EDEL MAKINEN
saturated sunshine
| Lors de ce doux vingt-trois novembre 1989, ma tronche de cake est apparue dans ce monde apocalyptique qui s’avère être charleston, Caroline du Sud, usa (avec des origines finlandaises). Vous pouvez le calculer au nombre de squelettes dans le placard, je déclare avoir trente automnes. Puisque que je n’ai pas eu l’occasion de choisir la chaumière dans laquelle je suis arrivé, ma classe sociale appartient à celle des hurluberlus moyens. Défais de ce moule, c’est ce qui m’aspire joyeusement à devenir technicienne juridique pour un petit cabinet d'avocats le jour, et chanteuse lors de soirée huppée au lucky seven casino le soir que vous avez le malheur de croiser aujourd’hui. Dans les grandes confessions, je peux également vous annoncer que je suis célibataire et que l’étiquette de hétérosexuelle bicurieuse se colle à mon front. Qu’est-ce qui me rend si spécial à vos yeux de biche émerveillée ? Bah, voilà j'ai la capacité de distordre la réalité aux yeux de ceux qui se trouvent à ma proximité. Les images projetées sont difficilement contrôlées et dépendent grandement de mon état émotionnel. Avec tout ça, j’appartiens à la classe des something blue et qu’avec tout ça je me vois être totalement confuse. Sans comprendre pourquoi, les gens me comparent à Margot robbie. Mais l’habit ne faisant pas le moine, comme on dit ! Je suis de nature spontanée mais je ne veux pas que le choix de mon élément et pouvoir soit un choix du staff. |
S'il est difficile pour moi de me décrire, il l'est encore plus pour ceux qui me côtoient. Mais si on prend le temps d'y réfléchir, de décortiquer les diverses facettes de ma personne, le personnage que je suis prend tout son sens. Sceptique ? Laissez-moi vous convaincre.
Grande blonde au corps qui fait rêvé les plus sveltes mannequins de ce monde. Non, ce n'est pas de l'arrogance, mais bien de la reconnaissance. Ma génétique a fait de moi une femme bien proportionnée qui ne prend pas une once de gras même après avoir englouti un gâteau double chocolat et un sac de croustilles bien sâlées (tout pour attirer la sympathie de la gente féminine). Bien entendu, mon hyperactivité contribue au maintien de ma stature, me poussant à toujours bouger et pratiquer des sports qui me permettent de dépenser mon énergie débordante. Course à pied, tennis, surf, même parfois de la boxe, tous les sports sont des moyens pour mieux dormir le soir. Ma vie est un véritable tourbillon incessant, un mélange de boulot, de loisirs et d'obligations. Cet horaire bien chargé n'est pourtant qu'une excuse. Une façon de faire taire les coins sombres de mon esprit. Bien que je puisse dégagée une certaine joie de vivre et une personnalité passionnée, complètement investie, tout n'est pas toujours rose entre mes deux oreilles. Mais ça, très peu de gens en sont conscients.
Double face. Le jour, la femme professionnelle prend toute la place. Chemises et tailleurs, air sérieux et vocabulaire bien respectueux. On pourrait penser que cette femme n'a jamais vécu les petits plaisirs de la vie, passant sa vie à vouloir satisfaire son patron bedonnant et imbu de lui-même. Mais le soir arrivé, le papillon retrouve toutes ses couleurs. On troque les fameux tailleurs pour des petites robes serrées et des escarpins à paillettes afin de m'époumoner devant des joueurs de poker déjà trop saouls pour apprécier la musique. Passion qui m'habite depuis un jeune âge et qui apaise mon esprit tourmenté. Sur la scène, je suis à la merci du regard extérieur, vulnérable, le coeur à nu. Mais enfin libérée.
Sens de l'humour bien développé, quelque peu maladroite, pas susceptible pour un sou. Esprit vif et créatif, facile d'approche et sociable, énergique et passionnée. Tout en étant nostalgique de mon passé, fermée comme une huître lorsqu'une situation ne me plait pas, caractérielle et malpolie lorsque nécessaire, et surtout, très secrète.
Trop complexe pour vous ? Essayez dont de vivre dans ma tête une seule journée.
