Ara Morrigan
Nine lives and not a second for your sorry ass
| Lors de ce doux 5 février 1645, ma tronche de cake est apparue dans ce monde apocalyptique qui s’avère être Azuria Creek, Lazuli Kingdom, Elvendyr. Vous pouvez le calculer au nombre de squelettes dans le placard, je déclare avoir 324 automnes. Puisque que je n’ai pas eu l’occasion de choisir la chaumière dans laquelle je suis arrivé, ma classe sociale appartient à celle des hurluberlus riches. Défais de ce moule, c’est ce qui m’aspire joyeusement à devenir le maître nageur sauveteur que vous avez le malheur de croiser aujourd’hui. Dans les grandes confessions, je peux également vous annoncer que je suis veuve et que l’étiquette de bisexuelle se colle à mon front. Qu’est-ce qui me rend si spécial à vos yeux de biche émerveillée ? Bah, voilà je suis une sirène. Avec tout ça, j’appartiens à la classe des éléments de l'eau et qu’avec tout ça je me vois être désabusée et furieuse. Sans comprendre pourquoi, les gens me comparent à Cristin Milioti . Mais l’habit ne faisant pas le moine, comme on dit ! Je suis de nature spontanée mais je ne veux pas que le choix de mon élément et pouvoir soit un choix du staff. |
Bip Bip Bip Bip Bip…Sa deuxième montre sonne en continue. Elle a renoncé à essayer de l’éteindre. Son téléphone s’y met aussi. Concerto de vacarme strident en ré mineur. Ouais, c’est l’urgence, message putain de reçu, merci !
— Shiiit… Fuck me…
Fourbue, Ara s'accroupit péniblement, cherche à tâtons ses clefs tombées au sol. Vision trouble, gorge sèche, un pouls irrégulier qui bat dans ses tempes, des tremblements à vous mixer une margarita… Allez savoir par quelle intervention divine, — et elle les a certainement pas invoqués, les croulants sacrifiés — elle trouve la force de s’appuyer contre la porte, l’adresse de tourner la clef dans la serrure, et entre en trombe. Des miaulements longs accueillent son arrivée, on se frotte contre ses jambes.
— Oui, je suis là, je suis là, shh… Deux secondes, ok ? Combien elle a de chats maintenant ? Cinq ? Sept ? Voilà ce qu’on gagne à recueillir tous les vagabonds du coin… Mais que voulez vous, ils ont neuf vies, ils comprennent, eux. Ara titube, avance à l’aveugle jusqu’à la salle de bain. Sa main empoigne le robinet de la baignoire. On s’en balance de la température : de l’eau, juste de l’eau ! Elle s’engouffre toute habillée dans la baignoire ; et sombre.
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Sa deuxième montre sonne toujours. Ara émerge. Trois, quatre heures ont passé ? Son portable s’est arrêté, probablement plus de batterie. On peut jamais compter sur ces trucs là de toute façon, voilà exactement pourquoi elle double toujours les alarmes. Une sur son téléphone, une sur la deuxième montre solidement attachée à son poignet. Elle en porte toujours deux parce qu’elle n’a jamais réussi à se faire aux heures numériques ; hé oh, ça va, pour une tricentenaire, elle vit quand même plutôt bien avec son temps !
Ara ferme le robinet. La pièce a un peu pris l’eau mais, globalement, l’évacuation d’eau a fait son taf. A part une belle migraine de ses morts, mais ça c’est la dernière tournée de shot avec Leah, elle est tirée d’affaire pour cette fois. Est-ce un soulagement ? C’est pas la première fois ces derniers mois qu’Ara frôle la catastrophe. Ce ne sera probablement pas la dernière. Elle semble flirter de plus en plus avec les limites — le danger, l’alcool, sa condition bien sûr, mais les humains aussi. Que voulez-vous, quand on a plus rien à perdre… Et c’est le cas, n’est-ce pas ? L’émerveillement enfantin, l’effervescence des mortels face au moment présent, l’amitié, l’amour bien sûr, n’en parlons même pas. Ara a vu s’éteindre quatre, cinq, générations de proches, jusqu’à renoncer presque à en avoir tout à fait. On lui a ravi jusqu’à son essence, on l’a maudite jusque dans son sang ; et la voilà condamnée à vivre au rythme de ces alarmes qui lui rappellent d’aller faire trempette régulièrement. Plus grave encore, on l’a délestée de l’espoir de voir un monde meilleur, de vivre une vie qui vaille vraiment la peine d’être vécue. C’est pour dire, on lui a même volé l’opportunité de se noyer, en eût-elle eu le désir…
Maintenant, Ara est là, immergée dans une baignoire trop petite à se souvenir d’un temps où on l’appelait Islara… Elle s’ébroue, se lève d’un coup, pèle les vêtements trempés qui lui collent à la peau et enfile un peignoir. Qui est donc ce sottard qui a dit boire pour oublier ?
