déboula un type, grand, barbu, à la carrure imposante, un bonnet enfoncé sur la tête et un long manteau bleu nuit sur le dos. Sortant visiblement de la maison de la meshuggah* en train de crier au vol et à l'aide comme elle aurait crié au meurtre. Eyal se cabra suite à une tentative semi-désastreuse de ma part de l'empêcher de piétiner l'inconnu, et je ne parvins à le calmer rapidement qu'en maîtrisant son rythme cardiaque à grand renfort de glace : en partant du principe que le corps d'un cheval terrien ( donc, potentiellement, elvendyrien ? ) était également composé d'eau, une main sur l'encolure du cheval et un peu de concentration suffit à faire s'insinuer un froid pas trop agressif pour ralentir le rythme cardiaque. Eyal ne s'est ni sauvé ni n'est tombé raide mort, on va donc considérer ça comme une victoire.
Sans perdre plus de temps, je descendis de son dos, gardant la longe dans une main et attrapait le type qu'on avait failli écrabouiller par la manche.
-Venez avec moi, faut qu'on se tire de là. MAINTENANT !
Mec, j'ai eu trois jours de MERDE comme t'as pas idée, alors pitié fais pas chier.

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* folle en yiddish

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Hasta la vista, les moches ! Le moment est venu pour nous tous de se séparer et de reprendre nos voies respectives. Je sais que je vais vous manquer, mais ce petit chacun pour soi sur le tas improvisé va nous sortir des beaux draps et nous empêcher de se faire trucider par la donzelle pas contente. J’suis trop homo pour finir en prison et j’suis trop maladroite pour bien savoir tenir ma barre de savon lorsque viens le temps de se toucher sous la douche. Conclusion ? C’est d’une main de gorgone pâlichonne, que j’attrape à la volée l’encolure de Jeunet qui passant par là me bloquait le passage, tirant comme un manant sur ma prise, pour sans vergogne aucune le balancer derrière moi et tout droit filer vers ma liberté désespérément promise ! À l’écho d’un petit rongeur qui vient de se faire pincer par les quenottes de son prédateur, les cris de Jeunet au loin résonnent dans la nuit et le seul réconfort que j’y retrouve est de me dire que j’ai passé à un poil de corail de finir en étoile de mer ! Tout petit groupe clandestin et maléfique doit un jour se dissoudre et abandonner quelques hommes sur le terrain. Pour ma cause, cette demi portion de nain de jardin est offrande suffisante pour le bon côté de la chose ! Sacrebleu, les preux, j’suis empreinte d’une telle sagesse de tigresse, cette nuit ! Faut croire que l’Amour avec un grand pourtour donne véritablement des ailes d’hirondelle et peut véritablement vous éloigner des fumets de poubelles !

J’suis rentré dans les chiottes de cette femme avec l’âme d’un môme boutonneux et j’en suis ressorti avec le cœur aussi grand que la saucisse italienne d’un homme ! C’est bien encastré dans ce grosso merdouille bien périlleux, qu’à l’effigie d’un moustique qui fatalement explose et s’écrase sur le dash de quelqu’un, que je m’extirpe du danger imminent et de vives enjambées accoure sur le pavé. Chevelure soyeuse au vent, barbichette émoustillée par l’échappatoire, mes grands yeux bigleux ne peuvent être plus heureux, les preux frauduleux ! C’est en réfléchissant à mon prochain petit plan machiavélique pour demander la main de fée de Kiki, que l’impensable et l’inimaginable, fait de chairs et de gosses, se produit !

- HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !!!!!!!!!!!

Arborant la dégaine d’un raton-laveur qui de plein fouet se fait happer par les phares d’une voiture au beau milieu de la chaussée, je me ratatine et tétanise nette sur place, à la merci des énormes guiboles ferrées qui dangereusement s’apprêtent à me retomber dessus. Liquéfié d’horreur, mon réflexe de survie est d’apposer ma main orpheline sur mon illustre bonnet de laine, voyant défiler sous mes mirettes épileptiques ; tous les moments heureux et prospères que nous avons connus ce valeureux bout de tissu et moi !  Et lorsque les images en flash commencent à divaguer sur une histoire de mouette et ciboulette, je comprends que je ne suis pas mort piétiné par les sabots de l’étalon reptilien, mais toujours bien indemne et choupinette sur mes deux cannes aussi mollassonnes que ma paire de baloches en ce moment en mon froc ! Même pas le temps de constater que je me suis chié dessus, qu’une main aux phalanges gelées s’accroche à la manche de ma veste et qu’une voix appartenant fort probablement à ladite main aux phalanges gelées s’adresse à ma flamboyante personnalité !

Hors d’haleine et de bedaine, l’urgence de la situation me revient sous le pif ; ma fuite, Jeunet qui hurle avant de se faire chopper par la miss et les sabots de la créature obsidienne qui fort probablement maintenant doivent se foutre de ma gueule. Pressé de ne pas finir replié comme une vieille chaussette pas lavée depuis le temps des couches, c’est en chouinnant un :

- Saperlipopette de jarretelle,  mais cette monture tout feu tout flamme appartient au territoire du Feu !