TAKE A BITE OF THIS WORLD WHILE YOU CAN
R PUB
CHARLESTON, CAROLINE DU SUD, USA
23 NOVEMBRE 2007
« In my life there's been heartache and pain
I don't know if I can face it again
Can't stop now, I've traveled so far
To change this lonely life »Regard complice, la dernière note est maintenue en unisson en suivant la mélodie accrocheuse qui déferle des vieux hauts-parleurs accrochés tout juste derrière la minuscule scène sur laquelle nos deux corps maigrichons se tiennent quelque peu à l'étroit. Un sourire illumine nos visages avant de se tourner vers la foule attentive qui lève leur verre avec enthousiasme. Et tous en choeur, leur voix se mêle à la nôtre et comble le bar de notes pas toujours justes.
« I wanna know what love is
I want you to show meeeee »Le poing serré, je chante avec intensité et humour cette chanson mythique qui a bercé mon enfance et celle de mon frère. Dès l'instant où il m'a proposé de monter sur cette modique scène et partager ce moment précieux avec lui, mon coeur a manqué quelques bonds avant de trépiller de joie. Mes yeux n'ont cessé de l'observer avec admiration et bonheur. Malgré mes dix-huit ans fraîchement acquis, je demeure toujours la petite soeur admirative de son grand frère, celle qui voulait toujours être à ses côtés malgré les cinq années qui nous séparent. Je n'aurais pu avoir de plus beau cadeau en ce jour d'anniversaire que de vivre cette soirée bien banale aux yeux d'autrui, mais tellement précieuse à mes yeux.
Une fois la dernière note poussée, un tonnerre d'applaudissements accompagne notre accolade fraternelle avant de descendre de la scène afin de rejoindre nos tabourets au bar. Tout juste au-dessus de celui-ci se trouve une longue banderole scintillante me souhaitant un joyeux anniversaire. Toute la pièce est remplie de gens qui ont partagé ma vie et qui compte plus que tout pour moi. Mais je dois avouer que mon attention est complètement tourné vers mon idole de toujours. Tuomas Makinen.
« Une bière, s'te plait, » que je réclame au barman qui verse déjà un verre de blonde mousseuse pour un de ses clients assis au bar. Celui-ci me regarde avec un oeil désaprobateur et tout de suite je roule les yeux au ciel.
« Je peux même pas avoir un petit verre pour souligner mon passage vers la vie adulte ? » Ma tentative est visiblement vaine, le barman ne bronche pas.
« C'est bon, c'est bon ! Un virgin mary, s'te plait. » Il approuve finalement d'un hochement de la tête et se tourne pour la préparation.
À mes côtés, mon frère affiche un sourire amusé, probablement par la scène que je lui offre, mais aussi par l'alcool qui commence à lui embrouiller un peu l'esprit.
« Compte-toi chanceuse qu'il ne t'ai pas mis dehors avec un coup de pied au fesse, » ricane-t-il en me prenant par les épaules.
« Il n'a pas intérêt ! » que je m'emporte spontanément.
« Ça fait déjà trois ans que je rempli son bar le vendredi et samedi soir ! »Déjà trois ans. Déjà trois ans que mon frère et moi avions décidé de former un duo dans ce bar, même si nous n'avions pas l'âge légale de boire. Déjà trois ans que Jim, le propriétaire du bar, nous a donné cette opportunité de vivre notre passion du chant devant les habitants de Charleston. Mais voilà déjà un an que je perpétue cette tradition seule, alors que mon frère a eu la chance d'aller étudier parmi l'une des écoles d'art les plus réputées en Amérique. Dans la grande ville New York ! Je me souviens parfaitement de la journée de son annonce. J'étais si heureuse de son succès, mais à la fois bouleversé d'apprendre que l'on serait séparé. Jamais je n'aurais pu croire un jour être aussi loin de lui. La dernière année a été pénible sans lui. Je me suis découverte un côté solitaire et renfermée dont je n'aurais jamais soupçonné. Le chant a été la seule chose qui m'a permis de tenir le coup, de le garder près de moi même s'il se trouvait physiquement loin. Et dès le moment que je l'ai vu revenir vers moi pour le week-end, pour célébrer mon anniversaire, les étincelles dans mes yeux se sont allumées de nouveau.
« Elle n'a pas changé, en tout cas, » commente Tuomas avec un mélange d'amusement et de découragement en donnant un coup de tête derrière nous.