Ara sort un gros sac de croquettes d’un des placards et entreprend de remplir méthodiquement les gamelles éparpillées un peu partout dans son taudis de fonction. Son boss lui avait dit “c’est pas grand chose, mais si tu y mets un peu du tien, ça peut devenir sympa”. Elle n’y a pas mis du sien, du coup c’est toujours aussi rustique, anonyme, inhospitalier. Pourquoi investir dans un endroit où elle n’a pas vraiment l’intention de rester ? Ara s’est posée là dans l’espoir qu’un jour la faille se réouvre, et maintenant qu’elle s’est réouverte, qu’elle s’est rendue compte qu’elle n’avait pas la moindre intention de retourner à Elvendyr, elle semble attendre. Incapable de partir. Incapable de rester.
Elle a des comptes à régler, mais comment et avec qui ? Une rage démesurée s’est insinuée dans ses veines, plus sûrement que le sang de Tharek lui-même. La colère, nourrie par l’injustice, d’être allée aider les autres pour se retrouver seule, maudite, abandonnée. La fureur d’avoir mis sa vie entre les mains de déités qui, le moment venu, se sont montrés bien de-deça des espérances placés en eux. Alors quoi, six petits poneys peuvent battre Tirek grâce au seul pouvoir de l’amitié, mais quatre dieux vivants doivent se sacrifier pour arrêter Tharek, et encore ils laissent les malheureux condamnés sur le carreau ? La déception d’avoir cru si longtemps que, si seulement elle trouvait un moyen de rentrer à Elvendyr, tout irait mieux. La frustration, bien sûr, d’avoir parcouru les quatre coins du monde à la recherche d’un remède inexistant. Enfin, la résignation de se faire à l’idée que ce sera cette vie et rien d’autre.
Alors, elle attend. Une opportunité, une chance, une lumière quelque part. Il y a de pires endroits où attendre après tout. Depuis quatre ans qu’elle habite là, les gens sont habitués. Il y en a même quelques uns qui, passant au-delà de son mauvais caractère, de ses injonctions à aller manger du ciment et autres familiarités de la sorte, ont érodé ses défenses. Des gens qu’elle est plutôt contente de voir de temps en temps. Ceux qui, comme le félin qui vient s’installer sur ses genoux, ont peut-être deviné qu’elle cache un coeur d’or.
TAKE A BITE OF THIS WORLD WHILE YOU CAN
Résumé— Elementaire de l'eau née dans une famille riche d'Azura Creek il y a 324 ans. Elle a eu plusieurs prénoms qui représentent les différentes étapes de sa vie.
— S'est mariée sur Terre à la fondation de Reveal Down.
— Revient à Elvendyr après la mort de son mari en 1789
— Victime de Tharek et sirène originelle qui a contaminé pleins d'autres élémentaux. Libérée de l'emprise de Tharek juste avant la fermeture, elle a traversé et s'est retrouvée bloquée sur terre.
— A travaillé dans l'humanitaire par culpabilité d'avoir fait tant de mal + voyagé autour du monde en catamaran pour chercher un remède et/ou un moyen de revenir en Elvendyr.
— Est devenue maître nageur à RevealDown en 2015. Après la réapparition d'Elvendyr, elle y a fait un court séjour, mais horrifiée de voir que la malédiction reste active, elle a fui et ne compte pas y remettre les pieds.