Que ma fulminante constatation claque raide morte sur la barrière de mes lippes, m’échouant littéralement à plat ventre sur le dos de la créature, les longues guiboles ballotant piteusement dans le vide et cherchant de quoi me cramponner avant de finir comme une belle bouse sur le pavé… parce que c’est trop haut pour moi et que je peine à monter sur la monture !

- Attrapes moi la paluche, ma sauveuse et sauves nous ! Et nom d’une étoile de mer, t’as l’air d’avoir passé un sale mauvais quart d’heure en les déserts cuisants du royaume flambant ! Tout ce rouge qui te mord la couenne me fait penser à cette histoire de pingouin qui s’est pris un coup de soleil !

Lazarus & Phoebe

« Anything worth doing always starts as a bad idea. » Leigh Bardugo

On va s'aventurer à dire que ce monde joue en notre faveur : ils n'ont pas encore inventé l'électricité. La majorité des sources de lumières émanent des bougies ou des lampes à huile des habitations, quand les habitants n'ont pas encore fermé leurs volets. Se fondre dans les ténèbres devient ainsi une expérience bien moins complexe qu'elle ne l'aurait été sur Terre. En revanche, sur Elvendyr comme sur Terre, une chose reste immuable : le besoin des gens à mettre leur nez partout.
-Saperlipopette de jarretelle, mais cette monture tout feu tout flamme appartient au territoire du Feu !
Ouais, ouais, bravo Sherlock. Il n'y aura que deux discours possibles : ceux qui auront vu une étrangère sur un cheval de l'Obsidian aider le voleur à se sauver et ceux qui auront vu une étrangère sur un cheval de l'Obsidian sortir de chez sa malheureuse victime et se sauver. Les premiers finiront par donner raison aux seconds, quant à ceux ayant manqué le spectacle, ils se targueront d'avoir assisté toute la scène. La victime elle-même assurera que c'est moi qu'elle a surprise chez elle. Qui sait, je lui aurai même volé de l'argent, sa collection de porcelaine ou la broche de sa grand-mère.
Et pour l'amour de Satan, qu'est-ce qu'il est en train de foutre avec Eyal, le l'Oréal Paris de pacotilles ?!
-Attrapes moi la paluche, ma sauveuse et sauves nous ! Et nom d’une étoile de mer, t’as l’air d’avoir passé un sale mauvais quart d’heure en les déserts cuisants du royaume flambant ! Tout ce rouge qui te mord la couenne me fait penser à cette histoire de pingouin qui s’est pris un coup de soleil !
...Bon. C'est au moins rassurant de voir qu'il ne sache pas monter sur un cheval scellé, il aura un peu de mal à s'enfuir avec Eyal en me laissant derrière si l'idée lui en prend.
-On va plutôt continuer à pied. Ça attirera moins l'attention et ça permettra à Eyal de se reposer.
A peine venais-je de commencer à élaborer une stratégie qu'une série de crie pour le moins antipathique se déchaîna derrière nous.
-ILS SONT LA !
-Ne les laissez pas s'échapper !
Putain de bordel de merde.
-Okay, à cheval !
D'un mouvement du poignet, je créais un mini escalier de glace nous permettant de monter plus facilement. Voyant l'Oréal prêt à gripper avant moi, je le retins par le col de son manteau et passais avant lui. Ce n'est pas parce qu'il n'est pas fichu de monter sur un cheval scellé sans aide qu'il n'est pas foutu de me doubler et de sauver son cul en priorité.
-Je te préviens que si tu me dis que tu n'arrives pas à monter parce que les escaliers sont trop glissant, je te congèle sur place. Grouille toi !
A peine l'Oréal eut posé le cul derrière moi que j'intimais à Eyal de partir au galop. Je fuyais depuis hier, et je peux vous dire que je déteste ça. Il est dans ma nature de rester et d'affronter, pas de courir comme une demoiselle en détresse craignant pour sa vie. Je décidais donc de ralentir quelques rues plus loin, déterminée à ne pas laisser ce monde me changer en ce que je ne suis pas. Fuir c'est lâche. Je ne suis pas lâche.
-Qu'est-ce qui est arrivé au pingouin ?

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À pieds ?!
Laissez-moi réitérer la question, les preux fougueux, parce que la première fois, ça n’exprimait pas assez d’intensité et de stupeur : ELLE VEUT CONTINUER À PIEDS ?! Ah, maintenant, l’effet dramatique est beaucoup mieux. On sent la tragédie et toute la détresse dans le fond de ma petite voix intérieure. Pour un peu, je la sens se recroqueviller en position fœtale, en se tétant le pouce, rêvant de retourner d’où elle vient et d’aller finir ses bons vieux jours dans l’utérus de sa mère.  Kewa ? Comment ? On parle toujours de petite voix intérieure, ici, là, maintenant, tout de suite ?  Si. Si. Je vous l’assure de source dure et pure ! Moi, même pas peur. Moi, homme. Moi, courageux. Moi, barbe. Moi, bonnet. Moi… vouloir monter sur le dos de cette bestiole obsidienne et se carapater fort foooooorrrttt lointain d’ici ! Je connais pas la vieille biquette pas contente, mais ses chiens de garde n’ont pas l’air de faire dans la soie et tourterelle. J’irais même jusqu’à insinuer qu’ils sont plutôt du genre boucher de macadam, qu’un simple éternuement de leur part serait passible de nous dépecer la couenne raide là. OUI ! les Sneezy torrentiels et lucifériens existent ! Parlez-en aux 7 bains de Blanche Beige !