Je jette un regard par-dessus mon épaule afin d'apercevoir notre mère installée sur une table dans un coin du bar, le visage tout près de celui d'un homme barbu qui ne semble plus du tout a jeun. Un soupire traverse mes lèvres alors que je me détourne rapidement de ce portrait déprimant. J'ai toujours eu une immense affection pour ma mère. Mais j'ai toujours été sceptique de la manière dont elle mène sa vie. Depuis le départ de notre géniteur (car un homme qui quitte sa famille lorsque ta plus jeune fille n'a que cinq ans, ce n'est pas un père, mais bien un géniteur), elle n'a jamais pu refaire sa vie avec un homme. Elle passe son temps à flirter, à fréquenter des hommes peu fiables, à les jeter sans lendemain. Comme si l'abandon de son ex-mari a brisé quelque chose en elle. Peut-être ne croit-elle plus en l'amour ? Malgré cette mauvaise habitude qu'elle a pu développé, jamais elle ne nous a imposé son mode de vie et jamais je n'ai été blessé par l'une de ses aventures. S'il y a une chose que je sais de ma mère, c'est bien à quel point elle aime ses enfants et qu'elle ferait tout pour nous protéger.
« Faut pas lui en vouloir. C'est pas facile de vivre sans homme dans la maison, » que je déclare avec un petit sourire nostalgique au coin des lèvres.
Tuomas me regarde longuement avec ce même air triste.
« Vous me manquez aussi. » Un silence lourd de sens pèse entre nous deux, ambiance ironique dans un bar rempli de rire et de musique. Mais le moment ne dure pas bien longtemps. Avec Tuomas, il n'est pas possible de rester plus de quelques secondes avec un air maussade.
«
Mais je t'avoue que t'entendre hurler dans la douche ne me manque pas du tout ! » Mon poing s'envole automatiquement vers son épaule, alors qu'il éclate d'un rire honnête et rassurant.
Ce fut la dernière fois que je pus partager un moment précieux avec mon frère.
* * * * *
REVEAL DOWN, FLORIDE, USA
12 AVRIL 2009
L'air salée fait virevolter mes mèches blondes autour de mon visage aux traits crispés. Cette brise délicate semble vouloir apaisée mes traits, mais je ne ressens qu'un vide et une douleur perpétuelle. J'ose enfin ouvrir mes paupières afin d'observer le paysage paradisiaque de la mer qui danse au loin. Les vagues s'affaissent contre la plage à un rythme régulier, offrant une ambiance calme et rassurante. Mon coeur, brisé par le chagrin, souhaite s'emplir de cette sérénitude et retrouver un nouveau souffle. La tâche semble insurmontable, mais le temps semble vouloir faire ses preuves.
« Edel, » que j'entend derrière moi. Mes azurs ne semblent pourtant pas vouloir décrocher de ce tableau féérique, désirant rester le plus longtemps possible dans ce moment d'inertie.
« Le camion est arrivé. »Je n'étais pas d'accord. Quitter Charleston pour venir s'installer en Floride, à plus de 700km de tout ce que j'ai pu connaître depuis ma naissance ? À quoi ma mère a-t-elle pensé ? Mais à quelque part, je la comprenais. Après avoir perdu un gros morceau de notre vie, après plus d'un an de deuil, de processus judiciaire, de pleures, de jugement, de stress et d'inquiétude ! Rester dans nos vieux souvenirs douloureux, ça ne semblait pas logique pour elle... Alors que ça me rassurait. Et maintenant, ici, je n'ai plus aucun repère. Tuomas me semble encore plus loin. Inaccessible. Perdu à jamais.
Ma mère connait Reveal Down depuis des années. Par le biais de son titre de biologiste marine, elle est venue nombre de fois sur cette côte pour mener des projets à terme. C'est d'ailleurs grâce à ses nombreux séjours dans ce coin du pays qu'elle a pu obtenir ce nouvel emploi et cette nouvelle demeure. Ce n'est pas bien gros, mais nous sommes habitués de vivre légèrement à l'étroit. Le balcon de l'étage offre toutefois un point de vu hors du commun sur la plage qui se trouve à quelques minutes de marche. J'aurais pu sauter de joie de découvrir toutes ces nouveautés, de plonger dans une nouvelle aventure ! Mais ma nature nostalgique me refroidie de tous ces changements brutaux.
Mon regard parvient finalement à décrocher de mon point de mire et à se tourner vers ma mère qui me contemple avec une certaine tristesse.
« J'arrive, » que je lui confirme, de ma voix terne. Elle hoche de la tête et retourne à l'intérieur.
Sans savoir ce que l'avenir me réserve, j'ai l'instinct que rien ne sera plus pareille maintenant.