À chaque fois. Avec paresse, de ma paluche droite, je rabats le col de mon noir trench coat sur ma nuque, mes larges épaules voutées jusqu’au niveau de mes oreilles pour me protéger un rien de ce brumeux fouillis de la pluie battante qui inonde la ville soleil alors que je m’enlise plus creux en les fresques et ébauches que peuvent lugubrement dessiner les géants monts olympiens qui éraflent un ciel blafard et querelleur. Je sens vrombir le bitume sous mes pieds, lorsque les cieux aux abois s’illuminent et se lacèrent de ce coup de marteau clouant sur le drap de la nuit l’éclair flamboyant qui semble durant un instant assourdir l’éther humide et suintant. En ce monde tout à l’envers, j’erre au travers le magma suffocant de ce trop-plein de gens, ignorant magnifiquement les regards réprobateurs sur ma silhouette étrangère qui sinue à contre sens et éventre cette foule d’automates. Mon boot de cuir qui écrase un pied, mon épaule massive qui repousse un dos. Parce que c’est samedi soir et qu’on en a la fièvre, la plèbe animée emplit les trottoirs du centre-ville, à un point où certain quidam se doit de marcher dans la rue et faire ralentir les voitures qui malheureusement passaient par-là. Les artères congestionnées par la houle continue de ces femmes qui se déplacent par petits groupes, défilent sous mes yeux anesthésiés comme de petits papillons de nuits avec leurs robes bouffantes et luisantes sous les réverbères à l’éclat mordoré. Les œillades lubriques des hommes en costar et à la chevelure gominé ne peuvent bien sûr s’empêcher de loucher. Ce qui me décroche un sourire sur les lippes, malgré la pluie et mon curieux ébahissement.
Depuis la guerre, rares sont les fois où je prends le risque de vadrouiller dans le centre-ville, mais ne pouvant, à chaque fois, être stupéfait de voir combien il prospère et extraordinairement évolue... évolue en quelque chose de différent, quelque chose qui se développe, s’agrandit et s’enrichit. RevealDown, par delà mon absence, n’a jamais cessé d’exister et le monde n’a jamais cessé de tourner… à l’opposé du mien qui littéralement s’est écroulé dans l'enivrement d'une morgue sans mesure et ses ouvrières journées mortelles. Je ne suis qu’un bout de cadavre purulent au cœur de l'atome humain qui rend immortelle cette ville mystique.
- Ça vous fera un total de…
La voix du vendeur sitôt se perd dans les catacombes de ma conscience qui s’émousse aux aléas des meds que j’ingurgite à longueur de journée et de mes humeurs prolifères. Il devient coutume que je loupe certains détails et immerge de certaines ellipses… comme le moment précis où j’ai quitté les rues coulantes et grouillantes pour aller faire des emplettes dans cette boutique et payer ce grand cru aux arômes fruités et originaire de l’Europe.
Ah, bon ? Ah, bon, ça m’en a tout l’air. Mon dû payé, j’attrape la bouteille de vin et retourne confronter les humeurs de Mère-Nature. Je parlais tantôt de l'atome humain qui rend immortelle cette ville mystique ? Celle que je viens retrouver ce soir est un parfait exemple !
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Sujet: Re: dazzle me with gold. (RAVEN) Dim 28 Avr 2019 - 10:44
Tous les domestiques ont reçu congé pour la soirée. Ordre aussi rare qu'il est précieux, seuls quelques-uns se sont faits prier, n'appréciant pas d'abandonner la maîtresse des lieux en sa bien trop vaste demeure. Et surtout, s'interrogeant : pourquoi ? Mot suspendu qui résonne et se perd dans les couloirs vides, ne trouvant ni raison ni réponse. On ne soupçonne pas quelque partie fine car en cette perspective, Monsieur était le roi et Madame, peu encline à s'adonner à ce genre de vice. Un amant, alors ? Comment donc, alors qu'il disparaîtrait peut-être à peine au lever du jour, pour peu que cela revienne aux oreilles du chien de garde du renard ? Intimité ose avance une téméraire, avant de se coudre les lèvres, de crainte d'en perdre sa langue de vipère trop bien pendue. Pourtant, il est fort probable que leur jeune dame souhaite seulement un peu de tranquillité. Car aussi feutrés que soient leur pas, leur écho n'en est pas moins envahissant.