-ILS SONT LA !
Même pas faux ! J’suis pas là !
-Ne les laissez pas s'échapper !
Regardez moi pourtant ce joli petit cul bien loin détaler !

Avant même que ma brave gaillarde de chevalière n’abdique, moi, je volteface vers la fuite, esquissant un début de pas de course aussi torrentiel que les sneezy torrentueux des bouchers de macadams qui nous traquent ! Sauf qu’il y a un petit détail tout riquiqui que je n’ai pas envisagé dans ce début de pas de course ; c’est qu’au moment où ma plante de pied s’apprête à quitter la voie des airs pour retoucher la terre ferme, un escalier de glace (????) apparaît et il congèle dans son ascension de givre et de nacre mon fameux pas de course et jusqu’au niveau de la cheville qui plus est ! Même pas le temps de beugler un paniqué « Papouasie-Nouvelle-Guinée », que je pique du nez et viens pour m’affaler tronche la première sur la dernière marche de glace. Sauf qu’une prise de gongonne m’agrippe sans aucun ménagement par l’arrière de mon col, m’invite à reproduire cette chorégraphie de chute, mais à l’envers et candide je crois qu’elle veut juste m’éviter de me casser la figure alors heureux et aux anges je lui couine un fabuleux :

- Ooohhh, merc----

Jamais seulement ce « I » reconnaissant ne franchira le seuil de mes lippes, car comme une grosse merde et sur le séant je me rétame sur le pavé ! Horreur ! Sacrilège ! Mon pied n’a pas suivit la dégringolade et est toujours bien figé dans sa prison de glace !!!!!! Cette saleté de pouvoir s’est enclenché et je l’ai même pas senti venir… ou partir ! Ça dépend de comment que l’on veut regarder l’Affaire ! Neeeeeeeeooonnn, Silvestre, ce peton fort précieux et compatriote de moult fuites !!!! Reviens ! Reste ! Dégèle ! À l’image de la sainte vierge éplorée, je rampe au chevet de cette douloureuse perte fossilisé dans la glace, essayant de la récupérer en l’agrippant par la cheville, mais tel un manche à balai dans le fion d’un prude, celui-ci reste coincé dans le givre de cet escalier de malheur !  NNEEEEEOOONNN, SILVESTRE !!!!!!!!

Sur ma nuque vibrent les hurlements nos assaillants.
Sur ma caboche rebondit la voix de ma sauveuse congeleuse de peton.
Désespéré de ne pas finir en méchoui ou dépecée par le souffle luciférien d’un éternuement de boucher de macadam, je n’ai d’autre choix que de déclarer forfait et d’abandonner cette illustre partie de moi sur le terrain. Tristesse. Malheur ! Papa est désolé, Silvestre ! Papa jure de revenir te chercher ! À cloche pied et parfois à 4 pattes, je parviens à gravir cette escalier de malheur. Monté sur la monture, tout fort et bien serrés mes bras s’enroulent autour de la taille de ma sauveuse congeleuse de peton. En deuil, je viens plaqué ma joue de père indigne au creux de ses omoplates alors que je déblatère, le trémolo bien là dans les cordes vocales :

- Le pingouin -snif- s’est couché -snif-snif- sur une banquise et a attrapé -snif-snif-snif- un coup de soleil !

Re snif ! La goutte au nez, j’ose me l’essuyer sur le dos de ma sauveuse de congeleuse de peton alors que larmoyant je m’exclame avec calamité :

- Silvestre ! Pourquuuuuuooooiiiiiiiiiii !!!!!!!!?????

Dans les cieux, à dos de monture reptilien, c’est très épique et dramatique !

- Il était tout pour moi ! Absolument tout ! On doit aller le récupérer ! Il ne peut pas mourir comme ça ! Fais demi-tour, vite !

Que j’implore, la secouant comme un vulgaire prunier alors que toujours bien je m’étreins à elle.

