On m’a donné la chance de connaître les jours meilleurs et une vie heureuse. À pleines dents, sans compter les échecs et le fiel des goûts amers, j’ai mordu dans celle-ci, où l’on m’a vu briller en les plus incandescentes lumières. Est-ce, justement, l’écoulement de ces années que j’ai traversé qui attriste mes pensées et livre à mon esprit languissant ce vertige ? Les yeux rivés derrière et l’âme vautrée dans les souvenirs de ces temps épars qui m’abrutissent d’ennuie et de nostalgie mêlée. Le chagrin infligé, que j’impose pour défendre ma cause, afin que tous entendent ma prose et je ne parviens toujours pas à mesurer les sans égales tristesses d’autrui. Le cœur en deuil, je suis malade d’angoisse et d’un nombrilisme cinglant qui m’empêche de voir par-delà les ébènes et le voile de soufre que moi-même je soulève pour rendre doux mes plus lénifiants amers.
Emprisonné dans le cimetière de mes mornes souvenirs, vient encore le désire de fuir et de partir là où la vermine que je me condamne à être cessera de se morfondre en les cadavres putréfiés de mes relations qui se trainent telles des moribondes.
Partir et m’enfuir loin là bas. Je connais rien de ces vies comme coincées dans un autrefois aux allures étrangement familières. Traverser de l’autre côté est un voyage étrangement court et étrangement long, après m'être enfoncé dans la pénombre abyssale de la grotte et apparaître tel un spectre sur cet horizon jonché de feuilles encore gonflées par la rosée. Un clignement d’yeux à peine, un léger dépaysement, mais c’est tout ce que l’on perçoit réellement. Qui racontait que la magie devait se faire avec des artifices et prouesses abracadabrantes ? J’ai pas sortis de lapin blanc d’un chapeau et encore moins voyagé sur le dos d’un reptile quelconque. Intrigué, charmé, mes sentinelles de givre détaillent et examinent le décor ambiant, comme l’on peut observer un mirage. Des rues de gravelles, aux façades de ces petits commerces qui propagent une chaleureuse atmosphère dans le cœur de l’idyllique village, je retrouve les beautés et richesses d’époque. Des éclats rires des passants qui flânent sur le trottoir, aux regards espiègles des enfants qui courent vers la forêt comme des malins petits farfadets. Bref, j’ai l’impression d’être atterrie dans la comté Sacquet et bientôt un Bilbon pas encore possédé par le maléfice de l’anneau me sautera dessus pour me faire découvrir son monde…
Mais avant ça, je tire la chevillette, la bobinette cherra et mon ombre imposante disparaît doucement dans l’Antre du petit Chaperon Rouge.