BLANCHE CASSIDY
TIEFE WASER SIND NICHT STILL
| Lors de ce doux 8 Mars 1988, ma tronche de cake est apparue dans ce monde apocalyptique qui s’avère être New-York. Vous pouvez le calculer au nombre de squelettes dans le placard, je déclare avoir 31 automnes. Puisque que je n’ai pas eu l’occasion de choisir la chaumière dans laquelle je suis arrivé, ma classe sociale appartient à celle des hurluberlus riches. Défais de ce moule, c’est ce qui m’aspire joyeusement à devenir Architectes de parcs aquatiques que vous avez le malheur de croiser aujourd’hui. Dans les grandes confessions, je peux également vous annoncer que je suis célibataire et que l’étiquette de hétérosexuelle se colle à mon front. Qu’est-ce qui me rend si spécial à vos yeux de biche émerveillée ? Bah, voilà je me plains beaucoup, et depuis peu je peux modifier la température de l'eau. Avec tout ça, j’appartiens à la classe des Bad Blood et qu’avec tout ça je me vois être attirée sans jamais savoir pourquoi par Elvendyr et son océan. Sans comprendre pourquoi, les gens me comparent à Anna Silk. Mais l’habit ne faisant pas le moine, comme on dit ! Je suis de nature spontanée mais je ne veux pas que le choix de mon élément et pouvoir soit un choix du staff. |
David est en train de déguster son sandwich posé sur un banc alors qu'il se met à entendre un claquement caractéristique qui se rapproche de lui. Il se crispe instinctivement quelques secondes avant que le soleil ne soit occulté par la grande ombre de sa patronne.
-Monsieur Johnson, je suppose que vous espériez m'échapper en sortant du bâtiment ?
L'homme reste muet devant le regard de glace de la femme qui se tient à moins d'un mettre de lui. Elle est grande, athlétique et arbore un sourire factice. David le connait bien, c'est le sourire qu'elle sert à tous ses clients, particulièrement quand elle est en colère. A force de travailler avec Madame Cassidy, il se demande même si elle est capable de sourire avec sincérité.
-Vous pouvez m'expliquer pourquoi DinAqualand vient de m'appeler me disant qu'il n'a toujours pas reçu de devis et qu'il risque de se tourner vers un autre cabinet. Une idée de cette magie ? Il me semble très bien vous avoir entendu vendredi dernier dire "Je clôture se devis et je pars en week-end..."...
Professionnellement, Blanche est cassante et personne n'a envie de rester trop longtemps dans la même pièce qu'elle, dans son premier cabinet elle avait même été presque affectueusement surnommée "grincheuse". Elle est impitoyable en affaire ce qui lui a permis d’acquérir une bonne notoriété et la réputation d'une qualité exemplaire à l’exécution.
Sa tenue est toujours impeccable, généralement très coloré et toujours complétée par des bottes ou des talons. Très peu de personnes l'ont vu avoir une autre tête qu'un sourire hautement factice, le même que celui des mannequins pour les publicités des dentifrices.
Le revers de la médaille est un léger penchant pour l'alcool, il est rare de trouver un bar qu'elle n'a pas déjà visité, et même quelques uns où l'on ne lui sert plus de verres. Lorsqu'elle est chez elles, elle branche généralement un casque et allume son écran pour s'aventurer sur le dernier jeu à la mode, ou alors la dernière scène compétitive. Elle n'est pas particulièrement douée pour cette activité, mais ça lui rappel toujours le temps passé avec son ami d'enfance, et lui permet également d'expulser verbalement toute frustration accumulée pendant la journée.
Sa dernière occupation est sans doute celle qui l'a ramenée, c'est une nageuse. Suite à de mauvaises expériences, elle essaie au maximum de faire ça seule. Elle adore être dans l'eau, comme si une partie d'elle même avait toujours appartenu à la mer plutôt qu'à la terre. Le temps ne compte plus lorsqu'elle joue de son corps dans l'eau. D'ailleurs, elle passe dernièrement plus de temps lors de ses sessions aquatiques, elle a l'impression que l'eau baisse en température plus lentement...
TAKE A BITE OF THIS WORLD WHILE YOU CAN
— Madame Cassidy, quelle est la couleur que vous avez tirée ?