Lazarus & Phoebe

« Anything worth doing always starts as a bad idea. » Leigh Bardugo

Complètement arrêtés quelques rues plus loin, je créais un nouvel escalier de glace pour le damoiseau en détresse ( et dont je ne peux prétendre apprécier son côté collant - il avait le visage collé à mon dos sur nos trois minutes de trajet à peine ). Damoiseau qui ne bougea cependant pas, restant collé à moi comme de la glue sur une feuille de papier. Oysh, horreur, enfer et damnation...
-Le pingouin -snif- s’est couchée -snif-snif- sur une banquise et a attrapé -snif-snif-snif- un coup de soleil !
Naaaan. Nan, vous vous foutez de moi là, pas vrai ? Me dites pas qu'il est en train de pleurer ?! J'ai quand même pas écopé de l'échappé de l'asile ? ... JE RÊVE OU IL VIENT D'ESSUYER SON NEZ SUR MOI LE PETIT ENFOIRÉ ?
-Silvestre ! Pourquuuuuuooooiiiiiiiiiii !!!!!!!!?????
...J'ai bel et bien écopé de l'échappé de l'asile. Ma vie pourrait définitivement être une foutue série télévisée dramaticomique. Tout bien considéré, j'apprécierais presque - presque - ce petit côté théâtral. Je l'apprécierais d'autant mieux s'il ne venait pas de me prendre pour un mouchoir et s'il se produisait sur scène, plutôt que les bras serrés autour de moi, à pleurer pour... pourquoi il pleure d'ailleurs ?
Partagée entre l'envie de lui foutre un pain et celle de simplement l'éjecter du dos d'Eyal ( avec un peu de chance il se cassera quelque chose au passage ), je lançais :
-D'accord, c'est qui Silvestre ? Non, laisse moi deviner : ton chat ?
Toujours mieux que Grosminet, vous me direz...
-Il était tout pour moi ! Absolument tout ! sanglota l'Oréal en me secouant comme un prunier. On doit aller le récupérer ! Il ne peut pas mourir comme ça ! Fais demi-tour, vite !
Vous vous souvenez comment j'ai calmé Eyal tout à l'heure ? Les mains sur l'encolure, insinuant un froid pas trop agressif mais suffisant pour ralentir le rythme cardiaque ?
Je n'eus absolument pas la même délicatesse envers Damoiseau l'Oréal de la Sainte Folie. Posant mes mains sur ses cuisses, j'insinuais en lui un froid beaucoup plus sec et... well, glacial. Processus légèrement plus long vu que je partais des jambes. Beaucoup plus risqué, vu que je ne maîtrisais pas davantage que pour Eyal. Et probablement beaucoup plus dangereux, pour toutes les raisons citées ci-dessus.
Me libérant totalement de ses bras, je lui envoyais un coup de coude dans l'estomac, passait mon bras gauche par dessus mon épaule droite pour l'empoigner et le faire tomber par terre sans ménagement, avant de descendre tranquillement du dos de mon fidèle compagnon ailé.
-Écoute moi bien, espèce de l'Oréal Paris de bas étages, je ne suis ni ton mouchoir personnel, ni ton défouloir. La petite performance façon telenovela ça va aller deux secondes. Si tu veux jouer la veuve éplorée, y'a des castings, passe des auditions !
C'est avec des types comme lui que le mot diva est devenu péjoratif !
Je remarquais alors quelque chose de pour le moins peu commun. Il lui manquait une main... et un pied ?
-Attends... tout à l'heure tu courais sans problème, pas vrai ? Et tu marchais sans problème. Quand tu as essayé de monter Eyal, tu avais tes deux pieds en l'air... J'ai pas rêvé, t'avais bien tes deux pieds ?
Me dites pas que c'est son pied le fameux Silvestre ?
...Oui bon, d'accord, j'ai bien ma cafetière qui s'appelle Lorelaï, mais je vois pas le rapport !
And for Lucifer's sake, comment il a pu perdre son pied en littéralement trois minutes ?!

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C’est une catastrophe et apostrophe. Que dis-je, les preux amoureux !? C’est une véritable tragédie italienne et bedaine ! Je ne peux pas perdre Silvestre. Je ne peux tout simplement pas le perdre. Saleté de pouvoir à noix de coco ! Je le déteste et le méprise comme Élise ! Cette duchesse de bas étage qui m’a un jour ligoté comme un vulgaire saucisson au-dessus d’un volcan en pleine éruption ! Tout ça pour une histoire de môme piqué et troqué au marché noir du coin ! Pffff ! S’était un mal entendu et elle n’a jamais voulu entendre ma version des faits. La teigne ! Elle ne perd rien pour attendre, dans le détour, mes yeux globuleux et moi serons là de chairs et d’œuf ! Et tel un morpion qui ne veut pas lâcher son bout de carne, je me cramponne à ma sauveuse congeleuse de peton comme s’il n’y avait pas de lendemain et comme si…