Le carillon de la porte d'entrée tinte dans le vaste hall. Derek doit s'attendre à ce que le majordome, dans son livré de pingouin, ne vienne lui ouvrir. Sauf que c'est bien la gracile silhouette de la propriétaire des lieux qui se dessine et non le veston ébène du servant. « Entre vite, il fait un temps de chien ! » l'accueille-t-elle avec bonne humeur, s'effaçant afin de le laisser passer. Son ami est trempé, humeur du ciel fort étonnante dans leurs contrées ensoleillées. Elle-même a revêtu un pull corail léger, dont nul ne peut douter que l'angora est de qualité. Même son jean aux coutures parfaitement dessinées trahit la bonne facture. Décontractée, certes, mais toujours à trois chiffres minimum. « Nous sommes seuls ce soir, j'ai libéré le personnel. » Elle récupère le manteau de son ami, s'empresse de l'étendre sur un cintre, pour mieux le conduire un instant plus tard vers le salon d'hiver. La vue des larges baies vitrées donne sur le jardin aux prises avec les éléments. A l'intérieur, l'ambiance est plus feutrée, plus douce. A l'image de la maîtresse des lieux ... Certains jours, en tout cas. « Fais comme chez toi. Qu'est-ce que tu bois ? Que l'on garde ce merveilleux vin pour le repas. » Déjà détournée, direction la console où nombre de bouteilles les attend.
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Derek Morrow
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Sujet: Re: dazzle me with gold. (RAVEN) Lun 6 Mai 2019 - 9:27
Je me vois être sa Julia Roberts. Elle se voit être mon Richard Gere. Pour un soir, seulement, l’on me donne l’occasion de ressentir les émerveillements et les émois cristallisés. Bien que cela ne rend pas moins amer les obscurités abyssaux de mon esprit, je confesse que les parures mordorés de sa vie d’or et de diamant illuminent des confins que je surprends laissés loin des abîmes despotiques. Mes sentinelles azurées plongent doucement dans les reflets verdoyants de son regard étincelant, me laissant un court instant charmer par les émeraudes qui constellent les profondeurs d’une âme que je ne côtoie qu’à de rares, mais agréables, occasions. Les sombres humeurs badines de Mère Nature sont laissés derrière alors que l’hôte de cette demeure des belles parures et parjures m’invite gentiment à amorcer le premier pas dans le ventre du dragon. Docile, impassible, je me glisse dans son ombre et la laisse me guider au travers des décors de rêves et de fortunes. Je ne peux ignorer le sentiment de promiscuité qui peut m’envahir, à mesure que la sérénité de l’endroit me révèle son plus langoureux des silences alors qu’elle m’annonce que nous seront seuls ce soir.
- Initiative qui ne manque pas d’audace, mais que j’apprécie, sincèrement, que je lui confesse, sans pudeur ni préambule, ne pouvant tout simplement pas cacher le trouble que je ressens lorsque je me retrouve prisonnier au cœur des va-et-vient incessant et étourdissant d’une foule plus nombreuse que deux personnes. Strass et stress laissés par les écorchures des souvenirs des instants moribonds qui nécrosent et infectent.
Nous passons de l’atmosphère aseptisé et froid du hall d’entrée, pour immerger dans l’air duveteux et chaleureux d’une pièce impressionnante et prestigieuse par ses immenses baies vitrée qui s’ouvrent sur le monde extérieur et nous laisse entrevoir les éclisses immortelles et flamboyantes des éléments déchaînés. Mes 32 dents se dévoilent dans le rehaussement d’un doux sourire qui vient adoucir les traits fatigués de mon visage de cuivre, alors que j’observe l’envoutante et chimérique propriétaire des lieux. Par sa désinvolture, la malice de son brillant intellect, elle règne ici en diablesse et piétine de manière prodigieuse n’importe quelle paluche de déesse. Bref, ça fait plaisir de la voir et la retrouver dans meilleures circonstances…
- Un bourbon serait idéal, dis-je alors que je me rapproche du zinc en observant les mille et unes luxueuses distractions tout au tour de moi.
- J’aime ce que tu as fait de la propriété. Et je dois t’avouer qu’il me paraît plus familier de te voir y régner. Tu as l’air bien, mon amie, que je veux souligner, comme pour marquer d’une pierre rouge nos retrouvailles après ma trop longue absence…
Nous sommes deux êtres ténébreux qui, une fois sortis de l’ombre, laissent entrevoir des éclats de ténèbres qui se complaisent par moment.
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Sujet: Re: dazzle me with gold. (RAVEN) Sam 2 Nov 2019 - 15:32
Ce qu'homme veut ... A peine son ami a-t-il donné la réponse que les doigts de la jeune femme se sont emparés de la bouteille au liquide ambré. De son autre main, elle saisit un verre à bourbon, pivotant tout en servant afin de retrouver du regard la silhouette de Derek. La décontraction qu'elle affiche est, en cet instant, sans calcul aucun. Il est peu de personnes en ce monde avec qui elle peut se montrer sans fards et le frère Morrow est l'un de ses précieux élus. Et ce, malgré l'absence qu'a subi leur relation. Laquelle n'y paraît pas, au vu de leur attitude mutuelle. Si bien qu'à la réflexion à propos de l'empreinte qu'elle est en train de laisser sur la demeure Brown, elle se permet un sourire en coin, presque malicieux. Est-elle « bien » ? En tout cas, chemin se fait et elle escompte à ce qu'aucune ornière n'essaie de lui couper la chique. « Moi aussi, j'ai l'impression désormais qu'elle m'a toujours appartenu. » rétorque-t-elle sans embarras, tendant le verre à son invité. Un autre, qu'elle remplit. Pour elle, cette fois. « Rien n'y manque, si ce n'est mon seul nom sur l'acte de propriété. J'y travaille. Ou comment dit-on dans les affaires, déjà ? Ah oui : work in progress. » Le « je » est un brin présomptueux, considérant qu'elle bénéficie de l'assistance déférente de son cher Caïus. Son sourire s'étire un peu plus. Penser à son homme de main lui fait souvent cet effet un peu étrange. Ainsi que d'envisager un avenir où Monsieur ne serait plus qu'un souvenir un peu aigre, remisé aux tréfonds des abîmes du septième cercle des Enfers.