{ 1656 — Elvendyr, Lazuli Kingdom } ~ IslaraOn lui avait dit que le Harvest serait le plus beau jour de sa vie, une expérience magique qui la laisserait changée à jamais. Islara avait envieusement regardé ses frères aînés user à tort et à travers de leurs dons, rêvassant à ce qui l’attendait. Elle avait compté les jours jusqu'à son intronisation. Bien que déjà d’un naturel réservé, Islara s’était soumise sans la moindre protestation aux préparatifs extravagants de sa famille. Elle s’était prêtée au jeu : elle avait écouté et respecté à la lettre les consignes données par Shaenna, bu l’eau magique, vu la flamme tourner bleu, et célébré l'événement à sa juste mesure.
Les lendemains furent plus difficiles, quand malgré toutes ses vaines tentatives, tous ses efforts futiles, aucun pouvoir ne se révéla. Telle fût la première trahison d’Elvendyr : lui promettre un don pour la maudire à la place.
Le temps s’égraina. Les rides et les cheveux blancs rongeaient ses proches mais Islara restait inchangée, son corps encore celui d’une toute jeune fille en fleur. Tel était le pouvoir qui lui avait été accordé : une vie ordinaire pour l’éternité, ou presque. Elle passa les premières décennies dans une oisiveté presque totale, à lire et partager la passion de son père pour la flore, particulièrement les plantes médicinales.
Sa famille était suffisamment riche et prospère pour qu’elle puisse maintenir ce rythme de vie indéfiniment mais, à la mort de son père, Islara se mit en route pour explorer les royaumes avoisinants qui lui étaient accessibles. Elle se disait que c’était pour découvrir de nouvelles plantes et développer plus encore ses savoirs médicinaux. La vérité plutôt, c’est qu’elle s’ennuyait mortellement.
Bientôt, Elvendyr ne fût même plus assez.
{ 1893 — Terre, Reveal Down } ~ Ezlara McGillivrayC’est faux, ce n’est pas la curiosité qui tua le chat, mais bien l’ennui. Après avoir vu tout ce qu’il y avait à voir, rencontré assez de gens pour tous les confondre, Islara passa le pas. Elle franchit la frontière de Magnolia Light vers l’Autre Monde.
Par-delà la faille, Islara se fit une amie : Elaine, une jeune femme douce et généreuse à la chevelure rousse aussi voluptueuse que l’était son accent irlandais. Elle était arrivée il y a peu avec sa famille dans l’espoir de se faire une petite place dans la nouvelle ville qui allait se fonder en bord de mer. Les deux femmes se retrouvaient tous les matins dans les bois et bavardaient gaiement en rassemblant des fagots.
Un jour, Elaine ne vint pas. Ni le lendemain, ni le surlendemain. La disparition soudaine de son amie fût source d’inquiétude suffisante pour qu’Islara abandonne ses plans d’une exploration méthodique et timide pour passer les portes du village avoisinant. Elle apprit bien vite que la pauvre enfant souffrait d’une fièvre terrible et rejoindrait le Sidh sans tarder. Islara, qui connaissait déjà trop bien la mort, ne pouvait se résoudre à perdre encore l’une des rares personnes à qui elle s’était attachée ces dernière décennies. Elle aiderait.
Son arrivée dans la demeure rustique des McGillivray fit grande impression. Islara était trop bien habillée en comparaison, et les quelques bijoux sobres qu’elle portait auraient suffit à racheter la moitié de la ville en construction de RevealDown. Elle se présenta - Islara Morrigan - et fût accueillie avec une étrange déférence. Il n'y avait pas de nom de famille en Elvendyr, mais elle avait entendu Elaine mentionner plusieurs fois le nom Morrigan et se l'était donné sans véritablement saisir dans l'instant les implications derrière ce choix.
Islara veilla son amie nuit et jour, ne s’absentant que pour récolter les plantes dont elle avait besoin et préparer ses étranges concoctions. Elle stabilisa l’état d’Elaine et la ramena petit à petit dans le monde des vivants. Presque à son insu, elle s’habitua aux humains qui l’entouraient et commença à se plaire dans cette petite demeure exiguë et chaleureuse - loin de son manoir vide et froid en Elvendyr. Elaine était guérie et voilà qu’Islara ne voulait plus partir.