CLAC !
Deux mains se plaquent sans aucune vergogne sur mes cuisses et saucisses.
Fouafch !
Grandes s’ouvrent alors mes paupières et fougères.
GRgrgrgergerggergegegreer !
Est cette sensation polaire qui me chatouille les rotules, pellicules et pédoncules ! La génialissime matière grise pétrifiée comme si je venais tout juste d’avaler à moi toute seule un baril de glace à la pistache et postiche, je ne peux piper mot ou voire même tiquer le moindre cil. C’est douloureux et j’aime presque ça. C’est glaçant et j’adore ça ! C’est saisissant et j’en couine presque de plaisir ! Cette miss freeze a vraiment des carottes glacières à la place des doigts et n’en rougie pas de gêne pour s’en servir à tout vent polaire !  Ce que d’ordinaire j’encouragerai comme la plus dévouée des groupies, mais pour l’heure, je souffre de membres détachables et qu’est-ce qui se produit lorsqu’on ose entreposer sa poupée barbie dans le congélateur ? Vous voulez le savoir les preux ? BAH ELLE PÈTE DE PART EN PART ! De part en part elle se démembre, cette fioutue poupée barbie ! J’sais ce que vous vous dites. Vous pensez en toute innocence de cause, que c’est pas le genre de mal chance qui pourrait risquer de m’arriver et que j’suis du genre trop fabuleuse pour faucher une destinée aussi cruelle et sordide ! Bah, vous voulez savoir un truc, les preux ? Vous vous fourrez le doigt dans l’œil et jusqu’au coude qui plus est ! Parce que lorsque la main vilaine et glaceuse m’empoigne une fois de plus… pour UNE FOIS DE PLUS me faire mordre à la pelle la poussière et me balancer hors de sa monture, c’est avec la fragilité d’une porcelaine que je viens m’écrouler parterre et m’éparpiller un peu partout.

Comme un petit pois, ma tête roule sur le sol.
Au niveau de l’aine, mes guiboles me passent le bonjour.
Du tronc, mes bras se carapatent.
Vous vous souvenez de la légende de Jack et le Haricot magique ? Ce moment où le géant est vaincu par les minis villageois qui le rétament parterre et le ligotent à leur merci ? Liens en moins ; BAH à la merci de mademoiselle l’iceberg, je suis vaincu et écartelé. J’veux me relever pour lui parler, à la miss, mais peux pas, puisque pas de bras, pas de tête, pas de jambes et qu’homme tronc !

- J’avais bien deux pieds et là je n’ai plus rien du tout ! Arrêtes avec la glace, tu vois pas que j’en perds la face !?

Et mon pauvre Silvestre qui ne repose surtout pas en paix loin là-bas ! Comment je vais pouvoir aller le sauver, dans ce désastreux état !?

- T’es pas la seule à avoir des pouvoirs extraordinaires ! Ma guigne, à moi, c’est les membres qui se déboîtent à tout vent ! Non mais regarde moi tout ça ! C’est à penser que j’ai posé pied sur une mine et que j’ai éclaté comme un pop-corn dans un four à micro onde !

Tête orpheline des siens, j’essaie de la regarder dans le blanc des yeux, mais c’est complexe de chez Fedex lorsqu’on n’a pas de cervicales ou de nuque pour le faire. Alors mes globuleuses ne peuvent que jouer les girouettes dans le orbites et avoir une vue pittoresque du firmament.

- Saperlipopette et salopette ! Nom d’un gras homme ! J’arrive même pas à me rafistoler toute seule. Mes jambes sont carrément en éta d'hypothermie ! Tu peux m’aider, diiis ? Siouplait !!! Siouuuuplllaiiiiiittt ! Pleaseeeuhhh !!!! Tu vas voir, c’est presque aussi amusant que jouer avec des lego !

