Salem
With blinded eyes, I fear myself.
| Lors de ce doux treize décembre 1792, ma tronche de cake est apparue dans ce monde apocalyptique qui s’avère être Willow Fall, Emerald Kingdom, Elvendyr. Vous pouvez le calculer au nombre de squelettes dans le placard, je déclare avoir trente-huit ans d'apparence, mais que l'âme fêlée a atteint les soixante-dix-sept automnes. Puisque que je n’ai pas eu l’occasion de choisir la chaumière dans laquelle je suis arrivé, ma classe sociale appartient à celle des hurluberlus moyens. Défais de ce moule, c’est ce qui m’aspire joyeusement à devenir Maître Brasseur et Gérant de la brasserie/taverne (qui renferme de biens sombres activités) le Skull and Bones que vous avez le malheur de croiser aujourd’hui. Dans les grandes confessions, je peux également vous annoncer que je suis célibataire et que l’étiquette de hétérosexuel se colle à mon front. Qu’est-ce qui me rend si spécial à vos yeux de biche émerveillée ? Bah, voilà je suis un lycan. Et le package deal qui vient avec ça c'est : processus de vieillissement ralenti, agilité, rapidité, sens accrus, régénération cellulaire instantanée et métamorphisme (loup noir). Avec tout ça, j’appartiens à la classe des six feet under et qu’avec tout ça je me vois être charmé as fuck par les beaux artifices mystiques de ce royaume au coeur de l'hécatombe. Du moins, quand je me lève du bon pied et c'est d'une rareté à faire peur. Sans comprendre pourquoi, les gens me comparent à Charlie Hunnam. Mais l’habit ne faisant pas le moine, comme on dit ! |
Ils m'ont accordé cette funeste faveur de naître sans aïeux, de connaître le goût amer du sang et des cicatrices que laissent les adieux dans les plis les plus obscures de cette âme qui n'en a jamais été une. Tant qu'il restera en leurs seins bien trop fragiles le plus minime sentiment d'Humanité, leurs repentirs les rendant si lâches, nostalgiques cœurs de nacre, je suis bien las de leur annoncer qu'ils se souviendront avec horreur de moi, merveille funeste que certains appellent Destruction et autre Damnation. Génie infâme qui, parmi les secousses de leur monde dévasté, accoutumé au chant du glas et des tambours de la guerre, éprouve en ces péans assiégeant cette émotion douce et puissante qu'est la Dévastation. Désir immortel et coupable. Ses vapeurs récalcitrantes nagent autour de moi comme un air évanescent, grisé, ivre, enivré, je l'avale et sens qu'elles me brûlent langoureusement les poumons. Elles accoutument mes lippes de cerbère aux baisers infâmes et mortels, il n'est pas plus désirable et énamourée caresse que celle des larmes amères et salines de ces âmes bien fragiles que j’écartèle en les saillants crochets de mes spécieux Amours Ténèbres. Immergé de ces univers juchés que certains surnomment Lumière, qui de jour en jour m'éloignent toujours un peu mieux du regard des Divinités, je suis cet esprit, poussé à l'outrance, qui erre dans les plaines de l'Ennui, landes si profondes que tout fuit… Catacombes et hécatombes, j’entends la mélodie divine et repose point en paix dans les cimetières de cette tragique et astrale comédie qu'est ma vie qui se pâme sur tout ce qui périt.