Aedan était l’une de ses raisons de rester. Le frère aîné d’Elaine la surprenait jour après jour. Il la faisait rire - haut fait s’il en est - et, comme s’il était donné d’une âme aussi ancienne que la sienne, il lisait en elle comme dans un livre ouvert. Il lui fallut force et persévérance pour obtenir sa main mais, que voulez-vous, elle était éprise. Sur son certificat de mariage, on inscrit Ezlara McGillivray. Ce fut son premier changement de nom, une mue involontaire, fruit de l’accent si mélodieux des irlandais et d’une union plus qu’heureuse.
Aedan et Ezlara s’établirent comme un des piliers de la jeune ville de Reveal Down. Le couple eut trois merveilleux enfants. Les temps n’étaient pas faciles et plusieurs tragédies vinrent chahuter leur bonheur, comme la mort de leur fils aîné, en 1916, volontaire pour partir combattre en Europe pendant la première guerre mondiale. Le noyau familial resta solide néanmoins, gonflé de plus d’amour que ne peut en contenir un coeur.
Aedan McGillivray s’éteint dans son sommeil en 1931, d’une fin aussi douce que l’avait été sa vie avec Ezlara. Elle resta encore un peu pour veiller sur ses enfants et ses petits enfants. Quand la seconde guerre mondiale éclata, alors que les discours de guerre retentissaient et que les hommes se préparaient au départ, Elzara décida en avoir assez vu des humains. Elle s’évanouit dans la nuit comme elle était arrivée.
{ 1789 — Elvendyr, Lazuli Kingdom } ~ AyaraA son retour en Elvendyr, elle revint s’installer dans le manoir familial, maintenant habité par les arrières petits enfants de son frère aîné. Ses appartements n’avaient pas été occupés depuis son départ, et étaient restés quasiment en l’état.
L’eau avait pourtant coulé sous les ponts. Elle n’était plus Islara, loin de là. Ni Ezlara, d’ailleurs. Le nom était devenu trop connoté, trop difficile à porter. Alors, elle en choisit un autre : Ayara.
Avec une vie consacrée à l’apprentissage des soins et à l’étude des plantes médicinales d’Elvendyr et de la Terre, Ayara ne tarda pas à devenir une des guérisseuses de référence pour tous les petits maux et tracas - ceux qui ne nécessitent guère l’intervention d’un ange ou autre pour être soignés. Ayara prit même une charge d’enseignement auprès des jeunes générations.
En 1829, après le raz-de-marée terrible qui engloutit une partie du royaume, Ayara fût une des premières sauveteuses à venir en aide aux rescapés - soigner les blessés, faire reloger les sinistrés, organiser les approvisionnements nécessaires…
Est-ce du fait de son engagement au sein de la société civile, et de la position de confiance qu’elle y occupait, que Tharek l’a choisie elle ?
{ 1830 — Elvendyr, Lazuli Kingdom } ~ AdoraTharek aussi avait un nom pour elle, pour son jouet, sa marionnette. Un nom irrésistible, résonnant dans son esprit de manière assourdissante… Adora, Adora… Douce ironie que d’avoir retourné la guérisseuse contre son peuple, n’est-ce pas ?
Non. NON ! Il est des histoires qui ne se racontent pas. Des épisodes si sombres qu’il est préférable même indispensable de les oublier. Elle les a enfoui dans les tréfonds de sa mémoire, si loin que même l’emprise de Tharek sur son esprit, les visages de ses victimes et le sang sur ses mains ne se retrouvent plus que dans ses pires terreurs nocturnes. Elle n’en a jamais dit mot à personne, bien sûr, mais certains se souviennent.
Ils savent ce qu’Adora a fait.
{ 1980 — RevealDown } ~ MorriganQui est-elle ? Islara, Ezlara, Ayara, Ad… Adora… Ses noms la tourmentaient, ils tournaient et viraient dans son esprit malade… Quelques heures plus tôt, l’emprise de Tharek sur son esprit s’était relâchée soudainement. La réalisation de ce qu’elle avait accompli ces dernières semaines l’avait inondée tel un tsunami et elle s’était effondrée, corps et esprit.
Bien au-delà du point de rupture, convaincue que la mort était imminente et inévitable, elle s’était traînée au travers de la faille jusqu’à la tombe d’Aedan. Elle se souvenait avoir été heureuse avec lui. Ils seraient réunis dans l’au-delà.
Ce n’était pas la fin pourtant, loin de là.