Lazarus & Phoebe

« Anything worth doing always starts as a bad idea. » Leigh Bardugo

Comment il a pu perdre son pied en l'espace de trois minutes ? Bah ma pauvre Parker, t'as la réponse sous les yeux en fait. Non c'est vrai, c'est pas comme si l'Oréal était totalement désarticulé devant toi, la tête à trois mètres du reste du corps, le nez en plein dans la terre boueuse qui leur fait office de route. Ou que ses bras et même sa seule main se soient littéralement détachés les uns des autres. Ah, bonne nouvelle, il a pas encore perdu ses doigts !
...Ah si, y'a le pouce de la main gauche qui s'est fait la malle.
Et bah heureusement qu'il a encore ses chaussures... enfin sa chaussure, il aurait été fichu de perdre ses orteils. Quoi que rien n'assure que le tout ne se soit pas démantelé à l'intérieur comme un puzzle qui serait tombé par terre. Et je compte pas spécialement aller vérifier.
Ce gars s'est... pouf. Démembré entièrement. Je ne sais pas ce qui est le pire, ça ou le fait que ça ne m'ait sauté aux yeux qu'une bonne minute après avoir remarqué son pied manquant. Penchant la tête sur le côté, je m'approchais avec une fascination morbide. Entièrement démembré, mais pas d'effusion de sang autour du corps. La peau semble nette. Lisse. Comme s'il n'y avait jamais eu de membre attaché à ces endroits. Il est encore vivant ?
-J’avais bien deux pieds et là je n’ai plus rien du tout ! Arrêtes avec la glace, tu vois pas que j’en perds la face !?
Est-ce que j'ai sursauté ? Oui.
Est-ce que je vais l'admettre ? Jamais.
Il est encore vivant ! Il est complètement explosé, il a même un pouce qui s'est fait la malle, il a la tête à trois putain de mètres de son corps et il est toujours en vie ! Est-ce que vous vous rendez compte ? Un humain increvable. Quelle horreur !
-T’es pas la seule à avoir des pouvoirs extraordinaires ! reprit-il comme s'il avait lu mes pensées. Ma guigne, à moi, c’est les membres qui se déboîtent à tout vent ! Non mais regarde moi tout ça ! C’est à penser que j’ai posé pied sur une mine et que j’ai éclaté comme un pop-corn dans un four à micro onde !
Je ne pu m'empêcher de rire. Un rire incontrôlable, presque nerveux. S'il le décide, le mec peut tout bonnement se déboîter sous votre nez, laissant s'empiler les différentes parties de son corps, et pourra s'amuser à faire BOUH ! juste pour le plaisir de vous voir faire dans votre froc. C'est à la fois génial et effrayant. Il ferait un malheur à Halloween.
Par contre... pas très malin de me laisser connaître son point faible. C'est pourtant la règle de base : ne jamais laisser quiconque connaître vos faiblesses sous peine qu'il les retourne contre vous !
-Saperlipopette et salopette ! Nom d’un gras homme ! J’arrive même pas à me rafistoler toute seule. Il a bien dit toute seule ?  Mes jambes sont carrément en état d'hypothermie ! Tu peux m’aider, diiis ? Siouplait !!! Siouuuuplllaiiiiiittt ! Pleaseeeuhhh !!!! Tu vas voir, c’est presque aussi amusant que jouer avec des lego !
-T'arrives encore à sentir tes jambes ? Même celle qui est resté de l'autre côté d'Eyal ?
Vous en avez encore beaucoup en stock des pouvoirs du même type ?
-Alors ça marche comment ? Je prend un bras, je le colle contre ton torse et il se rafistole tout seul ? demandais-je en attrapant son bras droit.
J'avais encore jamais manipulé un corps démembré. Ça fait bizarre. Oh, je me doutais que ça arriverait un jour. Mais... pas comme ça. Gardant son bras dans une main, j'allais attraper sa tête par son bonnet... bonnet qui eut la bonne idée de me rester entre les mains, laissant sa tête retomber à nouveau, sur le sol. Tentative numéro deux, par les cheveux cette fois. Me dites pas que ses cheveux vont se détacher aussi de son crâne, ou que son nez et ses oreilles vont se faire la malle ou je renonce !
-Je devrais peut-être te préciser que je suis parfaitement incapable de décongeler ce que j'ai congelé. Si la glace est ta faiblesse et que tu es toujours en hypothermie, tu es certain de réussir à te... reconstituer ?
They're creepy and they're kooky
Mysterious and spooky
They're all together ooky
The Addams family... !

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Endimanché de la sorte, les preux, on va pas dire que je sois d’une quelconque éloquence et outrance. Par chance, mes lippes n’ont pas décidées de se carapater aussi alors je peux toujours bénéficier de celles-ci pour communiquer et parler ! Ce qui aurait été franchement barbant et belette si cela n’avait pas été le cas. Je peux toujours jacasser et j’ai toujours à portée de paluche--- nah, paluche trop loin alors oubliez—j’ai toujours à portée de pif le contenu épileptique, flashy et psychotrope de ma fabuleuse matière grise entre mes deux biscuits ! Oui, absolument, les preux, j’suis du style à voir le verre à moitié plein et toujours trouver mon bonheur nulle part et partout ! Si, siiii, j’vous assure ; il traînait, un jour, c’bonheur, dans la craque de votre canapé ! Diantre, mais qu’est-ce que je faisais là-bas, chez-vous ? Rooohh, pour le bien de vos oreilles vierges et œil chaste, je vais m’abstenir de tout commentaire supplémentaire. Disons simplement que vous avez un dentifrice succulent et un champoing fort bien soyeux pour toute toison confondue ! Et pendant que je m’égare en le maze de mes pensées, pouvez bien me dire :

Pourquoi ?! POURQUOI ?! Il faut toujours ce petit air surpris, dégouté et halluciné, lorsque survient en arrivant l’époustouflante découverte de mes capacités et pouvoirs, HIN ?! J’suis pas la chose la plus inusitée et peu orthodoxe de tout c’bahut ! Prenons, non, j’ai plus de main, alors VOUS prenez le cas de cette meuf congeleuse de petons ! Elle fait de la glace avec ses mains, elle est déboulée dans cette partouze innommable, sur le dos d’une monture reptilienne et nous sommes paumés au cœur d’un royaume qui empeste le poisson et crustacé ! Et elle s’étonne que j’ai les membres qui déconnent et se déboîtent ?! À noter que ce gigantesque puzzle humain ne serait jamais arrivé, si elle avait eu la sagesse d’esprit de ne tout simplement pas vouloir me prendre pour son iceberg de service ! Non mais ! Tssss…..