Blanche avait redouté cet instant dès lors qu’on lui avait annoncé qu’un « responsable de la cohésion des équipes » serait nommé sur le projet. Il avait évidemment eu l’idée d’un de ses rassemblements où l’on fait des « jeux » pour souder les différentes parties. Sur le papier, c’est une bonne idée. Mais d’un, Blanche n’a jamais trouvé que monter des tours en spaghettis et guimauve constituait un jeu intéressant, et de deux, elle ne voit pas en quoi son client à besoin de la connaitre personnellement pour lui indiquer ses idées d’attractions. Toujours est-il qu’elle répondit d’un ton sec en regardant la friandise colorée dans sa main :
— Bleu.Elle ne savait pas encore à quoi cela correspondait, mais vu que Miranda Tate, la cheffe de projet venait de raconter qu’elle ne pouvait s’empêcher de brosser son chien avant de le laisser monter dans le lit, l’architecte ne doutait pas que l’information qu’on allait lui demander allait avoir un haut rapport avec les mécanismes correspondant à un parc à thème sur les dinosaures marins, et elle ne fut pas déçue quand l’animateur lui annonça :
— Pourriez-vous nous raconter votre premier souvenir ?Génial ! Elle détestait habituellement parler d’elle, mais parler de ses jeunes années était encore pire. Mais il fallait faire bonne impression, c’était un très gros contrat après tout. Suffisamment gros pour se permettre de la payer pour participer à cette journée plutôt que pour produire, et vu ses tarifs, ça annonçait l’ampleur du projet. Aussi, lorsque les souvenirs affluèrent et l’envahirent, elle les remit simplement en forme avant de les transmettre.
Elle voit ses minuscules pieds dans des baskets presque neuves. La pluie s’écrasait sur la vitre de la voiture et à sa gauche il y a son petit frère dans un siège auto qui vient à peine de naitre. Jordan, l’ainé de la famille est sur le grand siège de devant, maman au volant. Personne ne parle. La voiture se dirige vers un cimetière se différenciant des autres uniquement par son nom. Mêmes décors lugubres, même personne en deuil, ce qui est le cas de Blanche depuis ce matin où elle a appris que son père ne reviendrait pas. Elle ne comprend pas encore pourquoi elle doit venir dans cet endroit terreux où l’on enferme un coffre vide, le corps n’ayant jamais été retrouvé, plutôt que de la laisser jouer à la console avec son meilleur ami. Blanche parsemait son récit de détail sur la forme des bâtiments, le camaïeu de vert que formaient les plantes déposées et le lierre grimpant sur les tombes. Lorsqu’elle se rassit, encore absorbée par les images qui lui revenaient en mémoire la salle restait médusée. Non en effet, cela n’allait pas aider le projet à avancer. Mais ça lui donnait une bonne raison de se rendre au Morrigan’s le soir même. Elle s’assura que son sourire restait figé sur elle, et s’échappa dans ses pensées en attendant la fin de la réunion alors que Michael commençait à raconter comment il en était venu à avoir des chaussettes dépareillées ce matin.
Une fois libérée de cette obligation de présence, Blanche Cassidy suivit donc la suite de son plan et alla se poser dans un bar qu’elle connaissait bien. Tellement bien que l’un des serveurs la regarda d’un mauvais œil quand elle commanda, et elle se ravisa pour prendre une simple bière à la place d’un double whisky. Après tout la nuit était encore jeune, elle aurait le temps pour quelque chose de plus fort. Sa prise de parole de ce matin avait réveillé en elle un besoin d’introspection profonde. Elle préfèrerait le faire en nageant, mais elle était loin de chez elle et de son maillot pendant les deux jours de séminaires du lancement de Dinaquaparc. Aussi la bière serait son échappatoire.
De ce qu’elle en savait, ses parents s’étaient rencontrés il y a 39 ans dans un petit village de Floride. C’est sans doute pour ça que l’architecte a décidé d’emménager là-bas quand elle a fondé son cabinet. Son père était un étrange un peu perdu que sa riche mère a décidé de prendre sous son aile. Très vite leur relation a évolué et elle s’est mariée avec lui. Beaucoup de ses amis à l’époque ont essayé de la mettre en garde, considérant mon père comme un arriviste qui n’en voulait qu’à l’argent de Madame Everley Cassidy, femme d’affaires gérant une grande chaine hôtelière. Mais à l’instar de sa gestion de patrimoine, elle fit fi de ces remarques et fila un parfait amour qui engendra trois petits monstres. Joshua qui apprend encore aujourd’hui auprès de sa mère pour reprendre les affaires, Blanche cinq ans plus tard et Léonard encore deux ans après. Ce dernier est quelque part en France où il a appris la cuisine pour en faire son métier. Il s’est rendu là-bas, car la seule chose que les enfants savaient de leur père c’est qu’il venait de la côte d’azur. Enfin, Azure Creek comme il disait avec son si mystérieux accent, mais c’est ce qui s’en rapprochait le plus.