TAKE A BITE OF THIS WORLD WHILE YOU CAN
Tuer. Mourir. Couper le fil immensément frêle d’une vie, contrecarrer sa voie et inhaler sa destinée. C’est si facile, si éphémère et instantané. Un geste, l’ultime, voir le dernier souffle d’humanité caresser les lèvres pourpres et assisté à l’inexpressivité d’un regard contristé qui vous fixe avec miséricorde et incompréhension. La tendre expression se dilue dans la rigidité de l’Éternel, les deux yeux étincelants tels des diamants immaculés deviennent vides, ternes, abyssaux, comme deux billes de verres. Le feu cesse d’instinct de crépiter dans la profondeur des pupilles dilatées et la flamme ondulante telle une vicieuse succube se flétrie pour de bon. Oui, si triste cela peut être, contempler la Mort dans son plus bas-fond méandre funéraire, c’est si facile. Trop facile. Usé à la cruauté de l’Homme, bercé par l’idiotie de ses fanfaronnades enivrantes, pour moi, voir un être s’abandonner doucement vers le Repos Éternel, c’est devenu un moment de féerie et de délivrance mêlée. Mourir. C’est facile. Ici-bas, englouti dans la déchéance d’une Terre qui se meure… y vivre… ça ne devient non seulement difficile mais cruel. Fourbe est donc celui qui ose venir prétendre le contraire. Au crépuscule mélancolique, en parfaite harmonie avec le malfaiteur, l’Ébène enlace la nuit, comme un dense voile d’hérésie et de torpeur amalgamée. L’Ombre engloutie non seulement la lumière du jour mais anéantie également toute lueur d’espoir. Vision tragique, dramatique, je le concède, mais voguer dans ce délire euphorique, traverser ce cauchemar sempiternel avec les yeux grands ouverts, malheureusement, cela assombri l’ébauche chaotique de ce tableau déjanté. J’ai perdu foi en l’être-humain et j’ai perdu goût en la beauté simpliste de la Vie. Avec ce qui retombe depuis le maléfice de Tharek, les citoyens ayant rendu son principe si violent et dévastateur, que désormais, la Vie elle-même me devient harassante, insipide, ordinaire et abrutie. Moi, maître brasseur, présumé gérant d’un petit business quelconque, mais qui se vautre dans la corruption et la misère, suis-je donc engagé à me rappeler ma déchéance et à me rappeler combien est-ce que je suis le servile tortionnaire de mon propre cœur éprouvé et souffrant !
Refusant de croire, refusant de voir, soumis, comme toujours, j’ai obéis et exécuté les ordres. Bon soldat, va ! Qui sait, peut-être qu’on osera m’offrir une bien meilleure affaire ?! Parce que, ouais, drastiquement, j’anticipe une vie relativement meilleure dans les entrailles de ce bled pourri. Les citoyens imbus de leurs propres personnes désirent se faire entendre cette année ? Soit. Envoyé en bon toutou que je suis, je donne ce que l’on me demande, écoute gentiment ces raclures égoïstes et oublis le calvaire que je risque de charrier par la suite.
Englué dans ce panorama idyllique mais à la fois inquiétant, je sais que je ne dois laisser aucune fêlure s’immiscer à la surface de cette insondable carapace que j’ai mis des années de malheurs à façonner. Plus tard, beaucoup plus tard, je les laisserai se réveiller. Ces douleurs vibrantes, dans mon cœur plein d’effrois, de tourments, je les laisserai se réveiller. Déjà si crûment labouré dans le vaste noir, je laisserai la douloureuse complainte de mes mœurs néfastes s’implanter dans le creux de mon nid thoracique, comme une cible. Pour l’instant, je dois me laisser bercer par le flot d’adrénaline qui m’enivre de la tête aux pieds...
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Cesse de te remuer comme ça, Lenny. Tu coules partout sur mon carrelage !Carrelage fraîchement lavé et aménagé, d’ailleurs. Bordel, j’aurais dû installer une bâche en-dessous de cette foutue chaise. Outre enterrer ce macchabée, me voilà coincé à devoir éponger tout ce sang avec… Ugh ! Avec quoi ? Je n’ai même pas l’ombre d’une serpillière dans mon bar ! Quant aux lingettes ? Vaut mieux ne pas y penser…
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Espèce de clébard ! Je savais que je ne pouvais pas te faire confiance ! Vous êtes tous pareils ! Timbrés, vous l’êtes, et jusqu’à la mouette…Correction : Moelle.
Info supplémentaire : c’est ma grosse paluche bien creuse encastrée dans son gros bedon dodu qui lui a momentanément coupé le souffle et ainsi fait dire mouette.