- « Guili-guili ! » ou « Kaboom-kaboom ! » Je dispose d’un lien télépathique avec chacun de mes membres alors je ressens tout ! Hors le niveau de congélation, je suis même dans la mesure de les commander à distance et les rapiécer seul. Mais visiblement pas cette fois…

Oui, ceci me fait une très belle jambe. Si belle, la guibole, que je songe sérieusement à m’acheter une paire de collant ! Sait-on jamais les envies et besoins saugrenues qu’il risque de me traverser l’esprit, les preux ! Et que je ne la surprenne pas en train de se moquer de moi, parce que sinon comme un âne je me bidonnerai des ces vilains coups de soleil qui donnent à penser qu’elle est de parenté avec les homards du village voisin !

- C’est exactement pile poil, ceci et comme ça, madame ! Et plus révolutionnaire que de la super glue ; le membre en question adhère tout de suite et même pas besoin de le garder figé là dans le temps qu’il colle et ras-le-bol !

Bruit de bottine qui traîne dans la terre.
Froissement de tissu.
Une silhouette qui se prolonge et profile sur le sol tout près de moi.
J’rêve ou je viens d’entendre l’écho d’une petite flatulence ? La sauveuse congeleuse de peton m’aurait-elle largué un vent au-dessus du crâne ?
Snif ! Snif ! de circonstance et je reconnais là ma propre odeur nauséabonde.
Oops… mon transit intestinal a toujours tendance à devenir un redoutable roller coaster, lorsque je me déboîte. J’imagine que c’est le risque du métier, hiiinn, les preux ?!
Une main qui m’empoigne par le bonnet et me hisse enfin de cette caricature d’autruche démembrée qui se cachait la tête dans le sol. Sauf que le sens gravitationnel étant la seule chose rationnelle dans tout ce fioutu royaume, bah impuissant j’assiste à ma dégringolade et viens me casser la figue dans la terre fraiche.

- Oh, bravo ! Malin, vraiment très malin ! que je chouine, entre mes dents grinçantes telle une craie sur un tableau noir alors que comme une fleur je me sens nouveau prise mais cette fois-ci par les cheveux : Et tout simplement me prendre par les flancs de la figure, ça semble trop délicat et doux pour toi, peut-être ?

Mes globuleuses mirettes jouant un instant la navette entre elle et mon pauvre torse orphelin :

- Contente-toi de me rafistoler. Pour la décongélation, on verra après, ma pouliche ! Mon grand-père disait toujours ; il ne faut jamais mettre la brouette avant les œufs ! Et Rome ne s’est définitivement pas alambiquée en une seule nuitée, huuuuuummmmm !?

J'aurais aimé faire autre chose que de jouer le moulin à parole, mais j'suis comme qui dirait indisposé pour le moment alors on fait avec ce que nous avons, les preux !