Blanche quant à elle a commencé par se familiariser avec l’environnement new-yorkais. Elle impressionnait déjà les autres enfants par sa carrure et son franc-parler, ce qui lui a valu de nombreux ennemis, mais aussi ce qui, encore aujourd’hui, reste la meilleure rencontre de sa vie, celui qu’elle surnommait simplement « le sourire ». Ils passaient beaucoup de temps ensemble et celui-ci lui a fait découvrir les jeux vidéos ce qui leur permettait de passer les longues après-midis pluvieuses en un rien de temps. Vinrent ensuite les années collèges. Son côté monstre de foire devint encore plus percutant à ce moment. Non seulement elle était grande, mais le destin a fait que sa poussée de croissance est arrivée extrêmement tôt. Blanche dépassait largement d’une tête la plupart des garçons et ses hormones aidant, elle se mit à s’intéresser à l’un d’entre eux, Ryan. Il était très populaire en tant que linebacker du collège, et en laissant trainer ses oreilles, la jeune fille apprit qu’il s’intéressait surtout aux nageuses. Blanche avait toujours eu peur d’aller à l’eau, le fait de devoir porter un maillot de bain risquant grandement d’augmenter les railleries qu’elle subissait déjà, mais elle prit son courage à deux mains et elle s’inscrivit. Sa première plongée fut balbutiante, mais cela réveilla quelque chose en elle. Après quelques semaines, sa taille imposante lui permit de rentrer en compétition, son corps s’amusant de l’eau et son esprit s’échappant hors du temps dès lors qu’elle s’immergeait. Bien vite elle fut surnommée « la sirène d’Angel Grove » en référence au collège où elle était. Ça n’a pas permis de faire chavirer le cœur de Ryan, mais au moins elle avait découvert une vraie passion et son meilleur ami était toujours là pour l’encourager.
Quelques années plus tard, lors d’une compétition elle eut une absence en plein milieu de son sprint. Comme si l’eau lui parlait, ou plutôt chantait pour elle. Blanche ne se souvient pas très bien de cette journée, elle sait juste qu’elle a été transportée hors de l’eau par les secours. Les adolescents étant ce qu’ils sont, les railleries revinrent et de sirène elle fut surnommée baleine. Blanche se voulait forte et pensait passer au-dessus de ça, mais peu à peu elle nagea de moins en moins souvent. Même son meilleur ami n’arrivait pas à lui redonner le sourire. Elle s’isola physiquement et socialement, se concentrant sur ses études à une dose maladive. Quand elle y repense, c’est bien malheureux, mais c’est sans doute grâce à ça qu’elle a pu devenir architecte.
Elle poursuivit ses études seule, en s’isolant bien plus qu’elle ne le voulait. Elle regrette aujourd’hui d’avoir rejeté son ami, mais elle ne savait pas comment gérer à ce moment.
Elle fit tourner le fond de sa deuxième bière tout en ressassant ses jeunes années. Si lointaines et pourtant si déterminantes. Un jeune homme vint s’assoir à côté d’elle et lui offrit une autre bouteille. Elle engagea une conversation superficielle, digne de son attitude au travail et alors qu’elle proférait des inepties pour feindre un intérêt replongeait de nouveau dans son passé.
Elle avait décroché son diplôme d’architecte non sans difficulté et bien que sa branche soit peu demandée, il y avait aussi peu de place à pourvoir. Elle réussit à se faire engager en même temps qu’Allan Jones dans un cabinet réalisant des structures hôtelières modernes. Leur patron était très protecteur et ils apprirent beaucoup de lui. En parallèle Blanche sympathisa énormément avec Allan, qui partageait les mêmes références qu’elle. Ils sortaient régulièrement boire des bières après le travail, et avaient une grande complicité. Il lui rappelait son ancien ami et bien vite la plupart de leurs projets avaient des noms tirés de star wars ou de zelda. La grande femme qui sortait tout juste des études reprenait gout aux interactions sociales et elle tomba fatalement sous le charme du garçon qui l’accompagnait. Mais elle n’était pas très claire sur ses intentions, et elle s’en rendit compte lors d’une fête, après avoir clôturé un gros contrat. Elle découvrit en effet Allan dans le jacuzzi de la résidence où la fête battait son plein, en très bonne compagnie, et avec fort peu de linges. Réagissant stupidement et naïvement, Blanche posa sa démission quelques jours plus tard et décida de changer de ville. À l’aide d’un prêt maternelle, elle bâtit son propre cabinet et après quelques années, celui-ci a acquis une bonne réputation. Suffisamment pour que lassée des coups d’un soir et de bars trop connus, Blanche s’offrît une virée dans la ville où se sont rencontrées ses parents. Absolument sous le charme de la plage et de l’environnement global, elle décida de s’y installer, et ce depuis quatre années maintenant. Elle abandonna le bar bien plus tôt qu’à son habitude, mais cette journée l’avait réellement épuisée. En y réfléchissant, cela faisait d’ailleurs quelques jours déjà qu’elle avait le sommeil agité et empli de rêves étranges vers un lac inconnu. Cela jouait sur ses nerfs. Elle trouvait généralement l’eau trop chaude après des moments intenses, ou bien son café glacé après avoir eu un coup de fil désagréable. Elle devrait peut-être voir quelqu’un pour parler de ses problèmes. L’architecte s’en occupera à son retour chez elle, dans sa routine.
En effet, pour maintenir le standing de son travail, elle travaille désormais à Jacksonville, où son siège se situe désormais, uniquement deux jours par semaine, profitant des autres jours pour faire son œuvre à distance. Elle n’hésite pas à multiplier les déplacements pour voir comment avancent ses réalisations, mais généralement elle passe ses soirées à boire, à jouer sur la dernière console, ou bien à nager. Blanche vie cependant seule, et son ami de jeunesse lui manque. Peut-être qu’elle trouvera le courage de lui reparler grâce à internet ?