Affirmation affirmé : Vous vous en contrefoutez…
Approbation acquiescé : D’accord. Passons.
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Salem…Ça, c’est moi.
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Lenny…Ça, c’est Bedon Dodu.
Une sérénité bizarre s’élève soudainement dans la torpeur de l’air malsaine et accablante. Le temps s’arrête alors que les miroirs de nos âmes fêlées s’entrecroisent pour venir contempler le tréfonds de cette vérité sulfureuse que nous deux avons cherché à éviter depuis très longtemps… trop longtemps, d’ailleurs. Lenny et moi échangeons un regard misérable et amer. Dans mon crâne, tout se désagrège, je sens ma cervelle se ramollir dangereusement. Elle se décompose comme de la gibelotte et veut ressortir par tous les orifices de ma figure. J’assimile que trop mal les informations données. Lenny, visiblement assiégé par ces tortures tonitruantes que je lui inflige depuis des heures, doit battre plusieurs fois des paupières pour ne pas sombrer dans l’inconscience et donner raison à son calvaire. Il lutte pour soutenir mon regard. Il lutte pour me voir échouer. Il lutte pour me voir m’écraser à la merci de mon désarroi. Les gros yeux boursouflés d’ecchymoses ensanglantées vrillent au travers de moi, transpercent mon âme et raidissent instantanément mon échine. Je suis comme foudroyé par la foudre, victime d’une prise de conscience que j’aurais tant souhaité ne jamais caresser de nouveau. Mes doigts se crispent désespérément sur le tissu gluant de sueur et de sang. Ma main braquée sans aucun ménagement sur le ventre de cet homme forme désormais un poing. Un poing qui se resserre que davantage. Un poing contracté si fort, que j’entends mes phalanges se disloquer d’un craquement sonore et remarque mes jointures littéralement blêmir par la crispation acharnée. J’entends distinctement le cœur de mon martyr battre à tout rompre dans le creux de son nid thoracique. Je vois, par-delà le sang, par-delà les larmes, par-delà ce cynisme mal assuré, toute la fragilité et l’insignifiance qui regorge le cœur de cet homme rondelet et dévasté. Par-delà la chair, par-delà ce visage amoché, je vois l’invisible, j’aperçois la vie… j’aperçois la vie que je suis sur le point de briser.
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Dimension standard, cela conviendrait-il ? Que je m’entends murmurer, ma voix claire et distante semblant resurgir des abysses les plus profonds, pour venir lentement se perdre dans l’air et disparaître au loin. L’azur de mon regard désormais clairvoyant et serein sonde avec austérité les traits bellicistes de ce visage abîmé et grassouillet qui a pour longtemps hanté mes songes les plus lourds et sombres. Ce face-à-face n’est que funèbres augures, immobile, impassible malgré l’étrangeté de la situation, je reste là, transi, glacé comme une sculpture de marbre.
De son côté, Lenny sourcille d’incrédulité face à ma question. Il ne comprend pas. Il ne capte pas ce que je lui demande.