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-C’est exactement pile poil, ceci et comme ça, madame ! Et plus révolutionnaire que de la super glue ; le membre en question adhère tout de suite et même pas besoin de le garder figé là dans le temps qu’il colle et ras-le-bol !
J'en étais donc là : une jambe dans une main, une tête dans l'autre, représentation parfaite de la psychopathe venant de commettre son crime. A la différence près qu'une tête découpée se tait en général.
Et, franchement. On dira ce que l'on voudra, mais je trouve que je prend la situation plutôt bien aux vues des circonstances ! C'est une chose d'accepter l'idée que, si on a soi-même des pouvoirs, d'autres peuvent en avoir aussi. C'est même une chose de comprendre que les pouvoirs sont monnaie courante dans un autre monde que la Terre, mais c'en est une autre de les voir en action. Je pourrais imaginer des pouvoirs basique : manipuler l'eau, créer du feu, déplacer les objets par la pensée, figer le temps, lire l'avenir ( ... on a tous regardé Charmed un jour, right ? ), créer une tornade, peut-être même être capable de faire se déplacer les racines d'un arbre ! Mais voir quelqu'un littéralement tomber en morceau, non, ça ne faisait absolument pas partie de ma liste mentale. Par ailleurs, je tiens à signaler que quelqu'un de plus sain d'esprit que moi se serait probablement sauvé en hurlant. Non, sincèrement, je trouve que je ne m'en sors pas si mal !
-Oh, bravo ! Malin, vraiment très malin ! Et tout simplement me prendre par les flancs de la figure, ça semble trop délicat et doux pour toi, peut-être ?
-Je te signale que j'ai tous les pouvoirs, continue de te plaindre et je te recolle comme bon me semble !
Je parle à une tête décapitée. Ce monde est subitement redevenu beaucoup plus intéressant...
-Contente-toi de me rafistoler. Pour la décongélation, on verra après, ma pouliche ! Mon grand-père disait toujours ; il ne faut jamais mettre la brouette avant les œufs ! Et Rome ne s’est définitivement pas alambiquée en une seule nuitée, huuuuuummmmm !?
Ne jamais mettre la brouette avant les oeufs... ils doivent avoir comme tradition familiale de bercer leurs bébés un peu trop près des murs, c'est la seule explication.
-ILS SONT LA !
-C'est elle qui a voulu cambrioler Zoya !
-Lazarus, espèce de petit merdeux, attend que je mette la main dessus !
Bon, on aura pas à aller les chercher. C'est déjà ça. Je remarquais également que l'un d'eux tenait le pied de l'Oréal, toujours congelé dans un bloc de glace. Ils avaient dû casser mon escalier improvisé pour n'en conserver que la partie qui les intéressait. Loin d'être inquiète, je m'amusais donc à reconstituer le corps tranquillement, exception faite d'une main déjà manquante et du pied perdu nouvellement retrouvé et qu'il faudrait parvenir à décongeler. Et j'ai comme la sensation qu'ils n'ont pas l'eau courante par ici. Et donc pas d'eau chaude à volonté.
-Messieurs, je vais avoir besoin de ce pied !
Ma requête me fut littéralement renvoyée à la tronche à grand coup de jet d'eau surnaturel. Fine by me.
Mains sur le sol, je commençais à former une patinoire qui était supposée rejoindre mes adversaires. Pendant qu'eux se casseraient hardiment la tronche sur la glace, incapable de se relever, je pourrais ainsi mieux prévoir leurs potentielles tentatives de contre-attaque et reprendre le pied. Ça, c'était le plan.
Le petit hic voyez vous, c'est que nous sommes à Elvendyr ici. Et ici, les pouvoirs sont monnaie courante. Si bien qu'une seconde plus tard, je me retrouvais mains dans le dos aux prises de plusieurs gardes qui étaient « magiquement » apparu derrière moi. Je me retrouvais même debout, à quelques pas de là où j'avais commencé à créer mon chemin de glace. Lazarus ne fut pas davantage épargné. Vous vous souvenez tout à l'heure, quand je vous parlais de Charmed et de figer le temps ? ... Bingo.
-Garde du royaume Lazuli, je vous arrête pour vol, dégradation de la voie publique et agression.
-Laissez moi deviner, j'ai le droit de garder le silence et...
-La ferme ! beugla le garde qui venait de me passer des menottes aux poignets. Histoire d'en rajouter, il envoya son genou dans ma colonne vertébrale tandis que mes jambes me lâchaient sous la douleur.
Comme quoi qu'importe le monde, certaines choses ne changent pas...
J'aurais adoré avoir la capacité de Dylan dans Charlie's Angels de parvenir, d'un simple saut, à ramener mes bras initialement coincés dans mon dos devant moi. Cela étant... je n'ai ni la souplesse ni l'entraînement nécessaire pour m'essayer à l'exercice. Dommage. C'eût été classe.
Au lieu de quoi je commençais par essayer de geler le garde qui se trouvait juste derrière moi. On va être honnête, je ne m'attendais pas à ce que ça fonctionne ; mais pas pour les bonnes raisons. Les menottes ne bloquaient pas mon pouvoir - presque un comble, dans un monde où tout le monde a des capacités surnaturelles. Parviennent-ils réellement à garder la main sur ceux qu'ils arrêtent ?! En revanche, le garde derrière moi ne ressenti en rien les effets de la glace. J'aurais aussi bien pu ne rien faire. Évidemment qu'ils engageraient des gens capable de figer le temps ou d'être immunisés aux pouvoirs d'autrui !
-On fait moins la fière maintenant, n'est-ce pas ? susurra Merdeux près de mon oreille.
Très bien mon gars. T'es peut-être immunisé contre la glace, mais voyons voir ce qu'il en est des attaques physiques... Je rejetais ma tête en arrière, avec la satisfaction d'entendre un crac de la part de son nez. La réaction fut immédiate : une bonne dizaine de gardes me tombèrent dessus en même temps, ne me laissant que peu d'opportunités pour riposter. Je parvins cependant à casser les menottes en les gelant, récupérant ainsi l'usage de mes mains. Je gelais le bras de l'un d'eux, envoyait un coup de coude à l'autre. Donnais un coup de pied dans le bras du premier qui vécut probablement plus difficilement le fait de voir son bras se casser en morceaux qu'une douleur réelle. Puis la réalité se tortilla et se modifia ( encore les joyeusetés d'un pouvoir que je n'avais pas prévu sans doute ), et je n'évitais de me faire mettre K.O. pour de bon qu'en créant une slave de stalagmites autour de moi. Ma vision redevint plus nette, les couleurs cessèrent de dégouliner tout autour de moi. Un garde était définitivement embroché ( ...oops ? ), d'autres éraflés ou nouvellement décorés d'un pic de glace dans le bras, la jambe ou entre deux côtes. Pouvant enfin me remettre debout - non sans une furieuse envie de vomir... quelqu'un aurait de l'eau citronnée siouplaît ? -, j'assommais mes derniers adversaire.
Toujours prise de nausées à cause de la distorsion de réalité, j'inspirais et expirais profondément plusieurs fois, essayant de faire passer la sensation. Est-ce que ça fonctionnerait ? Non, je le savais pertinemment. Mais si mon estomac se remettait à sa place, ce serait fortement apprécié. Si ma tête pouvait arrêter de saigner ou que mes côtes pouvaient arrêter de me signaler qu'elles sont en souffrance, ce serait également apprécié, merci pour votre non-compréhension !
-Donc... comme je le disais, je vais avoir besoin de ce pied.

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THE END
sujet terminé & verrouillé.