Alors que Tharek rencontrait ses pourfendeurs, un séisme terrible causait le chaos à RevealDown. On l’avait trouvée - errante, mal en point - et sans vraiment réaliser que son mal venait d’ailleurs, on l’avait mise en sûreté et soignée. Juste une victime de plus de cette catastrophe naturelle. Quand la “jeune” femme avait émergé de sa torpeur, la faille avait été fermée et Elvendyr avait disparu.
Tenue par la culpabilité de ses actions passées, et retenue prisonnière de cette terre d’adoption, elle avait redonner un sens à sa vie en se dépassant pour venir en aide aux malheureux. Le tsunami de nouvelle guinée en 1998, elle était là. Le séisme d’Aceh en 2004, elle était là. L’ouragan Katrina en 2005, elle était là. Le typhon Haiyan en 2013, elle était là…
Le reste du temps, elle avait voyagé en solitaire sur un catamaran emprunté à un mort, explorant tous les littoraux à la recherche d’un remède à son mal… et de contes merveilleux de passages vers d’autres mondes et autres récits oniriques susceptibles de lui faire trouver un moyen de retourner à Elvendyr.
Toujours seule, anonyme, les pieds dans l’eau.
{ Mars 2015 — RevealDown, Poseidon beach } ~ Ara Morrigan— Je ne fais pas de bouche à bouche. Le maître-nageur la regarda un instant d’un air interloqué, puis haussa les épaules. Peu importe non ? Avant de réanimer quelqu’un, encore faut-il l’avoir déjà sorti de l’eau, et il n’avait jamais vu une telle nageuse. La petite crevette était dans l’eau avant que ses gars aient repéré le surfeur inconscient, et l’avait sorti de là avant même qu’ils ne soient totalement immergés. Il avait du mal à recruter du personnel compétent et c’était là une addition indispensable à l’équipe.
— Je prépare le contrat, vous passez demain pour les détails et la signature ? Début lundi ? Ah, et votre nom ?
— Morrigan. Hmm, euh, Ara... Ara Morrigan. Aujourd’hui, Ara. Demain, quelqu’un d’autre ? Sur une poignée de main, la nouvellement prénommée Ara s’éloigna de son côté. Il faut savoir saisir les opportunités quand elles se présentent. Voilà quelques semaines maintenant qu’elle traînait dans les parages à la recherche de signes d’Elvendyr. Elle avait cherché, cherché partout et en vain. Si la faille venait à se rouvrir, ce serait probablement ici.
Faute de pouvoir en faire plus, pourquoi ne pas s’installer ici quelques temps ; là où tout avait commencé ? Si elle ne s’y plaisait pas, elle pourrait toujours reprendre son catamaran, partir ailleurs et prendre encore un nouveau nom…
{ 1869 — Elvendyr } ~ Ara MorriganLa faille ! La faille s’est réouverte ! Sans aucune hésitation, Ara s’était engouffrée de Revealdown à Elvendyr. Son monde existait encore. Ô par les déités, elle le voyait devant elle. Ara s’était agenouillée tremblante près de l’eau magique et avait bu goulûment jusqu’à la nausée. Enfin, enfin ! Après 39 ans sur cette terre à subir les maléfices de Tharek, elle serait délivrée de cette existence misérable ! Enfin, elle reviendrait parmi les siens. Enfin, ses crimes étaient lavés et elle pourrait faire repentance…
Mais non… sa peau durcissait toujours au contact de l’eau et… et… Sûrement, si Elvendyr était revenu, c’est que le maléfice était rompu ? Non, non, non… Ara voyagea dans la discrétion la plus complète jusqu’aux terres de Lapis Lazuli Kingdom, erra dans les ruelles d’Azura Creek et… et nagea même jusqu’à Cobalt Island.
La vue de ces êtres maudits, diminués comme elle, lui fût insoutenable. Sous le choc, elle s’enfuit aussi vite que possible. Hors du royaume, hors d’Elvendyr, hors de la grotte, pour se cloîtrer dans son piètre appartement avec ses chats. Rien de ceci ne faisait sens. Elle avait crû en une forme de justice cosmique, que la souffrance aurait une fin, qu’Elvendyr était la solution, que les dieux triompheraient…
Pauvre sotte.