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Quoi ?!-
Je parle de ton cercueil…-
Salem… tu… ma fille ? Tu as pensé à ma petite fille ? Elle est malade… elle avait besoin de ce médicament. Tu le sais. Tu avais promis de m’aider. Tu---
TU es allé trop loin, Lenny ! Tu as volé ce médicament dans les labos clandestins d’une des plus grandes firmes d’Azuria Creek. À quoi est-ce que tu as pensé ? -
Mais c’est toi qui m’as donné la voie libre ! C’est toi qui m’as montré ces voies souterraines. Tu m’as conduis jusqu’ici. TU M’AS CONDUIS VERS CETTE MORT QUE TU SAVAIS CERTAINE DÈS LE DÉPART ! Le temps s’arrête alors que les miroirs de nos âmes fêlées s’entrecroisent pour venir contempler le tréfonds de cette vérité sulfureuse que nous deux avons cherché à éviter depuis très longtemps… trop longtemps, d’ailleurs. Je les sens se réveiller. Les douleurs vibrantes… elles se réveillent… ce gars, c’est grand un ami et fidèle associé. J’ai assisté à la venue au monde d’Annabelle, sa petite fille… J’ai pris soin de cette dernière comme si elle étaitt ma propre chair et mon sang. Je l’aie regardé sombrer. Je l’aie regardé se faner et se ternir comme une fleur… une pauvre fleur flétrit qui lutte pour prendre racine dans cette terre pourrie et desséchée qui ne fait que la tuer que davantage. Annabelle… voilà la seule excuse qui m’empêche de parachever mon boulot… voilà la seule excuse qui m’empêche de planter une balle entre les deux yeux de Lenny. Ce gars trop gras et trop fou qui a pour habitude de défier la dictature du royaume de l’Éther et de se foutre dans la merde parce qu’il veut se faire entendre et comprendre. Désireux de sauver sa fille… en dépit de se faire tuer et de littéralement bouleverser cette paix fragile que nous avons vainement instauré dans le royaume d’Elvendyr et ses territoires. Annabelle est souffrante. Annabelle est mourante. Un miracle saurait épargner l’aube de son existence. Mais Annabelle se meurt et plus rien ne peut la sauver… C’est triste, mais c’est comme ça. Maintenant, je comprends. Maintenant, je vois. Ce monde est vain. Ce monde est fou. Lenny n’est qu’une seule et insignifiante parcelle de tous ces maux que cette Terre ne puisse charrier dans ses entrailles néfastes. Il va toujours y avoir quelqu’un quelque part que l’on doit sauver… que l’on aimerait voir renaître de ses cendres… mais putain… nous ne pouvons pas sauver tout le monde. Je ne peux pas sauver tout le monde. J’aurais jamais dû aider ce type… j’aurais jamais dû lui accorder cette foutue aide et oser croire que la Désespérance n’était pas une bête si vorace et passible d’inhaler absolument tout sur son passage.
Si j’épargne une fois de plus Lenny, ce soir… c’est ma tête qui sera mise à prix… et je ne veux pas mourir… pas lorsque je sais que la vie d’innombrables innocents risque de suivre le même sort que moi.
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Salem… ton cœur est pur et bon. Infliger un supplice aussi abominable à ma pauvre Annabelle, c’est une tourmente que tu ne sauras jamais supporter…Il a raison…
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Malheureusement pour nous tous.Doucement, le canon de mon flingue vient prendre appuie sur le front de mon Martyr. Il tremble. Il pleure. Il me supplie. Je l’écoute. Je le regarde. Je ne cille pas. Je ne respire presque plus. Mon index, avec crainte, avec horreur, se dépose sur la détente alors que ma paume humide se compresse avec aversion contre la crosse de mon flingue. La tête de Lenny se renverse brusquement sur l’arrière alors que j’intensifie la pression de mon arme sur son front. Les sanglots deviennent des râles gutturaux et inaudibles. Il pleure comme un veau agonisant. Il me supplie comme un enfant. Sa voix me brise le cœur. Sa voix me fend littéralement l’âme…
Tuer. Mourir. Couper le fil immensément frêle d’une vie, contrecarrer sa voie et inhaler sa destinée. C’est si facile, si éphémère et instantané.
BAM !
Un geste, l’ultime, voir le dernier souffle d’humanité caresser les lèvres pourpres et assisté à l’inexpressivité d’un regard contristé qui vous fixe avec miséricorde et incompréhension. La tendre expression se dilue dans la rigidité de l’Éternel, les deux yeux étincelants tels des diamants immaculés deviennent vides, ternes, abyssaux, comme deux billes de verres. Le feu cesse d’instinct de crépiter dans la profondeur des pupilles dilatées et la flamme ondulante telle une vicieuse succube se flétrie pour de bon…
Je m’appelle Salem, maître brasseur et gérant de la taverne Skull and Bones.
Et je ne suis pas censé me retrouver en arrière de cette gâchette…