D'un geste, elle invite Derek à s'assoir à la table ronde nappée pour l'occasion. Apéritif composé de graines et mini-sandwichs plus raffinés à l'intérieur qu'ils n'y paraissent les y attendent. Une fois qu'il s'est installé, elle en fait de même, pour ensuite s'enquérir : « Comment vas-tu ? Tu as manqué à Revealdown. Le voisinage semblait si morne sans toi. » Son espoir de le voir franchir sa porte à nouveau a donc été récompensé. Espérons que le Morrow l'ait été, lui aussi, d'une manière ou d'une autre.
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Derek Morrow
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Sujet: Re: dazzle me with gold. (RAVEN) Lun 4 Nov 2019 - 16:23
Simulacre d’un éden disparu. Reflet moiré de paradis. Une salvatrice coupure. Une brèche, peut-être faible, moribonde, mais qui laisse filtrer doucement l’illusion et ses innombrables lumières. La sérénité, ce soir, enivre, berce, caresse, mon esprit vagabond, alors que mes claires prunelles restent comme figées sur la silhouette majestueuse de la future propriétaire des lieux. À la fois impressionné et rassuré de la savoir extirpée des griffes de son monstrueux ex époux. Jamais je n’oublierai les désastreuses conjonctures qui nous ont tous les deux, autrefois, emmenés à faire connaissance. À de rares, mais déjà de trop nombreuses occasions, spectateur des mauvaises humeurs de Monsieur qui avait parfois tendance à se disperser et s’imprimer sur la porcelaine ravagée de Raven. Le fantôme de ce souvenir se frayant un court instant un chemin en mes pensées, je ne peux m’empêcher de me dire qu’il lui a fallu descendre bien bas, en la noirceur de cet homme, pour y retrouver l’illustre fil rouge de la liberté. Mais qui donc, dans le vaste parcourt de la Vie, n’y revient pas de loin ? Suivant notre propre chemin, nous le revenons tous, de cet ailleurs lointain… et il devient inévitable que le vertigineux voyage nous change. Et en l’observant avec cette attention qu’il ne m’est pas rare de lui concéder, je sais que ce fameux changement ne peut lui être que bénéfique.
Satisfais de ses affirmations, je m’empare de mon verre et l’accompagne jusqu’à la table ronde. Une fois confortablement installé à l’une des chaises, je dépose le glass cristallin devant moi et certifie :
- C’est mon frère qui m’a tenu au courant de son incarcération. Bien qu’elle ait fait durant un temps les manchettes dans le journal local, si je ne me trompe ? Delà où j’étais, courte pause, comme malaisé, à chaque fois que je fais allusion à mon déploiement en Afghanistan, je ne pouvais prendre le pouls de ta situation… outre les commérages, bien entendu, de notre très chère voisine, madame Bradford.
Je ne peux m’empêcher de grimacer, en pensant à cette vieille mégère qui adore fourrer son nez partout et principalement les petites affaires de ses voisins chéris. L’amère réflexion cède rapidement sa place à plus agréable ressentis, aux dernières paroles de la jolie demoiselle et je ne peux m’empêcher de plaisanter :
- Il est vrai que sans mes petites crises d’envergures, à 3h00 du mat’, les rues d’Harrington Spring devaient vous paraître paisibles et sécuritaires. Je dois avouer qu’il fait bon d’être de retour à la maison. De revoir des visages familiers, surtout. Un sourire complice et sincère étire lentement la commissure de mes lippes : Ma revenue sur les territoires de l’Amérique m’aura été tumultueuse, puisque en pleine procédure de divorce, mais j’essaie au mieux de remonter la pente. Du moins, lorsque je me casse pas les dents sur ses premières tranchées.
Je m’empare de mon verre de bourbon et le tends en direction de mon amie, idée de rendre plus joyeuse ma visite et de trinquer à son agréable compagnie :
- Que célébrons-nous, ce soir, dis-moi ?
Simulacre d’un éden disparu. Reflet moiré de paradis. Une salvatrice coupure. Une brèche. Peut-être faible, moribonde, mais qui laisse filtrer doucement l’illusion et ses innombrables lumières.